La saison 2023 de Wout Poels est en tout point réussie. A 35 ans (il en a désormais 36), le Néerlandais a décroché cette année deux étapes de prestige – l'une sur le Tour de France, l'autre sur la Vuelta. La consécration, pour celui qui était en panne de résultats depuis son arrivée dans le collectif de la Bahrain Victorious. Et qui, malgré son succès sur Liège-Bastogne-Liège en 2016, a souvent été cantonné à un rôle d'équipier.
L'ancien membre de la Sky aborde avec confiance l'année 2024. Il envisage une participation au Giro et compte bien devenir le 107e coureur de l'histoire à remporter une étape sur les trois Grands Tours. Il lorgne aussi sur les Jeux olympiques, même si la nouvelle politique de quotas ne lui convient guère. Le grimpeur l'a d'ailleurs fait savoir à GCN.
Ils ne seront en effet que 90 à prendre le départ de la course en ligne des JO de Paris 2024, soit 38 de moins qu'à Tokyo et 54 si l'on compare avec Rio. Un abaissement significatif, qui impacte en premier lieu les grandes nations du cyclisme. Chez les hommes, la Belgique, le Danemark, la Slovénie, la Grande-Bretagne et la France seront les seules à disposer de quatre athlètes. Les Pays-Bas se contenteront de trois représentants et la Suisse devra composer avec deux coureurs.
La course devrait être ouverte, elle sera en tout cas difficile à cadenasser, comme le rappelle à juste titre Wout Poels: «Si votre équipe n'a que trois coureurs, vous ne pouvez pas contrôler, il faut passer des accords avec d'autres pays». Le choix des instances est ce qu'il est, et finalement, ce format en petit comité est peut-être le garant d'une épreuve débridée et spectaculaire.
«Les meilleurs ne seront pas tous au départ», s'indigne Wout Poels. Il n'a pas tort, ceci est une réalité. Et il n'y a aucun mal à ce que le coureur souhaite la crème de la crème, bien au contraire. D'ailleurs, ce ne serait pas si dérangeant de voir une start list élargie, similaire à celle des Mondiaux de Glasgow, comprenant 195 partants et offrant aux meilleurs pays quelques quotas supplémentaires. En revanche, sa réflexion à propos des plus petites nations va à l'encontre de l'esprit olympique.
Une phrase à laquelle il ajoute: «C'est une belle idée olympique, mais elle ne fonctionne pas vraiment». Et bien si, au contraire. Les Jeux olympiques n'ont pas vocation à être une classique comme il y en a si souvent dans la saison. L'événement est à part, il doit justement inclure ces nations moins performantes, c'est ce qui fait une partie de son charme. Imaginons à quoi ressembleraient les séries du 100 mètres si l'on se fiait à la seule performance. Nous assisterions aux Championnats des Etats-Unis et de la Jamaïque.
Certes, nombreux seront les coureurs des «petites nations» à mettre la flèche – mais de là à signifier qu'ils seront lâchés après 10 kilomètres... Ce qui est sûr, c'est que ce ne sera pas le cas de tous.
Prenons l'exemple des Jeux de Tokyo, avec l'Ouzbek Muradjan Khalmuratov et le Grec Polychronis Tzortzakis, tous deux classés dans le même temps que Jan Tratnik, Nairo Quintana et Luke Durbridge. Ou du Marocain Anass Aït El Abdia, qui à Rio, franchissait la ligne en compagnie de Michael Woods et Michał Kwiatkowski. Et que dire de tous ces championnats où il n'est pas rare de voir des inconnus prendre l'échappée matinale. Ces coureurs n'évoluent peut-être pas en World Tour, ils ont en revanche un niveau suffisamment acceptable pour prendre le départ et défendre avec fierté les couleurs de leur pays.
Parmi les 203 fédérations membres de l'Union cycliste internationale, seules 55 seront engagées sur la course en ligne masculine des JO de Paris 2024. Et sur ces 55 nations, les 45 premières au classement mondial ont automatiquement reçu un ou des quotas. Des pays fournisseurs de talents comme le Luxembourg et l'Afrique du Sud, étonnement 34e et 36e, obtiennent finalement un slot direct de peu. Et qu'on se le dise, Jungels ou Meintjes, s'ils sont sélectionnés, ne feront pas de la figuration. Même chose pour un Rein Taaramäe qui, si son pays le convie, honorera la 38e place de l'Estonie. Tout ça pour dire que les 55 pays autorisés sont légitimes, n'en déplaise à Wout Poels.
La remarque du Néerlandais est d'autant plus étonnante que les professionnels ne font pas des JO le grand objectif d'une saison. Une victoire sur un monument, aux Championnats du monde ou sur un Grand Tour a bien plus de résonance au sein de la communauté cycliste, même si cela tend à changer. Poels le dit lui-même: «J'ai l'impression qu'au cours des dix dernières années, les cyclistes ont commencé à cibler davantage les Jeux olympiques». Il était temps.
Si le cyclisme sur route est présent aux JO depuis les premières heures (une épreuve a eu lieu à Athènes en 1896), ce n'est que depuis 1996 que les professionnels ont été autorisés à participer. Le «vélo» est le troisième sport olympique en termes de médailles distribuées, et aux Jeux, on s'intéresse volontiers à la piste et au VTT plutôt qu'à la route, deux disciplines où les médailles olympiques ont une grande valeur.
«Si vous me demandez si je veux y aller, c'est toujours le cas», conclut Wout Poels. Et c'est bien là l'essentiel – même si cette façon de gérer les quotas ne le satisfait pas. Brûle quand même cette petite flamme, au moins autant que chez certains inconnus, qui auront le privilège de s'élancer aux côtés du Néerlandais, pour 10 kilomètres voire un peu plus.