Cher Raymond Domenech,
Nonobstant le charme de vos 70 ans bien gaulés, votre présence à l'antenne soulève une question complexe: à partir de quel moment un consultant a le mérite de la franchise ou les attributs de la balourdise? A partir de quel degré un humour devient-il froid et insensible? De la pertinence à l'insolence: avec vous, on oscille en permanence. Jusqu’à la nausée. On ne sait pas s’il faut glousser à vos moqueries ou planter des stylos dans une poupée à votre effigie.
La France vous connaît et on vous désire provocateur: ce n'est pas pour vos beaux yeux que l'Equipe TV vous demande de poser un regard sur le football moderne. Las, galvanisé par les poilades de la table et des ardeurs de fin de banquet, vous semblez prendre un malsain plaisir à rabaisser vos semblables, en particulier (comme c'est étrange) ceux qui accèdent à une grandeur à laquelle vous ne sauriez prétendre.
Vous ne souhaitez Ronaldo à aucun entraîneur: votre passion pour André-Pierre Gignac était-elle si aveugle? Vous avez trouvé la France de 2018 terne et ennuyeuse: comment qualifieriez-vous la vôtre?
Cette appréciation n'est pas la moindre des piques un peu couillonnes que vous avez adressées à Deschamps, ses peurs bleues, ses choux blancs et ses tapis rouges. Comme ce droit à l'erreur que vous lui refusiez lâchement en présentant l'adversaire australien, en gros, comme un aréopage de benêts et d'éleveurs de chèvres. Non content d’avoir prédit à la Suisse une débâcle que seule une panne d’ascenseur pouvait empêcher (Euro 2021, 4-3 pour la Suisse aux tab), vous avez failli en dire autant de l'Australie parce que, ouvrez les guillemets, «on peut passer son temps à répéter que tout est possible dans le football mais à un moment, il faut dire la vérité».
France 2018, si ennuyeuse: avez-vous oublié Knysna et cet avis de grève que vous lisiez rageusement devant un arrêt de bus, incapable d'y faire descendre des joueurs qui ne vous écoutaient plus? Avez-vous oublié cette équipe de France sans collectif ni unité qui a fait de vous, durant cette même Coupe du monde, le Français le plus attendu au coin du bois depuis le Petit chaperon rouge?
Ronaldo: avez-vous jeté un œil à son CV et noté tous les entraîneurs que cet homme a comblé, avec ce caractère que vous dites sale et que vous revendiquiez pourtant pour vous-même? La vérité: selon vous le Maroc n'est-il pas une surprise, la preuve manifeste que tout est possible dans le football?
Nonobstant votre indéfinissable charme, M. Domenech, vous oubliez que la valeur d'une opinion est indexée au vécu de celui qui la profère. «Quel est le vôtre, de vécu, pour m'astiquer ainsi», me jetteriez-vous sans doute à la face. One point. Sauf que vous n'êtes ni un journaliste en mal d'audience, ni un fan ouvert à toutes les outrances: vous êtes l'ancien sélectionneur de l'équipe de France. Un homme de votre rang, quand il tombe aussi bas, fait plus de fracas qu'une plume ou un drôle d'oiseau.
Un site français convoque Audiard et écrit que «Domenech ose tout, c'est à ça qu'on le reconnaît». Il y a du vrai. Vous lancez vos paroles comme jadis vous jetiez vos crampons de boucher dans les mollets adverses. Mais des paroles en l’air, à l'arrivée, ne peuvent former qu’un tas de bêtises. Pour vous, et sauf votre respect M. Domenech, il est temps qu'une tempête du désert les emporte.