La légende du Real Madrid annonce son homosexualité: «J'espère que vous me respecterez: je suis gay. #bondimanche», avant d'annoncer que son compte a été piraté. Une vaste plaisanterie à laquelle une autre légende espagnole, Carles Puyol, s'est jointe: «C'est le moment de raconter notre histoire, Iker», toujours sur Twitter.
Humour dépassé, opération marketing, piratage (que la presse espagnole a démentie), ce simple tweet a déclenché une tempête homophobe au lieu de soutenir une cause qui est défendue par les instances et les joueurs. Et là, les supporters, les suiveurs du ballon rond ont laissé leur personnalité ressortir pour rappeler que ce sport ne laisse aucune place à l'homosexualité. Un déversement infâme d'ignominies.
Dans ce flux de messages haineux, Puyol a tenté d'expliquer que sa «blague maladroite ne cachait aucune mauvaise intention». Mais a-t-il pensé à ces joueurs en plein doute, timides et pétrifiés à l'idée d'avouer leur orientation sexuelle? Pas un traître instant. L'inutilité d'une telle blague, alors que la société avance pas à pas pour intégrer au mieux la communauté LGBTQI+, suscite l'incompréhension.
Imaginez Iker Casillas, légende du foot espagnol, figure respectée, avouer son homosexualité et devenir une icône pour bien des jeunes joueurs en mal de repères. Un leader comme il l'avait été entre les deux poteaux du Real Madrid qui s'engage aux côtés d'une minorité. L'idée aurait été belle. Mais la communauté arc-en-ciel a vite déchanté.
Face à un tel torrent haineux, dont certains tweets réclamant de... ne pas «souiller un club comme le Real», le jeune joueur qui souhaitait annoncer ses préférences sexuelles a sûrement dû se raviser. Le sport et surtout le foot n'arrivent pas à se détacher de cet héritage historique. Les discours d'avant-match, à la mi-temps, sont toujours gorgés d'insultes bien fleuries (fiottes, pédés, etc), jusqu'à appartenir au jargon du vestiaire. Presque au folklore du football.
Cette fois-ci, l'onde de choc pourrait toucher durement les jeunes, et même chez les joueurs professionnels en délicatesse avec leur orientation. Il semble loin le temps où, en 2019, Yoann Lemaire diffusait son documentaire Footballeur et homo, au coeur du tabou, tapant du poing sur la table. En 2022, le tabou persiste et les jeunes qui voulaient (oui, il faudrait presque conjuguer au passé) faire leur coming-out, comme l'Australien Joshua Cavallo, ont vu leurs envies se muer en velléités.
Les footballeurs (gay) qui ont écouté Lemaire ont sûrement souligné cette phrase: «On est voués à subir.» Une parole qui déplore une omerta gonflante, une réthorique bête à en pleurer, à déblatérer sur l'importance d'être des hommes en suggérant que l'hétérosexualité est la preuve de leur masculinité. L'homosexualité est prohibée et condamnée, signe de faiblesse pour le mâle en quête de performance. Il s'agirait de grandir...
Il s'agirait de réfléchir aussi, et de se souvenir que les plus jeunes lisent ces flux de méchancetés. Il existe peut-être parmi eux des férus de foot, mais désorientés par leurs attirances; des ados et des plus âgés qui auraient volontiers poussé la porte du placard, un temps entrouverte, et à présent fermée à double tour.