Quatre courses féminines et deux victoires helvétiques. Trois courses masculines et deux victoires suisses. Sur sept courses, le ratio est brillant. Mais derrière cette euphorie un brin trompeuse, le vaste réservoir de Swiss-Ski n'a pas pleinement convaincu.
Si nous prenons les points accumulés sur les sept courses, la Suisse a accumulé 911 points, dont 260 de Marco Odermatt, 100 de Gut-Behrami et 240 récoltés par Wendy Holdener. Si nous enlevons les 600 points des trois figures de proue, nous arrivons à un total de 311 points. Maigre pour une nation de ski alpin.
Chez les hommes, des coureurs comme Loïc Meillard (7e et solide lors du géant de Sölden), Justin Murisier (encore en délicatesse après son opération) et Gino Caviezel ont montré que le ski était bel et bien là. Mais les trois sont passés à côté de leur super-G canadien.
Beat Feuz, et ses 16 jours d'entraînement, ne s'est pas montré saignant, ni des plus affûtés. Le Bernois a misé sur son talent lors de la descente canadienne (5e), avant de sombrer sur le super-G (40e) le lendemain.
Si la descente a été dans l'ensemble bonne, avec trois skieurs à croix blanche dans le top 10, le super-G de Lake Louise a souligné les carences d'une équipe nationale encore en rodage. Outre un 9e rang de Stefan Rogentin, les Suisses sont absents du top 15. Il faut remonter à la 22e place de Niels Hintermann – bon 7e la veille lors de la descente.
Le début de saison est très bon, mais il convient de bien analyser les résultats dans leur ensemble. L'exemple flagrant nous vient d'une équipe féminine qui brille grâce aux excellents résultats de Wendy Holdener. Avec trois slaloms et un géant, la Schwytzoise a pu pleinement exprimer ses qualités dans ses disciplines phares.
L'actuelle deuxième du classement général de la Coupe du monde a surtout sauvé les meubles, tant derrière elle c'est le désert: Rast et Gisin ne trouvent pas leurs marques avec leur nouveau matériel; Mélanie Meillard et Aline Danioth sont trop irrégulières pour le moment.
A Killington, la Suisse a réussi à placer cinq de ses représentantes dans le paquet des 30 meilleures slalomeuses du jour. Si Holdener est tout en haut, les autres apparaissent sur la deuxième page du classement – comprenez par-là qu'aucune d'elles ne figure dans le top 15.
L'antienne se perpétue en géant: si Gut-Behrami scintille tout en haut du classement, derrière, c'est patatras. Elles étaient six à décrocher leur ticket pour la deuxième manche, et si Wendy Holdener s'est défendue avec une 16e place, les Ellenberger (19e), Rast (21e), Gisin (25e) et Wild (28e) sont restées à distance respectable du haut de tableau.
Les bons résultats d'un seul coureur ou d'une seule coureuse peuvent faire oublier une faiblesse collective.
L'équipe autrichienne a souvent été tributaire des exploits de Marcel Hirscher chez les hommes, sans que les espoirs de la «Wunderteam» n'arrivent à percer dans le sillage du joyau d'Annaberg. Les exemples ne manquent pas: Marcel Mathis, Daniel Meier, Christian Hirschbuehl ou encore Roland Leitinger n'ont pas eu la carrière prédite par les observateurs.
Avoir un champion de la trempe du Nidwaldien dans ses rangs, la Suisse a la chance d'en profiter. Mais son poids peut également se transformer en une épine dans le pied. La dépendance à Marco Odermatt peut occulter les problèmes de succession, bien que le Nidwaldien soit jeune. Le trou générationnel et le désert de l'après «Odi» peut valoir son lot d'inquiétudes.
Après la retraite d'Hirscher, l'Autriche a pu et peut compter sur des Manuel Feller ou Marco Schwarz. Sauf que les deux fers de lance en technique sont fragiles, comme le prouve leur début de saison timide (hors du top 10) lors du géant d'ouverture de Sölden.
La Suisse voit elle aussi ses cadres commencer à courber l'échine. Beat Feuz est vieillissant et le corps grinçant. Il cible des épreuves plutôt qu'un globe. Mauro Caviezel, une assurance de claquer des podiums en super-G, vient à nouveau de se rater à Lake Louise. La poisse est tenace pour le Grison, qui semblait revenir fort juste avant sa cabriole.
Le facteur le plus inquiétant est lié au manque de performance de coureurs comme Gilles Roulin, Ralph Weber ou Urs Kryenbuehl, en reprise après son opération à la hanche. Swiss-Ski récupère des skieurs qui reviennent de blessure et en recherche (ou en désespérance) de sensations, alors que le temps passe.
En vitesse, les jeunes sont encore en cours d'apprentissage, comme les talentueux Alexis Monney, Lars Roesti, Josua Mettler et Yannick Chabloz. Les kilomètres de course et l'expérience en guise de diplôme, les trois fonceurs sont encore sur les bancs d'école des spécialistes de vitesse, avant de pouvoir taper dans le haut du panier. Il faut du temps, de l'investissement avant de performer et s'installer durablement dans le (premier) peloton des descendeurs.
En technique, Fadri Janutin, Semyel Bissig ou encore Livio Simonet ne doivent pas trop traîner. Les Norvégiens Lucas Braathen et Atle Lie Macgrath, nés la même année que Janutin, ont déjà des références au plus haut niveau.
Chez les femmes, les espoirs sont encore trop timides et se font cruellement attendre, tant en vitesse qu'en technique. Nicole Good s'est illustrée à Levi avec une bonne 16e place. Mais Swiss-Ski n'a pas pléthore d'espoirs en stock, les espoirs féminins sont encore loin du compte.
L'ivresse de la victoire de nos cracks nous fait vite oublier que le ski suisse ne dispose pas suffisamment d'athlètes de top niveau derrière. Mais la saison ne fait que débuter: la clique des slalomeurs Romands et les caractères bien trempés de cette équipe nationale sont prêts à nous faire mentir. Et ce, dès le week-end prochain.