Une femme au sifflet lors d'une Coupe du monde masculine. Voilà comment l'arbitre Stéphanie Frappart marquera l'histoire du football ce soir, en officiant dès 20 heures lors du match entre l'Allemagne et le Costa Rica. La Française prendra la tête d’un corps arbitral composé de la Brésilienne Neuza Back et de la Mexicaine Karen Diaz. L’Hondurien Said Martinez viendra compléter l'équipe des femmes en noir. Dans une Coupe du monde où la présence des femmes est plus que policée, la présence du trio féminin a double portée symbolique.
Agée de 38 ans, Stéphanie Frappart n'est pas une novice en matière de championnats internationaux. Elle s'est imposée avec tranquillité dans le paysage footballistique, dont elle a su gravir les échelons avec une rapidité étonnante. Une voix fluette engoncée dans une personnalité aussi discrète que charismatique, la juge tricolore sait qu'elle sera scrutée à travers de nombreux écrans, tant par ses soutiens que par ses détracteurs.
Tour de terrain d'une bosseuse à l'âme de pionnière.
History is set to be made on Thursday! 🤩
— FIFA World Cup (@FIFAWorldCup) November 30, 2022
There will be an all-female refereeing trio taking charge for the first time at a men's #FIFAWorldCup in the match between Costa Rica and Germany.
Referee Stéphanie Frappart will be joined by assistants Neuza Back and Karen Diaz. 👏 pic.twitter.com/fgHfh2DICK
La petite Stéphanie voit le jour en 1983, dans le département français du Val d'Oise. Tâtant du terrain dès le plus jeune âge dans sa circonscription, la Francilienne s'essaie à l'arbitrage dès...13 ans. Et des années plus tard, à presque 20 ans, la division d’honneur régional en Ile-de-France lui ouvre ses portes.
Entrevoyant un avenir professionnel dans le milieu du football - dont l'arbitrage lui semble être le meilleur garant - la jeune femme se plonge tête la première dans des études de Staps (Sciences et techniques des activités physiques et sportives). Elle met un point d'honneur à aller aussi loin que possible physiquement, et ne souhaite pas de traitement privilégié. Au job, l'arbitre prime sur la femme. «Les joueurs ne vont pas aller moins vite car l’arbitre est une femme», glissait-elle au journal Le Monde en 2019.
Au fil des années, sa passion se transforme en sacerdoce. L'arbitre en impose, elle gagne en crédibilité, sans toutefois échapper aux huées et aux remarques sexistes, tant sur les réseaux que depuis les tribunes.
Mais les insultes n'émoussent pas sa résilience de fer. En 2014, elle devient la première femme arbitre en 2e division française. En 2019, alors âgée de 35 ans, son nom fait la Une des médias de son pays. C'est elle qui est choisie pour diriger la prestigieuse Supercoupe d’Europe entre Liverpool et Chelsea.
La consécration est teintée du sceau de la rareté: jusqu'à cette date, une seule arbitre féminine avait réussi à se hisser en Coupe d'Europe: Nicole Petignat, originaire du canton du Jura. Mais malgré son rôle de pionnière, la Suissesse avait officié à un échelon plus modeste que la Francilienne, que l'on voit sur les terrains de la Ligue des champions et lors des récompenses de fin d'année (elle a été consacrée «meilleure arbitre au monde» en 2019 et 2020).
Il est encore difficile, en 2022, de trouver une femme pour diriger un match d'hommes à haut niveau. C'est donc presque malgré elle que Stéphanie Frappart marque l'histoire du football à chaque échelon qu'elle gravit. Un comble pour cette passionnée de nature discrète «qui ne se projetait pas plus que ça».
Avant cela, Stéphanie Frappart avait déjà exercé son talent au niveau mondial chez les dames...mais uniquement sur le jeu vidéo Fifa, où son personnage a été intégré dans la dernière édition.
Mais, en ce 1er décembre 2022, c'est bel et bien en chair et en os que l'experte du ballon rond pourra brandir ses cartons, au coeur du stade al-Bayt d'Al Khor.
⚽ La Française Stéphanie Frappart va devenir la première femme à arbitrer un match de Coupe du monde masculine
— BFMTV (@BFMTV) November 30, 2022
👉 Elle officiera ce jeudi lors du match Costa Rica-Allemagne pic.twitter.com/72sGXT9hei
En tout, six femmes ont été sélectionnées pour officier à la Coupe du monde au Qatar, une première: Stéphanie Frappart, la Rwandaise Salima Mukansanga et la Japonaise Yoshimi Yamashita ont été désignées parmi les 36 arbitres de champ. A cette liste s'ajoutent trois arbitres assistantes: la Brésilienne Neuza Back, l’Américaine Kathryn Nesbitt, et la Mexicaine Karen Diaz Medina.
Female referee officiating at this year men’s Fifa World Cup- Rwanda’s Salima Mukansanga,Japan's Yoshimi Yamashita and France's Stephanie Frappart.They've made history, becoming the first women to referee a men’s World Cup. pic.twitter.com/PE0rB1DFsp
— Kariega Minjire (@GodfreyNderit18) November 29, 2022
Frappart pourra joindre son nom à la liste des quelques femmes ayant eu accès aux pelouses des grands championnats: l'Allemande Bibiana Steinhaus, première arbitre en Bundesliga entre 2017 et 2021, ou encore Herta Berlin-Werder Brême.
Les arbitres féminines sont également rares à l'échelon amateur. En termes de chiffres, pour la France, elles sont un millier, et représentent 4% du corps arbitral dans l'Hexagone. Reste à savoir, puisque de nombreux footballeurs qui les côtoient s'interrogent, si l'on dit: «Monsieur ou Madame l’arbitre».