Il ne lui reste plus que quelques mètres à parcourir, lorsque Matthias Kyburz lève les bras puis exulte. C'est une image dont nous avons l'habitude, sauf que cette fois, la joie est différente. L'Argovien ne vient pas de conquérir un 9e titre de champion du monde de course d'orientation, ni même l'or européen. Il n'est pas non plus le premier à franchir la ligne d'arrivée. La satisfaction de Matthias Kyburz est toutefois pleinement justifiée.
Au lieu de grimper sur un nouveau podium en coure d'orientation (ou «CO» pour les puristes), le Suisse s'est emparé dimanche de la 7e place du prestigieux marathon de Paris. Une performance remarquable, d'autant qu'il est le seul non Africain à composer le Top 10. Mais plus surprenant encore, son temps de 2h07'44 lui a permis de réaliser les minima olympiques, 26 secondes sous la marque demandée. Tout cela alors qu'il s'agissait de sa première tentative sur marathon!
Jusqu'à présent, seuls Tadesse Abraham, détenteur du record national, et Viktor Röthlin, champion d'Europe du marathon en 2010, ont couru plus vite que lui en Suisse sur la distance. Mais ces deux-là ne s'étaient pas montrés aussi rapides à leurs débuts.
Le spécialiste de la course d'orientation, débutant sur route malgré ses 34 ans, se sentait prêt le jour J. Il était toutefois conscient de la difficulté de la tâche à accomplir.
Son marathon avait été parfaitement préparé. Dimanche, Kyburz était accompagné de deux meneurs d'allure au sein du deuxième groupe. L'objectif était clairement défini: il fallait courir sous les 2h08'10 pour obtenir un billet pour les JO.
Le groupe a longtemps couru sur la base de 2h07'30. Plus vite que la marque demandée, car la route s'élève quelque peu en fin d'épreuve, du 35e au 40e kilomètre. Les temps de passage affolants (moins de 15 minutes au kilomètre 5) ont fait naître des doutes dans la tête du Suisse. «Espérons que ce début de course audacieux ne se retourne pas contre moi», se disait-il. Matthias Kyburz avait toutefois de «bonnes sensations». Et heureusement, car c'est ce qui lui a permis de gérer un «moment de frayeur» au kilomètre 20.
Mais cette mésaventure n'a pas pesé sur sa course, même lorsque la partie la plus redoutée du marathon a débuté. Les dix derniers kilomètres sont «devenus vraiment durs», a reconnu Kyburz. Ses meneurs d'allure avaient rempli leur mission et n'étaient plus à ses côtés. Les premières douleurs musculaires sont apparues, des crampes ont saisi son mollet gauche. Mais l'Argovien a conservé son calme: «Je suis resté concentré, j'ai pris ça avec légèreté». Il savait aussi que sa réserve de temps était suffisante.
Les derniers kilomètres n'étaient pas simples pour autant. Malgré sa grande expérience acquise en course d'orientation, il ne s'est jamais senti en sécurité: «La peur des muscles qui se contractent était réelle». Ce n'est qu'à la flamme rouge, soit au moment d'aborder le dernier kilomètre, que le Suisse a compris qu'il descendrait sous les minima et remplirait ainsi son objectif.
Maintenant qu'il a réalisé le temps souhaité, Matthias Kyburz va se concentrer pleinement sur les Jeux olympiques. Les entraînements de course d'orientation en nature et en montagne seront relégués au second plan. Après un repos bien mérité, Kyburz reviendra à la charge sur l'asphalte dans quelques semaines. Mais il s'en réjouit déjà, car à Paris cet été, il souhaite faire bonne figure. D'autant que le parcours sera à son avantage.
Le tracé sera en effet différent du marathon habituel, couru en avril. Il empruntera la côte des Gardes bien connue des participants de Paris-Versailles et affichera plus de 400 mètres de dénivelé positif. Cela devrait jouer en sa faveur, lui qui reste avant tout un spécialiste de la course d'orientation et des terrains en pente.
Adaptation en français: Romuald Cachod.