La nouvelle a fait l'effet d'une bombe début février. Matthias Kyburz, multiple champion du monde de course d'orientation, annonçait revoir ses objectifs, et mettre temporairement de côté la CO pour se concentrer sur le marathon. Et pas qu'un peu. Il vise les 2 heures 8 minutes et 10 secondes, un temps lui donnant accès aux Jeux olympiques de Paris cet été.
Pour situer cette performance, en Suisse, seuls Tadesse Abraham, le détenteur du record national, et Viktor Röthlin, ancien champion d'Europe de la discipline, ont couru sous cette marque.
Le week-end dernier, lors de la Reusslauf de Bremgarten (AG), Matthias Kyburz s'est testé, non pas sur la distance reine, mais lors d'un 10 kilomètres. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que le résultat est convaincant. «Chlai», comme on le surnomme dans le milieu de la course d'orientation, ne s'est pas uniquement imposé en un temps record.
«Je visais une course rapide, je ne voulais pas de tactique», déclarait le coureur après son temps de 28 minutes et 56 secondes, 46 secondes devant Dominik Rolli - troisième des derniers Championnats d'Europe de course en montagne, ayant lui aussi des ambitions olympiques. A l'arrivée, Matthias Kyburz, rayonnant, jubilait.
La Reusslauf est considérée comme rapide, mais ce n'est pas ultra-rapide non plus. La deuxième moitié est vallonnée, également plus tournante. Mais Kyburz a tenu le rythme. Il l'a compris en consultant sa montre à un kilomètre du but, se disant alors:
Malgré le rythme soutenu, le spécialiste de CO avait les idées claires et les sens éveillés. Une déclaration particulière l'illustre: «C'était un réel plaisir, l'odeur de l'ail des ours en forêt a été une véritable source d'inspiration».
Cette référence à la nature n'est pas anodine. Matthias Kyburz ne court pas uniquement en forêt lors de ses courses d'orientation. Il apprécie ce lieu, même à l'entraînement. Mais le marathon nécessite autre chose. Courir à plat, sur l'asphalte. Regarder régulièrement sa montre, tous les kilomètres. Parcourir de longues distances, loin de la forêt. Les amoureux de la nature n'y trouvent rarement leur compte.
Kyburz sait néanmoins pourquoi il s'est éloigné de son environnement naturel, celui auquel il est habitué depuis des années. Aujourd'hui, à mi-parcours de sa préparation ciblée en vue de Paris 2024, le natif de Rheinfelden (AG) ressent déjà les effets du changement. Il cite son résultat à Bremgarten, mais surtout «les énormes progrès réalisés sur les distances longues».
Le quadruple champion du monde de course d'orientation évoque «une évolution dans la bonne direction» lors de certains «entraînements clés». Il est désormais capable de maintenir un rythme élevé, en augmentant continuellement la distance. Il a ainsi parcouru les derniers kilomètres de ses sorties de 35 bornes en moins de trois minutes au kilo. «Cela me donne de l'assurance», dit-il. Il y a toutefois de grandes interrogations.
Malgré ses 15 années d'expérience dans le sport de haut niveau, Matthias Kyburz ne planifie pas seul ses nouveaux entraînements. Il se fie à un plan fixe, établi par Victor Röthlin. Il court bien souvent seul, mais échange chaque semaine avec le Champion d'Europe du marathon - en 2010 dans les rues de Barcelone. Un conseil l'a beaucoup marqué.
Avec le parcours plat entourant l'aéroport de Berne-Bel, Kyburz trouve le «terrain d'entraînement idéal» pratiquement à deux pas de chez lui. Il parcourt jusqu'à 180 kilomètres par semaine et confie, sourire aux lèvres: «Ça fonctionne, je trouve le flow tant décrit».
L'athlète fera un nouveau bilan dans une dizaine de jours. Un test de performance, incluant la mesure de son taux de lactate et l'analyse de son pouls. Comme deuxième épreuve avant son marathon de qualification, vraisemblablement à Rotterdam mi-avril, il participera au Championnat suisse de semi-marathon, un mois plus tôt à Oberriet (SG). Son aventure sur marathon pourrait se poursuivre jusqu'à l'été, s'il réalise les minimas: «Si j'y parviens, je courrai un autre marathon, celui des Jeux à Paris le 10 août».
Adaptation en français: Romuald Cachod.