La police recherche toujours des témoins qui auraient assisté à la chute de Gino Mäder, trois semaines après la tragédie. Si l'enquête suit son cours, CH Media – le groupe auquel appartient watson – a mené ses propres investigations.
Résultat? Le virage qui a coûté la vie au malheureux cycliste saint-gallois est bien plus dangereux qu'on a pu l'entendre. C'est même le plus dangereux de la descente du col de l'Albula (GR). Les statistiques le prouvent: sept accidents ont eu lieu dans cette courbe entre 2016 et 2023, y compris les deux chutes de Magnus Sheffield et Gino Mäder lors de la cinquième étape du Tour de Suisse le 15 juin dernier. Il y a eu trois motards (deux blessés graves et un léger), une voiture (dommages corporels) et un cycliste.
Le malheureux s'appelle Harry Nussbaumer et a 62 ans. Il y a deux ans, ce coureur amateur a eu un accident quasi identique à celui de Gino Mäder. Alors, quand il a appris le décès de ce dernier, tout est remonté à la surface. La veille, ce grand fan de vélo avait regardé la cinquième étape du Tour de Suisse à la télévision et appris la chute du Saint-Gallois sur un portail d'information. Lorsqu'il a lu que l'accident s'était produit dans un long virage dans la partie supérieure du col de l'Albula, il a tout de suite compris. «Ce ne peut être que mon virage.»
Nussbaumer avait fait une lourde chute le 13 juin 2021 lors de la course amateur «Alpenchallenge Lenzerheide» et s'était cassé cinq cervicales et deux vertèbres dorsales. Depuis, il s'est remis et a participé à d'autres courses.
Lorsqu'il a pris le départ, il connaissait pourtant bien le parcours. Il comptait plusieurs victoires à son actif dans sa catégorie d'âge, y compris dans des courses qui passaient par le col de l'Albula. Harry Nussbaumer se souvient parfaitement de ce jour-là. Il a gravi le col avec six autres coureurs. Après le sommet, il s'est placé en tête et a commencé à pédaler.
Il n'a pas du tout voulu semer ses compagnons de route, il n'était pas sous pression. Et dans la vallée, il les aurait de toute façon attendus pour lutter ensemble contre le vent. Il s'est simplement amusé.
Pendant la descente, son compteur a mesuré une vitesse maximale de 88,6 km/h. Il est arrivé dans le virage à grande vitesse.
Nussbaumer s'est senti impuissant. La question suivante lui a alors traversé l'esprit : «Dois-je freiner et me pencher sur la gauche pour sortir du virage en glissant?» Sa toute dernière pensée a été: «Laisse faire.»
Il a percuté le poteau et a perdu connaissance. Le rapport de police mentionne une chute d'environ 30 mètres en bas de la pente. Son vélo s'est arrêté en haut, sur la route, et n'a subi que peu de dommages. Le choc a catapulté le malheureux hors des pédales.
Son souvenir suivant est la voix d'un homme venu à son secours et les rotors de l'hélicoptère de la Rega qui devait l'emmener à l'hôpital de Coire. Avec le recul, il affirme:
Il avait beaucoup neigé l'hiver précédent, plus que cette année. «C'était peut-être le malheur de Gino Mäder», avance Harry Nussbaumer.
Le cycliste amateur cite deux causes de sa chute: la vitesse élevée et l'assurance avec laquelle il abordait le virage. Selon lui, c'est la vitesse qui constitue le danger. «Je pensais connaître le virage sur le bout des doigts. Je me suis trompé.»
Une courbe dans laquelle on veut prendre le plus de vitesse possible. Il y est toujours parvenu dans les descentes précédentes. Mais pas cette fois.
Harry Nussbaumer ne pense pas que des mesures de sécurité supplémentaires soient nécessaires. «Notre sport se pratique à l'extérieur. On ne peut pas calfeutrer une descente sur toute la largeur de la route et du sommet à l'arrivée.» Mais il pense que dans ce virage, les triangles informant d'un dangereux changement de direction seraient utiles.
Après deux ans, Harry Nussbaumer pensait avoir digéré sa chute. Mais lorsqu'il a lu la nouvelle du décès de Gino Mäder, dont il avait toujours suivi la carrière, ça a été le choc.
Il a été secoué, au point de pleurer. Ses pensées tournaient en boucle autour de l'accident du Saint-Gallois et du sien:
Il conclut, en tentant de comprendre l'incompréhensible: «J'avais tous les anges gardiens du monde, Gino ne les avait pas.»
Adaptation en français: Yoann Graber