Les Suisses ont aligné un duo de choc pour le chrono: médaille d'argent pour Stefan Küng et cinquième place pour le champion d'Europe Stefan Bissegger. Mais pour la course en ligne, la sélection helvétique manque des valeurs sûres. Six cyclistes défendront ses chances sur le circuit de Wollongong, et si toutes reposent sur les épaules de Mauro Schmid (à la rigueur, de Stefan Küng), Marc Hirschi est un absent de marque, tout comme Gino Mäder. C'est d'autant plus regrettable que le Bernois du Team UAE vient de remporter le relevé Tour de Toscane et s'est montré remuant à la Coppa Sabatini.
La Suisse n'est de loin pas la seule à se plaindre. Au Danemark, les voix s'élèvent face à l'absence du nouveau chouchou Jonas Vingegaard. On annonce le récent vainqueur du Tour de France exténué mentalement et embourbé dans un spleen tenace. Son exploit a provoqué une réelle «explosion mentale», décrit-il avec ses mots. Selon des cyclosportifs, il s'entraînerait à Marbella. La Jumbo-Visma l'aurait inscrit au Tour de Croatie (27 septembre au 2 octobre) avant de terminer avec le Tour de Lombardie. Mais pas de Mondiaux.
Mads Pedersen, autre idole danoise et ex-champion du monde, a également décidé de faire l'impasse, prétextant «une femme et une vie». Le voyage est long, très long, mais le récent vainqueur de trois étapes sur la Vuelta ne manque pas de rappeler qu'il aurait sûrement «prolongé le plaisir si l'événement se déroulait en Europe».
Près de 15 000 kilomètres à avaler pour se parer d'arc-en-ciel, ça pèse sur l'organisme et le moral. Et qui dit long périple, dit coûts exorbitants. Pour donner quelques chiffres, la fédération belge emmène une sélection composée de 52 personnes au total, pour des dépenses estimées à 350 000 euros, rapporte Le soir.
Les vols ne sont pas la seule épine (financière) dans le pied des fédérations. Les logements dans le sud de Sydney sont hors de prix, si bien que des coureurs doivent payer de leur poche pour se loger. Pour cette raison, Hugo Houle a tout bonnement refusé de se rendre en Australie, à l'instar de Michael Woods. Les meilleurs coureurs canadiens ne seront pas de la partie.
Scott Kelly, le chef de la délégation à la feuille d'érable, s'est empressé d'articuler des chiffres: 110 000 dollars canadiens, soit le tiers du budget annuel de la compétition sur route du Canada.
Houle avait expliqué à l'Agence France-presse (AFP) que Cyclisme Canada lui avait demandé de payer son billet d'avion pour défendre ses chances. D'autres sont touchés par les difficultés de leur propre fédération. Le coureur letton Tom Skujins sera absent de la course en ligne pour «décisions budgétaires».
Wout Van Aert s'est également plaint des frais de voyage, irrité de devoir mettre «beaucoup d'argent dans ses valises».
I’ll still need to put a lot of money in my bags though…
— Wout van Aert (@WoutvanAert) September 9, 2022
8000€ for a business class upgrade (one-way!) instead of promised 3500€ for a retour ticket 👎🏼 https://t.co/ghTIiVJlS3
Mais l'argent n'est pas le seul facteur. Des coureurs tels que Juan Ayuso, la pépite espagnole, Tom Pidcock, Maximilian Schachmann ou encore Brandon McNulty, ont avancé une fatigue mentale et des dates tardives pour échapper à la course au maillot arc-en-ciel.
Mais outre les organismes éreintés, une autre urgence échaude le milieu cycliste: la lutte des équipes pour le maintien en première division. Deux des 18 formations actuelles seront rétrogradées pour la période 2023-2025. Une menace pour ces structures et le spectre d'une disparition soudaine - avec des emplois menacés. L'UCI aurait d'ailleurs demandé expressément aux équipes de libérer les coureurs appelés à courir pour leur pays aux Mondiaux. Sans grand effet.
Alejandro Valverde a par exemple été retenu en Europe par la Movistar, tout comme son équipier Alex Aranburu. Même refrain pour le duo de la Cofidis Ion Izagirre-Jesus Herrada. Guillaume Martin, leader de cette équipe, avait confié au podcast Bistro vélo:
Tous sont appelés à enquiller un maximum de points et de courses pour le compte de leur employeur. Victor Campenaerts a également dû renoncer à l'Australie pour gratter des points: son équipe Lotto Soudal est en grand danger de relégation. Son coéquipier Arnaud de Lie, la perle du sprint belge, qui aurait pu prétendre à un ticket, est également prisonnier de la situation.
Même constat pour l'équipe EF Education-EasyPost, qui n'aurait pas autorisé ses deux coureurs colombiens Rigoberto Uran et Esteban Chaves à faire le déplacement aux Antipodes.
Même les équipes de haut de tableau seraient peu enclines à laisser partir leurs poulains. Le sélectionneur de l'équipe espagnole Pascual Momparler se plaignait dans les colonnes de Marca que la formation Ineos Grenadiers n'était pas disposée à libérer ses coureurs. Carlos Rodriguez, Omar Fraile et Jonathan Castroviejo sont absents. Les Ibériques ne sont pas les seuls à manquer à l'appel: Adam Yates, Geraint Thomas et Tao Geoghegan Hart ne seront pas sur la ligne de départ. Mais l'autre grande surprise est l'absence de Daniel Felipe Martinez, l'homme (très) en forme du moment. La raison invoquée est que la formation britannique veut rafler la tête au classement par équipes à la Jumbo-Visma.
Décapités, les Mondiaux de cyclisme ne seront pas du tout à la hauteur du standing espéré et mérité.