Il a été découvert vers la fin des années 90 par les organisateurs de la boucle espagnole, au grand dam des coureurs. «C'est un col inhumain», affirmait Oscar Sevilla en 2002. Une rampe hallucinante de difficulté, nichée au fin fond des Asturies, à 1568 mètres d'altitude exactement.
Le col est répertorié dans une catégorie spéciale, aux côtés de quatre autres «monstres» les plus difficiles empruntés par les cyclistes professionnels:
L'Angliru est bel et bien spécial. La montée est même considérée comme la plus difficile dans l'univers du vélo avec ces pentes qui martyrisent: 12,5km à plus de 10% et des passages à 23,5%. Si les cannes ne sont pas au rendez-vous, impossible de tricher et de se cacher derrière un équipier. Cette montée ne laisse pas la moindre parcelle de repos.
La première apparition du col sur le Tour d'Espagne a suscité la controverse, certains coureurs pestant contre l'état des routes tout juste praticables. Cette année-là (nous sommes en 1999), Pavel Tonkov sera battu par José Maria Jimenez, au terme d'une arrivée jugée dans un brouillard à couper au couteau, où la pluie détrempait le bitume asturien. Il n'en fallait pas plus pour créer le mythe.
Le retour de la Vuelta sur le dos du colosse des Asturies, pour la troisième fois en 2002, va se solder par de virulentes complaintes signées David Millar. Toujours dans le brouillard, sur des routes une nouvelle fois détrempées, l'Ecossais met pied à terre un mètre avant la ligne afin de protester avec véhémence contre l'inhumanité de cette montée - il attribuera ce coup de tête à une erreur de jeunesse, rincé par l'étape et ses deux chutes.
Les 23% par endroit à avaler sur sa bicyclette, le plus souvent dans une météo capricieuse, faisait dire ceci à l'ancien directeur de course, Enrique Franco:
Pourtant, le col sera abandonné pendant six ans. Les protestations du peloton des professionnels pousseront en effet les organisateurs à oublier le géant des Asturies. Mais il reviendra en 2008. Cette année-là, Alberto Contador écoeurera les deux leaders de l'équipe Caisse d'Epargne (Alejandro Valverde et Joaquim Rodriguez) pour tirer son coup de pistolet au sommet.
En 2011 Juan José Cobo écrasera l'étape alors qu'en 2013, l'Angliru servira de rampe vers la gloire pour l'«ovni» Chris Horner. L'Américain lâchera Nibali, essoré par l'effort, pour asseoir son surprenant sacre de 2013. Mais le leader de l'équipe RadioShack laissera les lauriers à Kenny Elissonde, valeureux attaquant du début d'étape qui a tenu bon pour lever les bras.
Parcouru encore deux fois (en 2017 avec une victoire de Contador et 2020 avec le succès de Hugh Carty), l'Alto de l'Angliru est à nouveau sur le carnet de route des coureurs de la Vuelta cette année. Les Remco Evenepoel, Primoz Roglic (et sa cohorte), Juan Ayuso ou Enric Mas devront se farcir les exigences d'un col qualifié de double face, entre ses parties «faciles» et tout bonnement démentielles.
Ce mercredi 13 septembre, c'est sûr, les masques vont tomber, et l'Angliru se chargera de remettre les coureurs à leur place au classement général.