Sauf chamboulement en préparation, ce que personne ne peut exclure, Christian Constantin devrait épuiser toutes les voies de recours pour empêcher la relégation du FC Sion. L'intimidation judiciaire est son mode de fonctionnement. Plus encore, le patron n'est jamais aussi pugnace que quand il est critiqué. Or l'ampleur de la contestation lui offre aujourd'hui une chance unique de se montrer sans pitié.
Première cible potentielle: Yverdon. Christian Constantin entend démontrer devant un tribunal civil que le club vaudois est inéligible pour une promotion en Super League. L'argumentation s'appuie sur une procédure d'admission bâclée, principalement sur un stade non conforme et une solution de remplacement inexistante au moment où la candidature a été validée.
Signe des temps: avant d'être en danger de relégation, Constantin avait accepté de partager «son» stade avec YS, dont le directeur général est un ami proche. Désormais, il n'y a plus d'amitié qui vaille. Constantin se range derrière la position du Conseil d'Etat qui, informé des intentions d'Yverdon par voie de presse, refuse catégoriquement de l'héberger à Tourbillon, afin de ne pas puiser davantage dans ses effectifs de police (et les fonds publics qui la rémunèrent).
Autre cible potentielle: les arbitres. Avec ses avocats, Christian Constantin tente de démontrer que des décisions erronées, dictées par l'incompétence et/ou la malveillance, ont sévèrement prétérité le FC Sion à un instant décisif de sa saison. Ce qui n'est pas totalement inexact. Mais ce qui représente une proportion modique de l'impéritie globale.
Disons-le: personne n'est assez naïf pour penser que deux ou trois erreurs de jugement ont pu causer davantage de préjudices à l'Olympique des Alpes SA (la raison sociale du FC Sion) qu'une équipe aux abois défensivement, à l'agonie physiquement et aux fraises mentalement. Mais il suffirait d'une seule irrégularité pour rendre la plainte recevable - et CC ne manquera sans doute pas de la saisir.
Pour rappel, Christian Constantin a récemment porté des accusations de manipulation du championnat. ll a demandé par lettre recommandée que l'arbitrage suisse soit placé sous tutelle de la Fifa, «comme lorsque l'ONU envoie des observateurs neutres pour une élection» potentiellement truquée.
Dans l'immédiat, la question prioritaire est d'ordre structurel. Une question à quelque 20 millions de francs: que fera le FC Sion de sa trentaine de joueurs professionnels, dont beaucoup sont très bien payés? Selon Transfermarkt, 7 joueurs de l'effectif arrivent en fin de contrat: Cyprien, Cavaré, Araz, Sio, Karlen, Fickentscher et Richard. 8 autres joueurs sont liés au FC Sion jusqu'en 2024 (dont Balotelli), 8 également jusqu'en 2025 et 2 jusqu'en 2026.
Difficile de connaître la structure exacte de chaque contrat signé par le FC Sion: mention de la catégorie de jeu, rémunération indexée à la performance ou au nombre de matchs disputés, conditions spéciales, etc. «Il faudra forcément négocier au cas par cas», prévient un ancien dirigeant de club.
Si un joueur indésirable s'accroche à un contrat valable, le FC Sion sera amené à lui trouver une autre destination, dans des conditions équivalentes s'il s'agit d'un prêt. A moins de lui «trouver» une faute professionnelle et d'«obtenir» son départ volontaire, selon une méthode rapide qui a fait ses preuves.
Si personne ne sait à quoi ressemblera le club à la reprise, il est une tendance que son président se plait à affirmer: cette saison sera sa dernière. Le bail qui lie le FC Sion au vieux stade de Tourbillon expire en juin 2024. La proposition de Constantin (au débotté) de construire un nouveau centre sportif, en partageant les frais (trois tranches de 50 millions de francs réparties équitablement entre les pouvoirs publics, Christian Constantin à titre privé et le club via un emprunt bancaire), ne semble pas convaincre les politiques.
Dans certains cercles décisionnaires, la descente en Challenge League apparaît davantage comme une opportunité de redimensionner le club, de l'affranchir d'un modèle économique dépassé (le mécénat) pour l'initier à une approche plus jeune, plus valaisanne, plus terre-à-terre.
Ce sont là les limites et, à la fois, les prouesses du modèle Constantin: avec des investissements débridés et une communication non moins généreuse (et vice-versa), CC a maintenu artificiellement le standing d'un petit club de province comme seul André Luisier, autre figure patriarcale valaisanne, l'avait réussi avant lui, par sa stature et sa fortune également.
Sans cet argent, sans une certaine aura, quelle serait la valeur ajoutée du FC Sion? A taille comparable, pourrait-il s'éviter un destin à la Xamax, voué à gagner durement sa vie dans l'indifférence d'une ligue de sous-préfecture?
Si Constantin s'ennuie en Challenge league, s'il n'a plus la force et la capacité de tout reconstruire, s'il est las des reproches, s'il ne voit plus le sens ni l'intérêt de poursuivre son action, il n'aura plus que deux options à envisager, en sa qualité de propriétaire unique: vendre (mais à qui?) ou fermer boutique (mais pour gagner quoi?).
Dans tous les cas, il est difficile d'adhérer à l'hypothèse qui, depuis mercredi soir, laisse entendre avec une apathie de fin de banquet que la Challenge league est peut-être une bénédiction pour le FC Sion.