C'est une offre que l'on ne peut pas vraiment refuser. Du moins pas quand on est un garçon de la région bâloise qui joue au football. Mais Taulant Xhaka, 12 ans, ne veut l'accepter qu'à une condition:
Le FC Bâle, qui a découvert Taulant en 2003 et souhaite le faire venir chez lui, donne son accord: il peut également emmener Granit, de 18 mois son cadet, dans le centre de formation. C'est le début d'une histoire que tout le monde connaît: Granit Xhaka, aujourd'hui âgé de 31 ans, est devenu l'un des meilleurs milieux de terrain de sa génération, a joué au Borussia Mönchengladbach, à Arsenal, et est actuellement en bonne voie pour gagner la Bundesliga avec le Bayer Leverkusen.
Taulant Xhaka, 32 ans, est devenu le visage du FC Bâle, l'un de ces one-club players si rares aujourd'hui – si l'on excepte le prêt qu'il ne souhaitait pas et de courte durée à GC entre 2012 et 2013. Granit détient désormais le record du nombre de capes avec la Nati et en est le capitaine. Taulant n'est certes pas le recordman de matchs joués avec le FC Bâle ni son capitaine, mais il est le joueur qui jouit de la plus forte popularité auprès des supporters rhénans.
Il n'y a guère de meilleur exemple que celui de 2003 pour illustrer les liens étroits qui unissent les frères Xhaka. L'un n'existe pas sans l'autre.
Parfois, on pourrait même croire qu'ils sont jumeaux. Si l'un va bien, l'autre va bien. Si l'un souffre, l'autre souffre. Ou comme on l'a encore vu la semaine dernière: si l'un se sent traité injustement, l'autre a la même sensation. Et lui apporte un soutien bruyant et public.
C'est ce qui s'est passé tard dans la soirée le lundi 11 mars. Après que Taulant Xhaka a de nouveau été spectateur pendant 90 minutes, sur le banc, de la lourde défaite de son FC Bâle contre YB (1-5), le vétéran était en ébullition. C'est pour ces duels, ces derbies, que Taulant, ce joueur si lié au FC Bâle, vit. Et pendant lesquels le public se demande: pourquoi n'a-t-il pas joué? Que doit-il avoir en tête en ce moment?
C'est la goutte d'eau qui a fait exploser le très émotif Taulant Xhaka. Il a l'impression qu'on veut l'évincer de son club. Sur Instagram, il lâche:
Il ne faut pas longtemps pour que Granit Xhaka emboîte le pas à son frère. Décidément, si l'un souffre, l'autre souffre.
Le capitaine de la Nati a partagé le message de son aîné en l'agrémentant de ces mots:
Et soudain, l'affaire prend une dimension nationale. C'est souvent le cas lorsque le frère cadet soutient son aîné via Instagram, comme il l'a déjà fait à quelques reprises par le passé. Par exemple, lorsque le FCB a perdu contre Zurich et que Taulant Xhaka était cantonné au banc. Ou lorsque les Rhénans se sont inclinés contre Lucerne, à nouveau avec le numéro 34 sur la touche.
Pour comprendre pourquoi Granit vient toujours à la rescousse de son frère, il faut jeter un coup d'œil sur le passé des deux frangins. Le capitaine de la Nati est certes le plus jeune des deux, mais il est toujours celui qui veille sur son aîné. C'est Granit qui aime donner des interviews sans langue de bois, dans lesquelles on sent sa fierté et sa confiance en lui. Il est le porte-parole de la famille. Taulant, en revanche, n'accorde que peu d'interviews depuis quelque temps, il a tendance à les éviter. Il ne se sent pas à l'aise. Il est trop timide en dehors du terrain.
Enfants, c'est également Granit qui recevait la clé de leur mère, Eli, pour qu'ils puissent entrer dans l'appartement après l'école pendant que les parents étaient au travail. Car Taulant l'aurait souvent perdue. «Je perds encore des choses maintenant, quand j'en ai trop sur moi», confesse le milieu du FC Bâle. C'était aussi Granit qui préparait le sac de son aîné pour l'entraînement de foot ou qui lui rappelait l'heure, histoire de ne pas arriver en retard.
Que ce soit pour jouer avec des amis à la Voltamatte – où Taulant et Granit ont tapé leurs premiers ballons, à moins de 500 mètres de chez eux, dans le quartier de St-Johann à Bâle –, à l'entraînement au FC Concordia Bâle, le premier club des frères Xhaka, ou plus tard au FC Bâle, ils ont toujours pris le bus 34.
Aujourd'hui encore, tous deux portent ce numéro sur leur maillot. En signe d'attachement à leur patrie, cet ancien quartier bâlois à problèmes, d'où ils se rendaient au Parc Saint-Jacques. Et par attachement l'un pour l'autre. Les Xhaka sont faits l'un pour l'autre. Ou comme l'a dit Taulant à l'occasion du 30e anniversaire de Granit à l'automne 2022:
Ainsi en est-il de la colère sur Instagram contre cette personne X. Pour tout le monde, c'est clair: il s'agit de David Degen, président du conseil d'administration et copropriétaire du FC Bâle. C'est lui qui pousse Taulant Xhaka à quitter le club, bien qu'il ait prolongé – tardivement – le contrat du milieu de terrain en février 2023. Le FC Bâle voulait économiser le gros salaire du numéro 34, car il pensait ne plus avoir besoin de lui sur le plan sportif.
Le contrat a finalement été prolongé (pas aussi longtemps qu'espéré par le joueur), non sans bruit dans les médias.
Aujourd'hui, ce sujet rattrape le club. Xhaka ne joue pratiquement pas cette saison, il n'a été titulaire qu'à cinq reprises en championnat. Mais son contrat court encore jusqu'en 2027 et diverses sources affirment que Degen a rapidement regretté cette prolongation. Personne au FC Bâle ne veut s'exprimer, malgré les sollicitations. On ne veut pas discuter de telles histoires en public.
Même du côté de Xhaka, rien n'est dit publiquement à ce sujet. Pour un club qui est concerné par la lutte contre la relégation, cette affaire arrive au mauvais moment. Et le FCB a intérêt à trouver rapidement une solution.
Car les voix dans les couloirs sont unanimes: celui qui s'entend bien avec les Xhaka n'a pas de problèmes – et pas seulement dans le football suisse. Cela a toujours été le cas, mais c'est de plus en plus vrai, notamment à cause de l'importance croissante de Granit.
Adaptation en français: Yoann Graber