Quel que soit le résultat de la finale, dimanche au Stade Alassane Ouattara d'Abidjan, la Côte d'Ivoire sera passée par toutes les émotions lors de cette 34e Coupe d'Afrique des nations, disputée à la maison.
Derrière le Sénégal et le Maroc, la nation hôte était régulièrement citée parmi les favorites. Soutenue par son public, et bien aidée par les tauliers que sont Serge Aurier, Max-Alain Gradel, Seko Fofana ou encore Sébastien Haller, elle pouvait largement espérer un troisième titre continental.
L'engouement était donc immense le 13 janvier dernier au moment de lancer la compétition. Reto Fehr, journaliste chez watson, se trouvait à Abidjan ce jour-là. Il nous racontait ses difficultés à rejoindre l'enceinte, en raison d'énormes embouteillages dans la ville. Stressé à l'idée de manquer le coup d'envoi, il pouvait apercevoir des milliers de personnes bien plus relaxées, en train de chanter et tambouriner le long de la double voie menant au Stade Alassane Ouattara.
Toute la Côte d'Ivoire était ainsi vêtue de blanc, d'orange et de vert à l'approche du match d'ouverture contre la Guinée-Bissau. Reto Fehr le dit lui-même, c'est surtout à l'extérieur du stade qu'il fallait être pour ce match, tant toute la population ivoirienne s'apprêtait à vibrer derrière son équipe.
Il n'aura fallu attendre que quatre minutes dans cette CAN pour qu'un but soit marqué. Et en faveur de la Côte d'Ivoire, s'il vous plait. La délivrance est venue de Seko Fofana. Les Ivoiriens se font ensuite parfois peur sur le plan défensif, mais dominent finalement largement les Bissaoguinéens. Victoire nette et sans bavure 2-0. Les Elephants sont bien au rendez-vous de leur compétition.
Pourtant, le ciel s'assombrit cinq jours plus tard, suite à la défaite 0-1 face au Nigeria. Ce n'est pas encore catastrophique, après tout, les Super Eagles de Victor Osimhen sont aussi de sérieux prétendants à la victoire finale. Les hommes de Jean-Louis Gasset voient simplement s'éloigner la première place du groupe. La qualification, elle, reste largement à la portée des Elephants. Sauf que le troisième et dernier match de poule tourne au ridicule. La Guinée Equatoriale étrille la Côte d'Ivoire. La colère envahit dès lors les supporters - ils quittent le stade avant même la fin de la rencontre, persuadés d'être éliminés.
La sélection ivoirienne est au bord du gouffre. Elle doit désormais attendre les résultats des autres nations, pour espérer terminer parmi l'un des quatre meilleurs troisièmes. Et avec trois petits points au compteur, les espoirs sont infimes.
Finalement, la Côte d'Ivoire devient la seizième et dernière équipe à se qualifier pour la phase à élimination directe. Elle peut remercier le Ghana de Kudus et des frères Ayew. Une équipe également en crise, qui ne parvient pas à gagner son dernier match face à la modeste équipe du Mozambique (2-2). Mais aussi le Maroc, qui joue le jeu face à la Zambie, empêchant celle-ci de subtiliser le billet des Ivoiriens.
Mais le calme ne revient pas pour autant. Les dirigeants perdent même leurs nerfs. Le sélectionneur Jean-Louis Gasset est limogé en pleine compétition. Il en va de même pour son assistant, son compatriote français Ghislain Printant. Emerse Faé assure l'intérim, puis tout à coup, le nom d'Hervé Renard est évoqué. La Fédération ivoirienne de football (FIF) fait une demande surprenante à son homologue française. Elle souhaite le prêt - jusqu'à la fin de la compétition - de celui qui avait mené les Elephants à la victoire en 2015. Renard le «sorcier blanc», en poste avec l'Equipe de France féminine, ne viendra finalement pas, faute d'accord entre les deux fédérations. L'opération échoue et la FIF est taclée pour son amateurisme.
Faé est donc propulsé à la tête de l'équipe, dans des conditions difficiles. La crise est installée. Il y a la pression du résultat à la maison. C'est aussi la première fois qu'il dirige seul un groupe senior, qui plus est une sélection. Et il n'a semble-t-il pas la confiance de ses dirigeants, qui cherchaient à recruter un autre homme. Dès lors, il n'y a qu'une chose à faire: tabler sur le discours de la deuxième chance. Celle qu'on ne peut pas une nouvelle fois laisser filer.
La Côte d'Ivoire se retrouve donc face au Sénégal en huitième de finale de «sa propre CAN». Personne ne voit vraiment les Ivoiriens passer, étant donné tout ce qu'il s'est produit depuis le début du tournoi et la qualité de l'adversaire. Les Lions de la Teranga sont en effet huitièmes de finaliste de la dernière Coupe du monde. Ce sont également les tenants du titre sur la scène continentale africaine.
La rencontre débute mal pour les Elephants. Ils sont rapidement menés au score (réalisation de Diallo à la 4e). Le Sénégal s'apprête à se qualifier quand soudain, à la 86e, la Côte d'Ivoire égalise sur pénalty. La rencontre part en prolongation, et ce sont finalement les Ivoiriens qui valident leur ticket aux tirs au but (5 à 4). Les prières sont exaucées.
Mais le scénario est encore plus fou en quart de finale. Le Mali mène 1-0 et cette fois-ci, c'est à la 90e minute que Simon Adingra arrache les prolongations. Il n'y aura pas besoin de tirs au but, car plus étonnant encore, les Aigles maliens sont renvoyés à la maison sur un but d'Oumar Diakité à la toute dernière seconde.
Les changements effectués au sein du staff, combinés à cette sensation d'être passé à deux doigts d'une élimination honteuse plus tôt dans le tournoi, galvanisent les troupes. La Côte d'Ivoire semble inarrêtable, et cela se confirme en demi-finale. La nation hôte élimine sur le score de 1 à 0 la République démocratique du Congo, pourtant en mission pour son peuple, alors que les combats entre la rébellion du M23 et les forces gouvernementales se sont intensifiés à l'est du pays durant la compétition.
Le buteur décisif n'est autre que Sébastien Haller. Un revenant. Un homme resté loin des terrains durant plusieurs mois, car il luttait contre un cancer des testicules qu'il a battu avec brio.
Les Elephants, touchés par la grâce, sont aujourd'hui en finale face à la très sérieuse équipe du Nigeria. Ils retrouvent un adversaire contre qui ils ont perdu durant la phase de groupes. Mais ce dimanche, tout sera différent. Il s'agit du match pour le titre, et la Côte d'Ivoire n'est plus la même.
Si Osimhen et sa bande restent légèrement favoris, les Ivoiriens ne lâcheront rien. D'autant qu'ils ont avec eux la baraka. La question est de savoir jusqu'à quand. Plusieurs équipes ont échoué à la dernière marche, après un retour au premier plan pourtant tonitruant.
Si la Côte d'Ivoire s'écroule en finale après tout ce qu'elle a déjà fait, la pilule sera sans doute encore plus difficile à avaler dimanche soir à Abidjan.