Le célèbre hit Freed From Desire repris à tue-tête par tout le kop servettien juste avant le match laissait augurer une ambiance de folie mardi soir au Stade de Genève. Le Cé qu'è lainô entonné quelques instants plus tard d'une seule voix par les 26 000 spectateurs (moins les quelque 1800 fans des Glasgow Rangers, qui n'ont pas dû comprendre grand chose à l'hymne genevois) confortait ces attentes.
Et le superbe tifo organisé par les ultras de la Section Grenat auquel a participé tout le public, avec des milliers de feuilles blanches et grenat tenues à bout de bras, ne laissait plus aucun doute: Genève allait vivre une magnifique soirée de football, comme elles sont devenues si rares en Suisse romande ces trente dernières années. Frissons.
A tout moment, de la première seconde du match à la dernière, on sentait cette poudrière prête à exploser après un but servettien. Ça a failli être le cas déjà à la 7e minute, mais l'arrêt du gardien écossais Jack Butland devant Timothé Cognat, arrivé seul devant la cage, refroidissait le chaudron grenat. Mais pas longtemps: à la 22e, le tir enroulé dans la lucarne de Dereck Kutesa donnait l'avantage à son équipe et mettait la Praille en ébullition, avec un niveau de décibels rarement entendu dans un stade suisse.
A chaque ballon gagné, chaque corner obtenu, chaque ouverture intéressante, le public genevois a poussé les siens comme jamais. L'égalisation des Rangers à la 50e n'y a rien changé. «Une ambiance à la grecque ou à la turque», écrit notre confrère de l'ATS Laurent Ducret. Ces deux pays sont en effet particulièrement réputés pour l'atmosphère bouillante de leurs enceintes. On n'en était franchement pas loin, les sifflets chaque fois que l'adversaire a le ballon et les jets d'objets dangereux en moins.
Les tribunes latérales, d'habitude si calmes, ont très souvent repris avec une puissance sonore impressionnante les chants du kop. Elles en ont même lancé quelques uns, sans attendre l'orchestration des ultras. Cette litanie quasi constante a presque ridiculisé les fans des Rangers, dont les chants – pourtant puissants – et les tambours étaient à peine audibles à plusieurs moments du match.
Même ce qui aurait été la seule fausse note de la soirée en tribunes a été évitée de justesse. A la 26e, une banderole «L'Europe attire les touristes» était déployée dans la Section Grenat. Quelques ultras commençaient à en sortir une autre, où l'on distinguait quelques mots, dont «20 000» et «opportunistes».
On l'imagine facilement: le message était destiné aux (nombreux) spectateurs occasionnels, auxquels les ultras reprochent de venir au stade uniquement pour les grands matchs, comme celui de mardi. Mais cette banderole, qui aurait été maladroite – pourquoi s'attaquer aux personnes présentes et gâcher l'union sacrée, bien réelle, ce soir-là? – n'a finalement jamais été déployée entièrement. Et c'est tant mieux!
Les fans grenat, qui ont poussé et encore poussé jusqu'à la dernière seconde pour que leurs joueurs marquent ce 2-1 synonyme de prolongation, se sont encore distingués positivement après le coup de sifflet final. Malgré la grosse déception de l'élimination, ils ont rendu hommage à leur équipe – venue devant le kop pour le remercier – en chantant et l'applaudissant vigoureusement. Pas de doute, le public servettien avait le calibre Ligue des champions ce mardi soir.