En s'imposant à Genève, lundi peu avant 20h, Young Boys a mis fin au suspense et décroché un 17e titre de champion national - le sixième sur l'ensemble des sept dernières saisons. Si sur la ligne d'arrivée, YB a atteint son objectif, qui plus est avec une avance confortable, le parcours des Bernois a été semé d'embûches. Ils étaient en retard cet automne, ont effectué un long arrêt aux stands le temps de licencier Raphaël Wicky, et ont subi des baisses de régime ponctuelles au printemps, face à des concurrents directs.
Afin de situer leur performance, il est primordial de s'intéresser aux données de l'exercice précédent. En 2022/2023, YB était en tête lors de 35 des 36 journées de championnat. L'équipe disposait de 12 points d'avance sur son dauphin à la trêve, 16 en fin de saison.
Il y a un an, l'écart était si grand que Christoph Spycher, directeur général du club, et Steve von Bergen, directeur sportif, pouvaient se permettre de fournir à leur entraîneur une équipe plus faible pour la saison suivante. Le calcul semble avoir été bon: YB a conservé son titre, tout en générant un excédent de 30 millions de francs grâce aux transferts. Dire que les dirigeants ont été clairvoyants serait toutefois exagéré. Berne ne tient sa victoire qu'au manque d'endurance de ses rivaux - nous y reviendrons.
Young Boys a très vite compris que la saison 2023/2024 allait être différente. Il n'était plus question de gérer un écart, mais plutôt des départs: ceux des internationaux Fabian Rieder, Cédric Zesiger et Christian Fassnacht à l'été. Jean-Pierre Nsame et Ulisses Garcia ont eux aussi fui la capitale, quelques mois plus tard, au cours du mercato hivernal, sans que des joueurs aussi talentueux ne viennent les remplacer.
En fait, ce ne sont pas les autres qui ont progressé, c'est Young Boys qui a régressé. La preuve, YB a accumulé sept défaites jusqu'à présent au cours de cette saison. La dernière fois qu'un champion de Suisse a davantage perdu, c'était il y a 22 ans, lorsque le FC Bâle était couronné.
Vous nous direz qu'il y a eu plus de matchs en 2023/2024, en raison du nouveau format de la Super League. Ceci est vrai, c'est pourquoi il est bon de s'intéresser également au nombre de points par match. Là, le résultat est quasi identique. Si les Bernois venaient à gagner samedi contre Winterthour, leur bilan serait de 2,03 points par rencontre. La dernière fois qu'un champion a fait pire, c'était il y a dix ans, et cela impliquait encore le FC Bâle.
En fin de compte, Young Boys a réalisé un copier-coller de sa saison 2021/2022. A l'époque, le champion en titre n'était jamais parvenu à prendre son envol. Des départs avaient là aussi affaibli l'équipe, qui s'était également séparée de son entraîneur en cours d'exercice. On note toutefois une différence majeure: le FC Zurich était alors un concurrent de taille, qui avait su exploiter les faiblesses d'YB.
La donne est différente cette saison. Lugano, Servette, Saint-Gall et le FC Zurich ont tous traversé des phases où ils donnaient l'impression de pouvoir concurrencer les Bernois. Or ils avaient aussi des lacunes, trop nombreuses. Le FC Lugano a perdu des joueurs cet automne à cause des blessures, en raison de la Coupe d'Europe. Les Tessinois se sont retrouvés avec un handicap de 12 points à la trêve. Saint-Gall a connu un sort similaire, car son effectif n'était pas suffisamment homogène. Après un bon départ, l'équipe a perdu quatre rencontres consécutives, parce qu'il lui manquait ses cadres, blessés.
De son côté, Servette a refusé le titre on ne sait trop comment. Les Genevois, à qui tout réussissait, auraient pu conquérir la première place. Mais au moment de le faire, en avril, ils ont enchaîné quatre défaites. De plus, le club a commis une bourde monumentale lors de la fenêtre des transferts hivernaux, oubliant de biffer certains joueurs de son effectif.
Vient enfin Zurich, leader cet automne durant plusieurs semaines, avant de s'embourber dans les mauvais résultats. Au FCZ, les entraîneurs n'ont été que des fusibles. Le directeur sportif, Milos Malenovic, a provoqué le chaos par ses changements, si bien que les joueurs ont fini par perdre leurs repères. Dans ce contexte, le club peut s'estimer heureux d'avoir validé son ticket pour l'Europe.
Oui, Young Boys est devenu champion de Suisse grâce aux faiblesses de ses adversaires. Les Bernois n'ont pas brillé, mais restent quand même les meilleurs. Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois.