En principe, un stade de football permet de suivre une rencontre, tout en profitant d'une belle ambiance. Mais en Suisse ces derniers temps, de nombreux secteurs se sont retrouvés vides, car les fans qui s'y trouvaient habituellement ont été exclus.
Mercredi, certaines parties du Letzigrund étaient inoccupées lors du match qui opposait le FC Zurich au Lausanne-Sport. Avant cela, les supporters du LS et de Young Boys avaient connu des sanctions similaires. Dimanche, ce sera au tour de ceux du FC Saint-Gall. Ils ne pourront se déplacer à Lucerne.
Cela fera donc quatre fermetures rien qu'en ce début d'année. Il n'y en a jamais eu autant dans un espace aussi court, ce qui montre à quel point la répression s'est durcie depuis peu. D'un côté, les autorités sévissent en cas de débordements. De l'autre, les clubs (et la ligue) manifestent de plus en plus leur mécontentement face aux sanctions.
Claudius Schäfer, CEO de la Swiss Football League, occupe cette fonction depuis douze ans. Il n'a encore jamais vécu une situation comme celle que nous vivons actuellement.
Aujourd'hui, les autorités ont plus rapidement recours aux sanctions collectives, et donc aux fermetures de tribunes. Schäfer évoque un «changement de paradigme». Nous nous dirigeons vers une plus grande répression, vers des punitions qui font payer à beaucoup la mauvaise conduite de certains.
Dans le football suisse, il y a toujours eu des difficultés à accepter ces sanctions collectives, aussi bien du point de vue des clubs que des supporters. Depuis des mois, ces derniers protestent d'ailleurs sous différentes formes.
Les équipes, mais aussi la SFL, ont longtemps soutenu les mesures décidées par les autorités, même si cela s'est souvent fait en grinçant des dents. Mais aujourd'hui, un premier club de Super League entre en confrontation directe: le FC Zurich.
Sa Südkurve était fermée mercredi lors de la réception du Lausanne-Sport, suite aux débordements impliquant des fans du FCZ à la gare d'Altstetten le 21 janvier dernier, après le match contre Bâle. Une centaine de supporters étaient présents, des policiers auraient été agressés.
Dès lors, les autorités chargées de délivrer les autorisations dans le cadre des manifestations sportives se sont réunies. Il s'agit d'un groupe de travail, incorporé au sein de la Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police (CCDJP). Il regroupe des membres compétents de différents cantons et villes, afin de convenir ensemble de sanctions. C'est par ce biais que la fermeture de la tribune du FC Zurich a été imposée, comme pour les autres stades.
Seule différence: le FC Zurich se défend. Le club a réclamé l'ordonnance à la ville et a déposé en milieu de semaine une demande de réévaluation. Il a ainsi lancé un processus qui pourrait avoir des conséquences considérables sur les sanctions prononcées à l'avenir en Suisse contre les supporters violents.
Luca Maggi est le responsable de la sécurité du FC Zurich. Comme son président Ancillo Canepa, il ne cache pas son incompréhension face à la démarche des autorités. Si bien que le club veut clarifier deux choses.
Le département de la sécurité de la ville de Zurich fonde la décision sur le Concordat contre le hooliganisme. Il argumente qu'il a ordonné la fermeture afin d'empêcher, du moins minimiser, la violence des supporters.
Luca Maggi affirme qu'il est absurde de croire que les fermetures au Letzigrund permettent d'éviter les débordements à l'extérieur du stade. L'argumentation des autorités doit maintenant être examinée sur le plan juridique. Maggi, qui siège pour les Verts au Conseil municipal de Zurich, espère un «jugement directeur», selon lequel les clubs ne pourraient plus être punis pour des événements qui se produisent en dehors de l'enceinte.
En première instance, le FCZ devra se frotter au Conseil municipal de Zurich. Ensuite, ce pourrait être le Tribunal administratif cantonal. Et, en dernière instance, le Tribunal fédéral.
Markus Schefer est professeur de droit public et administratif à l'Université de Bâle. Il ne veut pas se prononcer sur les chances de succès du FC Zurich, mais salue également cette démarche.
En fin de compte, les instances vont devoir clarifier si la fermeture de tribunes est un moyen proportionné, c'est-à-dire approprié et nécessaire, pour atteindre l'objectif préventif visé, à savoir l'évitement ou la réduction des violences de supporters.
Tim Willmann, du Centre de recherche sur la violence lors des manifestations sportives de l'université de Berne, se demande s'il existe une base légale justifiant les récentes fermetures. Tout en soulignant qu'il y a beaucoup d'enjeux actuellement à Zurich, car cela concerne aussi le modèle en cascade.
Les autorités et les clubs travaillent dessus depuis mars dernier. Il doit uniformiser la manière dont les violences de supporters sont gérées en Suisse, et déterminer les mesures qui devront être prises en fonction du type d'incident. Ce modèle en cascade n'a pas encore été adopté. Cependant, les autorités estiment qu'elles agissent déjà selon une logique similaire lors d'émeutes, comme celles de Zurich.
Pour Tim Willmann, si le Tribunal fédéral conclut que les fermetures de tribunes ne sont pas appropriées, cela pourrait «ébranler le modèle en cascade dans son ensemble». Pour l'heure, personne ne sait vraiment quand il pourrait être adopté, ni même si la ligue le soutiendra. Selon différents acteurs impliqués, les discussions sont toujours en cours.
Que pense la Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police de la démarche du FC Zurich? Selon la co-présidente Karin Kayser-Frutschi, le département de la sécurité de la ville de Zurich est l'interlocuteur idéal. Celui-ci, à son tour, ne veut pas commenter la procédure. Kayser-Frutschi, également directrice de la sécurité du canton de Nidwald, précise toutefois: «Je considère que les clubs sportifs ont une part de responsabilité - même en dehors des stades».
Adaptation en français: Romuald Cachod.