Quatre millions de francs, cela peut paraître beaucoup. Selon l'endroit où l'on se trouve, cela suffit à s'offrir une belle maison. Ou une Bugatti Divo, l'une des voitures les plus chères au monde. Quatre millions de francs, c'est aussi le montant alloué par le Conseil fédéral pour l'organisation de l'Euro féminin en Suisse, du 2 au 27 juillet 2025.
L'UEFA, qui détient le tournoi, finance tout ce qui passe à l'intérieur des stades. L'instance peut compter sur les revenus provenant de la billetterie, des droits TV et du sponsoring. L'Association suisse de football (ASF), elle, est responsable de l'héritage de cette compétition, de sa durabilité. Il en va de l'avenir du foot féminin en Suisse, de la promotion du sport auprès des filles et des femmes.
Initialement, la Confédération devait verser environ 15 millions de francs pour l'événement. Afin de couvrir le legs, mais aussi la sécurité, le tourisme (marketing) et les transports publics (notamment des billets moins chers). Il n'y en aura finalement que quatre, consacrés à l'héritage, un montant jugé insuffisant par l'ASF.
La nouvelle sélectionneuse de l'équipe féminine, Pia Sundhage, s'est également exprimée à ce sujet: «C'est triste, mais je ne suis pas surprise». Car il ne s'agit pas seulement d'une question d'argent, mais d'une lutte permanente. Cela ressemble en fait à de la politique.
D'ailleurs, en parlant de politique, la socialiste Flavia Wasserfallen, conseillère aux États, a elle aussi commenté cette décision. «C'est un montant misérable», selon cette grande fan de football, joueuse au FC Helvetia, l'équipe féminine du Parlement helvétique.
Le fait que le Conseil fédéral n'accorde pas les 15 millions de francs espérés s'explique sans doute par la politique de «refus» du moment.
Pour ne pas provoquer de dépenses supplémentaires, les quatre millions viendront de l'Office fédéral du sport (OFSPO). Ils ne seront donc pas imputés au budget fédéral. Cela signifie néanmoins que l'OFSPO devra se priver d'un important montant pour d'autres projets.
«Manifestement, le Conseil fédéral n'a pas accordé suffisamment d'importance au football féminin», explique Adrian Arnold. L'apport reste toutefois dans la «moyenne», si l'on compare avec les prochains grands événements sportifs que la Suisse accueillera entre 2025 et 2029. Le Championnat du monde de hockey sur glace recevra 3,25 millions de francs et les Jeux mondiaux d'hiver de Special Olympics se verront octroyer 9,5 millions de francs.
En 2008, le Conseil fédéral avait accordé 80 millions de francs pour l'Euro masculin. La conseillère nationale bernoise Aline Trede (Les Verts) trouve logique qu'il y ait des différences entre les deux compétitions. Le tournoi masculin nécessitait des investissements plus conséquents, notamment en matière de sécurité. Des infrastructures avaient également été construites, comme le Letzigrund. Les retombées se voulaient aussi plus importantes. Malgré tout, Trede estime qu'il en manque pour le Championnat d'Europe féminin.
Si l'argent manque pour l'organisation de l'événement en lui-même, Aline Trede pointe surtout du doigt les financements concernant l'héritage, ce pourquoi la Suisse organise cet Euro.
Flavia Wasserfallen explique parfaitement la situation: «Nous n'avons pas assez de terrains en Suisse, ni même de femmes, aussi bien de joueuses, arbitres, entraîneuses et dirigeantes». Et ce, malgré l'engouement grandissant de la discipline auprès des filles. «Nous devons créer de bonnes conditions-cadres», poursuit Wasserfallen.
Pour Aline Trede, le montant actuel sera forcément «corrigé au Parlement». Flavia Wasserfallen a elle aussi bon espoir.
Lors de la prochaine session de printemps, qui débutera le 26 février, un certain nombre de propositions seront présentées au Parlement fédéral. L'une d'elles vise à faire passer le financement de quatre à 15 millions. Un groupe parlementaire (Euro 25) a été créé en vue du Championnat d'Europe féminin.
«Nous voulons doubler le nombre de nos joueuses, passer de 40'000 à 80'000», explique Adrian Arnold, porte-parole de l'ASF.
Nous verrons lors de la session de printemps ce que le Parlement décidera. «Si rien ne change, nous devrons jeter des idées et des projets», poursuit Adrian Arnold. Pour l'heure, «nous n'abandonnons pas».
Adaptation en français: Romuald Cachod.