C'est un signal fort qu'a voulu donner l'Association suisse de football (ASF) en engageant la Suédoise Pia Sundhage en tant qu'entraîneuse de l'équipe nationale féminine. Un CV long comme le bras, une belle carrière de joueuse et un palmarès de coach de sélection nationale qui en ferait rêver plus d'un.
«Tu veux jouer au football avec les garçons? Il faut dire que tu t'appelles Pelle et non Pia», lance le premier entraîneur de Pia Sundhage lorsqu'elle était enfant. Nous sommes dans les années 1960 en Suède et ce prénom masculin lui permettra de jouer le dimanche dans un club.
Des premiers matchs entre voisins au championnat de Suède, il n'y avait qu'un pas pour cette pionnière du football féminin.
Milieu de terrain évoluant aussi en tant qu'attaquante, elle a été sélectionnée en équipe nationale en 1975 à l'âge de 15 ans seulement. «Le sélectionneur national m'a téléphoné et j'ai lu un article dans un journal. C'était énorme pour moi, j'avais 15 ans. Mais je n'étais pas stressée, car j'avais de bonnes qualités techniques», raconte-t-elle en toute confiance.
Des qualités techniques qu'elle a développées, remportant quatre championnats de Suède entre 1979 et 1989. Mais la consécration, en tant que joueuse, viendra d'un jour pluvieux à Luton en Angleterre. «La veille du match, notre coach Ulf Lyfors nous a demandé qui voulait tirer le dernier penalty», raconte-t-elle. «J'étais sûre que ça n'arriverait pas, alors je me suis portée volontaire.» Pia a tenu sa promesse et marquera, le 27 mai 1984, le tir au but de la victoire en finale du Championnat d'Europe de football.
Dans les prémices du football féminin (la finale se joua devant 2565 personnes seulement), l'équipe suédoise est donc la première au palmarès du Championnat d'Europe. Pour les nostalgiques de la boue et du football féminin des années 80, voici le but de Pia👇🏽
En 1992 s'ouvre la seconde et prolifique carrière, celle d'entraîneuse. D'abord en D1 suédoise au poste de joueuse-entraîneuse puis d'entraîneuse en cheffe aux Etats-Unis en 2003 dans le club des Boston Breakers. Mais c'est au sein de l'équipe féminine américaine de football que la Suédoise marquera les esprits et le cœur des Américains, si attachés à leur «woman soccer team».
Hope Solo, gardienne emblématique de l'équipe américaine, dira qu'à son arrivée, la sélectionneuse a changé toute la dynamique de l'équipe, notamment grâce à sa décontraction et la confiance qu'elle porte aux joueuses.
Pia gagnera ses galons internationaux (et pas des moindres) en menant le team USA vers une médaille d'or olympique à Pékin contre le Brésil en 2008, puis une deuxième place à la Coupe du monde de 2011 et de nouveau une victoire olympique aux Jeux de Londres 2012. «Elle a accumulé un palmarès et des succès incroyables», applaudit Sunil Gulati, président de la fédération américaine de soccer de 2006 à 2018. Et comme si ces médailles n'étaient pas suffisantes, la Suédoise est couronnée meilleure entraîneuse de l'année 2012 par la FIFA.
Après cinq années fastes à la tête de l'équipe américaine (107 matchs et 6 défaites), elle ressent le besoin de «retourner à la maison» et devient coach de l'équipe nationale suédoise, avec pour objectif l'Euro 2013 organisé dans son pays natal et les Jeux olympiques de 2016. A l'annonce de son départ des Etats-Unis, la tristesse est palpable aussi bien auprès des joueuses que du public. «Elle nous manquera, c'est certain», s'émeut alors Christie Rampone, ancienne capitaine de l'équipe américaine. Sur son retour en Suède, les journalistes diront qu'elle a répondu à «l'appel du pays». Pour le président de la fédération de soccer américain Sunil Gulati, il est évident qu'elle souhaite retourner en Suède où elle est «une véritable icône».
Après sept années aux rennes de l'équipe suédoise avec laquelle elle remportera la médaille d'argent aux Jeux olympiques de 2016, Pia Sundhage reprend ses valises et accepte d'être sélectionneuse de l'équipe brésilienne pour la Coupe du monde 2023. L'élimination précoce de la Seleçao lui vaudra d'être limogée à la fin de l'été 2023. A 63 ans, on aurait pu penser qu'elle prendrait sa retraite, mais elle ne comptait pas en rester là.
«La première chose que j'ai apportée aux Etats-Unis et au Brésil, c'était une guitare», raconte-t-elle au micro de la joueuse professionnelle néo-zélandaise Ali Riley. Derrière sa carrure imposante, Pia Sundhage ne rate jamais un moment pour chanter ou jouer de la guitare, lors de ses apparitions publiques, mais surtout pour ses joueuses. Lorsqu'une journaliste lui demande de pousser la chansonnette lors d'une interview d'après-match, elle n'hésite pas une seconde👇🏽
Mais qu'on ne s'y trompe pas, ce n'est pas parce qu'elle joue des balades qu'elle a sa langue dans sa poche. Lors d'une interview au New York Times en 2015, soit deux ans après avoir quitté l'équipe américaine, elle laisse échapper quelques commentaires sur ses anciennes joueuses du team USA. La gardienne Hope Solo est qualifiée de «sacré morceau» et l'attaquante Carli Lloyd «peut être excellente, si elle est en confiance, et désastreuse si ce n'est pas le cas».
Ses propos crisperont quelque peu les médias américains. Obligée de les «clarifier» devant les caméras quelques mois plus tard, Pia Sundhage persiste et signe.
Et sa méthode de coaching? Interrogée sur ce sujet, l'ancienne capitaine de l'équipe américaine et Ballon d'or 2019 Megan Rapinoe n'y va pas par quatre chemins:
Une remarque que Pia Sundhage ne conteste pas totalement, ajoute le New York Times. En effet, la Suédoise a la réputation de ne pas tourner autour du pot, voire d'être autoritaire, sous ses airs de musicienne sensible. Alors non, elle n'a pas rejoint la Nati pour jouer des berceuses.