Le 10 août 2023, le Bayern Munich annonçait un partenariat avec Prime, la marque de boisson lancée par le Youtubeur Logan Paul et le rappeur KSI, Olajide Olayinka Williams de son vrai nom. «Ce partenariat avec une marque jeune et dynamique confirme notre croissance mondiale et vise à atteindre un nouveau public pour le FC Bayern», jubilait Andreas Jung, membre du conseil d'administration du club munichois par le biais d'un communiqué.
Mais cette annonce n'a pas fait que des heureux et de nombreux fans du «Rekordmeister» ont déploré un tel partenariat, qualifiant même l'opération de «blague».
Lancée en juillet 2022, la marque de boisson Prime fait un tabac et, selon les informations avancées par la société, le chiffre d’affaires serait estimé à environ 250 millions de dollars.
La foule d'abonnés que cumulent les deux propriétaires - Logan Paul en compte 26 millions et KSI 13 millions - n'est évidemment pas étrangère à la poussée rapide de la marque. Au-delà du produit lui-même, ce bassin de fans regroupés sur les réseaux sociaux est une mine d'or pour les clubs, soucieux de toucher un public toujours plus jeune. Barcelone et Arsenal ont conclu un accord avec Prime, tout comme la franchise des Los Angeles Dodgers ou encore l'organisation de sport de combat de l'UFC.
Mais derrière l'opération marketing rondement menée, les premières critiques ont fusé. Sur CNN, le médecin Bracho-Sanchez a élevé la voix et fait part de son inquiétude.
La gamme de boissons Prime Energy est sans sucre, mais contient 200 mg de caféine par bouteille de 355 ml. Pour faire simple, c'est l'équivalent de deux canettes de Red Bull, sachant que la boisson autrichienne est déjà corsée en matière de caféine - 80 mg pour 250 ml - tandis qu'une cannette estampillée Monster (250 ml) en contient 75 mg, selon un dossier d'Addiction Suisse.
La marque fanfaronne en prétextant que son breuvage est vegan et sans sucre. Elle rappelle aussi sur son site officiel que les boissons énergisantes sont déconseillées aux moins de 18 ans, aux femmes enceintes ou aux personnes sensibles à la caféine. Or le marketing vise les ados, dopés par l'omniprésence des deux stars des réseaux sociaux.
Cette teneur élevée en caféine a déjà conduit à l'interdiction du produit dans certaines écoles au Royaume-Uni et en Australie. Outre-Atlantique, la colère gronde. Le sénateur démocrate Chuck Summer, relayé par CNN, appelait la FDA (Food and Drug Administration) à enquêter sur Prime, assurant que «les enfants la (réd: la boisson) voient sur leur téléphone lorsqu'ils font défiler les images, puis ressentent un réel besoin de l'acheter».
Une levée de boucliers qui interroge sur les différents partenariats annoncés par des clubs respectés et tenus à une certaine exemplarité - surtout envers les plus jeunes. Pourquoi donc signer de tels contrats? «Il faut prendre le problème à l'envers», expose Michel Desbordes, professeur en marketing du sport à l'Université de Paris-Saclay.
Et d'enchaîner: «McDonalds a été le sponsor historique des Jeux olympiques, les marques de tabac étaient partenaires de nombreux événements sportifs dans les années 70. On ne parle pas de la promotion des armes à feu, mais de boissons énergisantes.» Prime use (et achète l'image) du Barça, d'Arsenal ou du Bayern, pour véhiculer une réputation honorable à travers des institutions qui le sont depuis des décennies.
En Suisse, l'Office fédéral de la sécurité alimentaire nous informe que «c'est au détaillant de décider et de prendre en compte si le produit peut être dangereux pour la santé», déclare une porte-parole.
A l'heure actuelle, aucune boisson Prime n'est trouvable dans les commerces helvétiques et aucune interdiction n'est prononcée. En France, les boissons sont par exemple disponibles sur des plateformes en ligne, ou chez des revendeurs de produits américains tels que myamericanshop. Mais un jour, la vague Prime pourrait s'écraser contre le rocher des autorités.