Depuis les réunions hors protocole impliquant la Fifa et le procureur général de la Confédération, en 2016 et 2017, nous le savons: Gianni Infantino – président de la Fédération internationale de football – aime préserver le secret.
Or si la Fifa venait à annoncer son déménagement, personne ne serait véritablement surpris. Le Süddeutsche Zeitung titrait mardi «Les adieux en secret à Zurich», précisant qu'Infantino cherchait – à l'occasion du Congrès de la Fifa vendredi à Bangkok – à faire passer une révision des statuts, permettant à l'instance de quitter la Suisse. CH Media, le groupe auquel appartient watson, dispose également d'informations au sujet d'un éventuel déménagement hors du territoire helvétique.
Il y a peu, lorsque l'ordre du jour du Congrès – en anglais – a été dévoilé, il était question du transfert du siège de la Fifa. Cette formulation aurait ensuite disparu. Le point 9 évoque désormais le vote de propositions qui visent à modifier les statuts de l'instance.
La Fifa et la Suisse ont pourtant une longue histoire commune. L'article 1 des statuts actuels ne laisse planer aucun doute là-dessus. La Fédération internationale de football est une association inscrite au registre du commerce, selon le Code civil suisse. L'alinéa 2 stipule également que le siège de la Fifa se trouve à Zurich, et qu'il ne peut être transféré que par décision du Congrès.
Si l'on s'active secrètement, la Fifa ne veut pas entendre parler de cachotteries. «Les statuts doivent être mis à jour afin de clarifier et de confirmer que le Congrès de la Fifa, en tant qu'organe décisionnel suprême, est apte à déterminer l'emplacement du siège de l'organisation», indique-t-elle. Il est également précisé que – sauf décision contraire du Congrès – les bureaux resteront à Zurich.
La révision des statuts a été préparée correctement. En mars 2023, le Conseil de la Fifa annonçait publiquement qu'un groupe de travail allait être créé. Il a longtemps planché sur les textes en vue du Congrès de Bangkok.
Les 211 fédérations membres de la Fifa se prononceront d'ici la fin de semaine sur cette modification des statuts, et comme d'habitude, elles ont reçu les documents informatifs nécessaires un mois à l'avance. Le nouvel article 1, alinéa 1, propose le texte suivant: «La Fifa est une association au sens des articles 60 et suivants du Code civil suisse». Elle resterait donc une fédération de droit suisse. Serait uniquement supprimé le passage qui indique que l'association est inscrite au registre du commerce de Zurich.
Selon cette proposition bientôt soumise au vote, la Fifa resterait donc, de manière assez curieuse, une association de droit suisse. Le plus simple serait qu'elle continue à être basée au pays, mais qu'elle déménage vers une autre ville. Par exemple à Lausanne, sur les rives du Léman, où Infantino dispose de sa résidence principale, selon certains observateurs.
En cas d'approbation, la ville de Zurich ne serait toutefois pas totalement anéantie. Elle reste mentionnée à la toute fin des statuts, dans les dispositions transitoires. Il est écrit que «le siège et le domicile légal resteront à Zurich jusqu'à ce que le Congrès prenne une décision conformément à l'article 1, alinéa 2, des présents statuts». Cela indique que le Congrès prendra une décision future concernant la localisation du siège de la Fifa. Ce que souhaite faire Infantino n'est en revanche pas très clair.
Zurich doit également disparaître – comme les documents l'indiquent – de l'article 7 des statuts qui définissent l'essence même du football mondial. On lit aujourd'hui que l'International Football Association Board (IFAB) – qui décide des règles de ce sport – est une association de droit suisse, basée à Zurich. Cette phrase doit être supprimée, sans être remplacée.
La Fifa a été fondée en 1904 à Paris et est installée à Zurich depuis 1932. C'est le prédécesseur d'Infantino, Sepp Blatter, qui a soudé l'instance à Zurich pour, le pensait-on, l'éternité. Il a fait construire un nouveau siège sur le Züriberg, appelé «Home of FIFA», pour 270 millions de francs. 600 collaborateurs y travaillent aujourd'hui.
Certains initiés estiment que Gianni Infantino souhaite démolir tout ce que le Valaisan a construit. Le siège de la Fifa sera peut-être bientôt mis en vente. Récemment, la fédération s'est séparée de plusieurs immeubles en ville. C'est le cas de celui où Blatter a vécu.
Gianni Infantino – qui s'est toujours entendu avec des personnes autoritaires, comme Trump, Poutine ou les émirs – continue de transformer la Fifa en machine à cash. Sa vision le pousse également à réduire le facteur Suisse. C'est ainsi qu'en 2021, certaines équipes ont été transférées à Paris. Deux ans plus tard, Infantino ouvrait une succursale à Singapour. En 2023, la Fifa transférait également 100 postes à Miami, aux Etats-Unis. C'est là que se tiendra la Coupe du monde 2026, co-organisée avec le Mexique et le Canada. Le président de la Fédération internationale de football association a lui même déménagé son domicile au Qatar durant quelques mois, jusqu'à la Coupe du monde 2022.
Le débat sur le futur siège de la Fifa provoque des remous dans l'univers du football. Mardi, l'instance a publié un communiqué du responsable des médias Bryan Swanson, qui a sans doute longtemps échangé avec Gianni Infantino.
Quoi qu'on entende par expansion, le message global est clair: le site de Zurich est amené à être réduit. D'un autre côté, la Fifa pourrait s'engager davantage en Suisse romande. Swanson a jugé bon de préciser que ces possibles révisions ne résultaient pas d'un coup de son président.
La longue déclaration précise que la Fifa se penchera vendredi sur des questions mondiales, et qu'elle votera pour l'attribution de la Coupe du monde féminine 2027. S'en suit une affirmation redoutable: «Nous devons nous occuper de points plus importants que les spéculations autour de notre siège social».
Swanson lance également un avertissement: «Si les allégations fausses et trompeuses se poursuivent, nos associations membres pourraient penser que nous ne sommes pas les bienvenus à Zurich». En d'autres termes, les articles critiques en Suisse pourraient conduire à un déménagement. Il termine en rappelant que l'instance est accueillie à bras ouverts par de nombreux pays: «La Fifa jouit actuellement d’une réputation internationale, ce qui n’était pas le cas en 2015», à l'ère de Sepp Blatter...