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Prière pour le FC Sochaux, «un club historique, une grande famille»

«Sochaux c'est nous!» Yves Plouhinec, supporter du FC Sochaux. 16 août 2023.
«Sochaux c'est nous!» Yves Plouhinec, supporter du FC Sochaux. 16 août 2023.image: watson

Prière pour le FC Sochaux, «un club historique, une grande famille»

Le FC Sochaux-Montbéliard, club phare de la région Franche-Comté, aimé des Jurassiens côté suisse, jouait sa survie ces dernières heures. watson s'est rendu dans la patrie des usines Peugeot, où l'on voue un culte au «FCSM».
17.08.2023, 18:5019.08.2023, 18:01
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Assis par terre, Ylian et son frère Lenny ne perdent pas une miette de la séance d’entraînement qui a lieu ce mercredi matin 16 août sur la pelouse du Wembley, l’une des annexes de «Bonal», le stade du FC Sochaux-Montbéliard (FCSM). Captivés par leurs idoles mais inquiets à l’idée de ne plus les revoir. Leur maman n’a toujours pas acheté les abonnements pour la saison prochaine. Des abonnements pour toute la famille: les deux garçons, les parents, sans oublier papy et mamie. «Une tradition chez nous, de génération en génération», confie Julie, la maman, aide-soignante en bloc opératoire à l’Hôpital Nord Franche-Comté.

«Si on reste en National, on peut espérer repasser en Ligue 2, sinon, tout s’écroule»
Julie, la maman
Julie et ses deux garçons.
Julie et ses deux garçons. image: watson

On est à la veille de la décision de la DNCG, la Direction nationale du contrôle de gestion, un organisme rattaché à la Fédération française de football. Sochaux, qui évolue depuis dix ans en deuxième division, est sous la menace du dépôt de bilan. Déclaré en faillite, le club doubiste perdrait son statut professionnel et son centre de formation dont il est si fier. Ibrahima Konaté et Marcus Thuram, deux internationaux de l’équipe de France, en sont issus. Excusez du peu.

Le FCSM, l’aîné des clubs professionnels français, fondé en 1928 par Jean-Pierre Peugeot, à la tête, alors, des usines du même nom, ne peut pas, ne doit pas disparaître. Dans cette région «où il n’y a déjà pas grand-chose», l’équipe sochalienne est un pilier du patrimoine, un brasseur social sans égal. Si l'avenir du club devait s'arrêter net, que deviendraient les plus beaux souvenirs? Ceux de la coupe de France remportée en 2007, de la demi-finale de la coupe UEFA disputée en 1981 après avoir éliminé Grasshoppers en quarts. Et tous les autres. Que ferait-on du stade Auguste-Bonal, du nom d'un résistant tué pendant la guerre, refait à neuf entre 1997 et 2000, attenant au vaste site du groupe Stellantis, ex-Peugeot-Citroën? En Suisse voisine, les supporters du club, parmi eux beaucoup de Jurassiens, seraient bien tristes.

Joueurs du FC Sochaux-Montbéliard lors de l'entraînement. 16 août 2023.
Joueurs du FC Sochaux-Montbéliard lors de l'entraînement. 16 août 2023.imgage: watson

Dernière chance: la relégation en National, la troisième division. Un moindre mal, synonyme de maintien dans le giron professionnel, avec pour obligation la remontée en Ligue 2 dans un délai de deux ans, trois au plus.

«Huit années de gestion désastreuse»

«Huit années de gestion désastreuse ont mis le club dans l’état où il se trouve», s’énerve Fabrice Lefèvre, le président de Planète Sochaux, site de supporters du FCSM. En 2014, lorsqu’il prend les commandes du groupe Peugeot-Citroën, Carlos Tavares se débarrasse du club. Un investisseur chinois le reprend. A l’époque, ça fait plutôt chic dans le paysage footballistique français. Problème: les actifs dont se prévaut l'acquéreur sont des coquilles vides. Le groupe hong-kongais Nenking vient à la rescousse, remet de l’air dans le ballon. Mais cela ne dure pas. Le versement de salaires mirobolants à certains joueurs ne fait qu’aggraver la situation. Sochaux vit au-dessus de ses moyens.

Fabrice Lefèvre, à droite.
Fabrice Lefèvre, à droite.image: watson

Résultat: un trou de 22 millions d’euros. Nenking, qui en a marre, renverse le pot de cancoillote, spécialité fromagère franc-comtoise. La fin semble proche. Romain Peugeot, petit-fils du fondateur, tente un tour de table. San succès. Surgit l'homme providentiel. Les poches vides, le cœur plein. Son nom: Jean-Claude Plessis, 79 ans, ancien président du club sochalien, qui reprend là du service. Sa mission: récolter de l’argent auprès des entreprises de la région. Beaucoup d’argent. On parle d’une douzaine de millions d’euros. L’objectif serait atteint. Le tout en très peu de temps: on est mi-août, il a commencé à battre le rappel courant juillet. A quoi s’ajoutent quatre millions d’euros versés par les collectivités locales, sollicitées, elles, par Matthieu Bloch, le président du groupe Les Républicains à l’agglomération Pays de Montbéliard. «J’ai bon espoir qu’on s’en sorte», dit-il.

Ce n’est pas tout. Créée en 2018 sur un modèle d’actionnariat participatif, la structure Sociochaux a réuni ces derniers jours plus de 500 000 euros auprès du public, selon Mathieu Triclot, son président. Le Valaisan Johann Lonfat, qui a joué à Sochaux de 2007 à 2009, a participé à la cagnotte. En mettant bout à bout l'aide fournie par chacun, le découvert devrait être à peu près comblé. Mais que de regrets d'en être arrivé là.

Stade Bonal.
Stade Bonal. image: watson

«Il n’aurait pas fallu que Peugeot vende aux Chinois»

«Il n’aurait pas fallu que Peugeot vende aux Chinois», rembobine Jean-Christophe, employé depuis 33 ans chez le constructeur automobile. Metteur au point emboutisseur, il intervient sur les modèles 3008 et 5008. «Sochaux, c’est un club historique, une grande famille», assure fièrement Romain, son fils, 21 ans, vêtu d’un maillot aux couleurs jaune et bleu de l’équipe. «On nous cachait la situation depuis des mois, on ne savait rien», regrette Dylhan, un ami de ce dernier. Tous trois sont venus voir les Sochaliens s’entraîner mercredi. Ils se projettent déjà: «Si on obtient de jouer en National, vu que le championnat vient de reprendre, on aura un ou deux matchs à rattraper.» Mais avec quel effectif ? Tous les pros, à l’exception d’un ou deux, ont mis les voiles. Il reste l’équipe réserve, qu’il faudra, c’est certain, renforcer.

Jean-Christophe, le père, son fils Romain, à droite, Dylhan, un ami, au centre.
Jean-Christophe, le père, son fils Romain, à droite, Dylhan, un ami, au centre.image: watson

Dire que Sochaux aurait pu remonter en Ligue 1 dès cette année. Avec les 30 millions d’euros de droits télévisés perçus par tout club de première division, le déficit de 22 millions d’euros aurait été épongé. L’équipe avait ses chances. Mais début avril, alors qu’elle pointait à la 2e place du classement, une défaite à Bastia a fait voler en éclats un vestiaire fracturé. En cause, notamment: de fortes disparités salariales, des choix contestés du directeur général, objet de noms d’oiseaux sur les murs gris de Bonal, où les supporters tiennent à rappeler que «Sochaux c'est nous!». Le club a terminé 9e de la saison 2022-2023.

«J’aimerais leur transmettre ma passion pour Sochaux»

A Bressaucourt, dans le canton du Jura, Hervé Voisard priait jeudi matin encore pour que Sochaux demeure. Responsable administratif dans une société d'informatique de Porrentruy, cet Ajoulot de 52 ans, ex-chargé de communication au HC Ajoie, fait partie des nombreux Jurassiens attachés au club doubiste. Il confie:

«J’ai deux fils qui font du hockey sur glace. J’aimerais leur transmettre ma passion pour Sochaux, comme auparavant mon père, qui travaillait au garage Peugeot de Porrentruy, ceci expliquant peut-être cela, m’a transmis la sienne. J’avais 9 ans lorsqu’il m’emmena pour la première fois à Bonal. Je me souviens d’une victoire 3 à 1 contre Lyon, d’un 2 à 2 face Dijon, le stade était plein. C’était la grande époque des Stopyra, Anziani, Rust, Genghini, Posca, Bazdarevic, plus tard, des Paille et des Sauzée.»
Hervé Voisard
Bernard Genghini, ex-star de Sochaux.
Bernard Genghini, ex-star de Sochaux.image: watson

Sochalien et supporter du HC Ajoie

Le monde transfrontalier est petit. L’un des membres de l’association Sociochaux, Alexis Lacroix, 43 ans, né à Montbéliard, est fan «depuis 30 ans» du HC Ajoie. Il a suivi en chair et en os les montées et descentes du club jurassien. Celui qui habite et travaille aujourd’hui à Genève dans le secteur touristique, se souvient des drapeaux jurassiens virevoltant dans les tribunes du stade Bonal. «Les liens sont forts de part et d’autre de la frontière», se félicite-t-il. FC Sochaux-Montbéliard, HC Ajoie, même combat, en somme: «Les deux font appel à la participation financière des acteurs locaux», note le «socio» Lacroix.

Personne ne veut voir mourir Sochaux. Yves Plouhinec pas plus que les autres. Venant du nord de la France, il avait 12 ans dans les années 50 lorsque ses parents s'installèrent dans le Doubs. Le gamin ne pensait qu’au foot et au club. Pour être au plus près des joueurs, il se fit ramasseur de balles, se rendit indispensable.

«Le dimanche, mon père m’amenait en voiture au point de ralliement, à L’Isle-sur-le-Doubs, là où passait et s’arrêtait le bus de l’équipe. Je montais dans le bus, avec les joueurs. On était vite adopté»
Yves Plouhinec
Yves Plouhinec.
Yves Plouhinec. image: watsons

Le petit Yves, des yeux si bleus que son instituteur du nord de la France le confondait avec les Polonais de la classe, jouait au foot sur du «crassier», un sol formé de remblais minier. Il s’y écorchait les genoux. Il devint éducateur spécialisé à la protection judiciaire de la jeunesse.

«Je suis numéro 6, milieu relayeur»

De passage à Sochaux – lui et son épouse résident aujourd’hui dans le sud de la France –, Yves Plouhinec égrène les heures et minutes restantes avant la décision de la DNCG. Ce mercredi matin, il est présent à l’entraînement des Sochaliens. L’un d’eux fait parler de lui plus que les autres: Malcolm Viltard, 20 ans. «C’est lui, avec la coupe afro», indique un spectateur appuyé à la rambarde du Wembley. Les supporters louent la décision du joueur de rester au club.

On le rencontre après la douche.

«Ça fait cinq ans que je suis au club, les trois derniers avec un contrat professionnel. J’ai commencé au centre de formation. Je suis numéro 6, milieu relayeur. J’ai été prêté à Châteauroux, un club de National, avant de revenir à Sochaux. Ce club m'a beaucoup donné, je lui dois quelque chose en retour.»
Malcolm Viltard

Des rumeurs font de Malcolm Viltard le capitaine du FCSM la saison prochaine, si le club est sauvé. Né à Carcassonne, dans le sud de la France, le jeune homme ne manque pas de personnalité. Quel est le joueur qu’il admire le plus en équipe de France? «Aucun», répond-il. Même pas Mbappé? «Mbappé, c’est Mbappé», élude-t-il. Non, son idole, c’est Thiago Alcantara, le numéro 6 espagnol de Liverpool.

Malcom Viltard.
Malcom Viltard.image: watson

Quand on a 20 ans, il arrive qu'on s'ennuie un peu à Sochaux-Montbéliard. «C’est vrai, il n’y a pas grand-chose à faire. L’avantage, c’est qu’on peut se concentrer sur nos objectifs, être focus vraiment foot.» Le but de Malcolm Viltard, c’est de briller en National sous les couleurs de Sochaux et d’être repéré pour pouvoir un jour, dit-il, s’évader.

La décision est tombée

La nouvelle est tombée jeudi 17 août en fin d'après-midi. Le FC Sochaux-Montbéliard et tous ceux qui, dans la région, priaient pour éviter une mise en faillite, peuvent respirer. La Direction nationale du contrôle de gestion décide le maintien en National (3e division) du club sochalien. A une condition: que son statut professionnel soit confirmé par le Comité exécutif de la Fédération française de football.
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