Une crise? Oui, au moins concernant les résultats. Le HC Bienne a sept points de retard sur la dernière place qui lui permettrait d'atteindre les play-offs. Pour rappel, les Seelandais disputaient la finale la saison passée. Dans quasiment n'importe quel autre club, l'entraîneur aurait déjà été licencié ou serait exposé, avec son directeur sportif, à une violente contestation des fans.
Mais à Bienne, tout se déroule normalement. Le directeur sportif Martin Steinegger n'est même plus interrogé sur son coach, Petri Matikainen. Le Finlandais reste – à ce jour – en fonction. Point. Martin Steinegger dit que le coach n'est un problème que lorsque l'équipe ne le suit plus. Même si Steinegger le nie catégoriquement («Je n'ai plus l'énergie pour ça»), il est clair pour tout le monde qu'en cas d'urgence, c'est lui qui assurerait l'intérim. Aucune raison, donc, de paniquer ou de s'énerver.
Alors oui, le jeu biennois s'écroule un peu de temps en temps. «Une question de confiance en soi», résume le directeur sportif. Mais l'équipe se reprend toujours après des périodes creuses et regarde ses adversaires les yeux dans les yeux. Elle a le moral intact. Vraiment pas de quoi s'énerver. Pour l'instant, Martin Steinegger n'a engagé qu'un étranger supplémentaire (Rihards Bukarts) et a fait venir en prêt Jérôme Bachofner des Zurich Lions.
La gloire et la misère des Biennois se sont une nouvelle fois condensées en un seul match samedi lors du duel spectaculaire contre Lausanne, conclu par une défaite 2-1. Les Seelandais, qui ont pris d'assaut la cage vaudoise, se sont montrés bien trop inefficaces (47 tirs à 21 au total et 19-4 rien que dans le dernier tiers). Il faut aussi souligner l'héroïsme du gardien adverse, Kevin Pasche. Et malgré cette nouvelle désillusion, le public soutient inconditionnellement son équipe.
Pas même lors du dernier exercice. En 2023/24, la moyenne est de 6'116 par match, soit un taux de remplissage de la patinoire de 95,44%. Seuls Gottéron (100%) et Zoug (96,58%) ont un taux encore meilleur. Mais voilà, Bienne fait du hockey pour les émotions et pas seulement pour les résultats. Sans modèle ni carcan et avec les crosses libres offensivement. Les matchs peuvent se terminer par une déception, mais ils ne sont jamais ennuyeux. Il y a toujours un aspect dramatique. Oui, le divertissement est maximal.
Et comme sur le célèbre paquebot avant son crash, toutes les lumières sont allumées et la musique fait danser. Mais pour le club seelandais, heurter l'iceberg – manquer les play-offs – ne conduirait toutefois pas au naufrage.
Et pour cause: le nombre de spectateurs est bon, la direction est incontestée, le conseil d'administration reste calme et les caisses sont bien remplies. Tout le monde (ou presque) vit encore dans l'ivresse du souvenir de la saison dernière, la gloire de la finale agit comme un opium. La crise se déroule en douceur et il semblerait presque qu'elle ne soit pas encore entrée dans les esprits.
Et pourtant, la situation n'est pas sans drame. Le gardien de la Nati Joren van Pottelberghe et trois des dix joueurs suisses les plus productifs (Tino Kessler, Yannick Rathgeb et Luca Hischier) s'en iront à la fin de la saison. Mike Künzle, qui fait partie des meilleurs lorsqu'il n'est pas freiné par des blessures, quittera lui aussi le Seeland. Et puis, on ne sait pas si Damien Brunner et Beat Forster prolongeront leur carrière d'une saison supplémentaire.
Il est donc légitime de se demander si le directeur sportif ne sous-estime pas un peu la situation. L'évolution douce de la crise trompe-t-elle les dirigeants sur le caractère critique que pourrait prendre la situation à moyen terme?
A quoi ressemblera le HC Bienne la saison prochaine? Les «transferts impériaux» ne sont plus possibles. Martin Steinegger s'efforce par exemple d'attirer Dario Allenspach (Zoug), mais se heurte à la concurrence de Langnau, Ambri et Rapperswil. Il est également en discussion avec Johnny Kneubühler (Ambri). En revanche, il n'est plus intéressé par Dominic Zwerger.
Il est possible que l'international suisse junior Miles Müller (18 ans) revienne après quatre ans passés au plus haut niveau junior nord-américain. Mais il ne pourrait pas encore être un leader d'équipe. Et même si Luca Christen (25 ans) continue son bon développement, le défenseur ne pourra pas assumer le rôle de ministre de l'arrière-garde. Il reste toujours l'espoir qu'un joueur important puisse tout à coup, ici ou là, être libéré de son contrat. Mais ce n'est rien d'autre qu'une spéculation.
Martin Steinegger a déjà souligné à plusieurs reprises que tout changement est aussi une chance. Et il a raison. Mais le directeur sportif du HC Bienne doit veiller à ce que le noyau dur autour du leader charismatique Gaëtan Haas soit suffisamment fort la saison prochaine pour gérer ce bouleversement sur la glace. Cela implique que les six postes d'étrangers soient occupés par des joueurs de première classe et que Jesper Olofsson, Ville Pokka ou Rihards Bukarts ne soient pas prolongés. Quand il s'agit d'engager des étrangers, le conseil d'administration ne devrait pas cacher la clé du coffre-fort.
La question de l'entraîneur n'est pas importante actuellement et un licenciement ne changerait plus beaucoup le cours de la présente saison. Par contre, elle est capitale pour le prochain exercice. Plus tôt, le directeur sportif saura qui sera à la barre, plus il aura de facilité à mener ses discussions sur les transferts. Il ne peut plus se permettre d'attendre le mois de juin pour choisir son coach.
La Titanic du hockey suisse est encore illuminé et on y danse. Sera-ce encore le cas lorsque les Biennois se retrouveront durablement, et non plus temporairement, au même niveau que Langnau, Ambri ou Kloten, lorsque l'ivresse et la gloire de la miraculeuse saison dernière s'estomperont dans les mémoires? Il est presque certain que non. L'effet de l'opium disparaîtra progressivement. Comme le Titanic, le HC Bienne n'est pas insubmersible.
Le problème n'est pas la saison actuelle. Même rater les play-offs n'aurait pas encore de conséquences importantes. Le problème, c'est la saison prochaine et celle d'après. Le risque de rater l'avenir dans le présent.
Ambri, Langnau, Lausanne, Davos, Zoug, GE Servette, Lugano, Gottéron ou les ZSC Lions voire même le CP Berne, ont tous une longueur d'avance sur les Seelandais dans la planification du prochain exercice. Si ce retard n'est pas comblé, il se peut qu'à moyen terme, Bienne figure derrière toutes ces équipes au classement.
Adaptation en français: Yoann Graber