Depuis la défaite honorable face au Canada en quart de finale du Mondial 2019, les Suisses sont en pèlerinage. Ils se trouvent sur le chemin de Compostelle, en quête de renouveau, et suivent la maxime de Conficius: «Le but du chemin est le chemin lui-même».
Les objectifs de la sélection n'ont pas toujours été atteints sous Lars Weibel, le directeur des équipes nationales. «Nous sommes sur la bonne voie», confiait-il avant le Championnat du monde 2021. Résultat, un échec honteux en quart de finale contre l'Allemagne. Il disait de même en marge du Mondial 2022, puis en 2023. Nous avons finalement été éliminés - honteusement - au même stade de la compétition, contre les USA et l'Allemagne, encore une fois.
Sur le chemin de Saint-Jacques de Compostelle, vers un nouvel événement glorieux de notre hockey, voire un miracle, la Nati a franchi le total de 25 étapes. 25 matchs en Championnat du monde, depuis 2021. Mais les hommes de Patrick Fischer n'ont toujours pas atteint leur objectif: jouer les demi-finales du Mondial.
Elles sont excellentes. Les conditions pour réussir n'ont même jamais été aussi bonnes - depuis cette médaille d'argent au Championnat du monde en 2018. Pour la toute première fois, les trois titans de NHL - Roman Josi, Nico Hischier et Nino Niederreiter - sont disponibles dès les premiers matchs de la compétition. Ce «Trio Grande» est au hockey suisse ce que Gilad Hekselman, Will Vinson et Antonio Sánchez sont au jazz. Ces derniers ont fait leurs débuts ensemble en 2018 avec l'album It's Alright with Three. Autant dire qu'avec ces trois-là, et nos trois hockeyeurs, tout va toujours très bien.
L'expérience montre aussi que les Suisses vont loin au Mondial lorsqu'ils sont vivement critiqués, et que les attentes sont faibles. En 2013, ils ont fait une apparition surprise en finale, alors qu'un an plus tôt, ils terminaient à la onzième place. En 2018, Patrick Fischer avait été fortement critiqué après une campagne olympique manquée. Quelques semaines plus tard, il emmenait la Suisse en finale du Championnat du monde, et ne perdait que de peu contre la Suède.
Patrick Fischer a trébuché et titubé tout au long de la saison, enchaînant défaite sur défaite. Ses excuses ont agacé. La valeur sportive de notre équipe nationale est même tombée bien bas, en dessous de ce qu'elle vaut réellement. Si la Nati était à vendre, les acheteurs se montreraient forcément intéressés. Un prix en baisse, le tout avec un effectif riche et des possibilités énormes: ils se précipiteraient sur cette occasion.
Pour la Suisse, un Mondial organisé en novembre, décembre ou février rimerait avec échec. Le succès au Championnat du monde n'est possible qu'en fin de saison, si une nouvelle équipe est créée de toutes pièces. Sur la glace et dans le vestiaire. La direction sportive ne peut malheureusement pas renouveler l'effectif. Mais Patrick Fischer peut créer les conditions pour que l'équipe se renouvelle d'elle-même. C'est pourquoi la présence des titans de la NHL - les Roman Josi, Nino Niederreiter et Nico Hischier, leaders dans la meilleure ligue du monde, et rentrés plus tôt que prévu - est décisive.
Grâce à la présence de ces trois hommes, nous disposons dès le début du tournoi de la meilleure équipe possible. Nous avons vu leur apport vendredi lors du match d'ouverture contre la Norvège, remporté 5 à 2. Une première étape vers les demi-finales. Une occasion d'ajuster son jeu, comme ce sera une nouvelle fois le cas dimanche, face à l'Autriche (20h20). Bref, une façon de lacer ses patins, et de se préparer pour un pèlerinage vers la gloire.
Si les Suisses - qui peuvent aussi s'appuyer sur Leonardo Genoni, capable de redevenir un héros le temps d'un Mondial - ne parviennent pas à atteindre leur objectif à Prague avec cette équipe, quand le feront-ils? Et surtout, le feront-ils avec Patrick Fischer à la baguette?