Il ne sait pas encore dans quelle tenue il officiera ce mardi soir à Lausanne (19h45). Mais une chose est sûre: son look sera de toute façon différent de celui de samedi à Langnau. Christian Dubé (46 ans) a plus d’un costume dans son sac et cela se voit. La saison régulière est synonyme de 52 combinaisons de vestes, manteaux, cravates et bonnets. Et si les dieux du hockey lui sont favorables, d’autres accoutrements sont d’ores et déjà à prévoir lors des play-off.
L’entraîneur et directeur sportif de Fribourg-Gottéron est la plus grande fashion victim de la ligue. Et même la dénomination ne le dérange pas du tout:
La procédure est toujours identique les jours de matchs: il observe son dressing et choisit sa combinaison pour le soir. «Cette pièce était un élément clé lorsque nous avons rénové notre maison», affirme-t-il, tout en précisant que le nom de l’adversaire n’a aucune influence sur sa tenue vestimentaire.
Seul le costume vert du Grinch a été choisi volontairement pour un match contre Genève-Servette.
Ses créations sont parfois si bien trouvées qu’il arrive régulièrement que des clients demandent au magasin Angéloz à Fribourg s’il est possible d’acheter la tenue portée la veille par Christian Dubé. Angéloz est l’un des sponsors de Gottéron. D’où la question suivante: ne pourrait-il pas faire carrière dans la mode en tant qu’entrepreneur? Voire créer sa propre ligne de vêtements? «Oh non, ce business n’est pas pour moi.»
D’accord, mais en toute franchise… «Christian Dubé, êtes-vous le Karl Lagerfeld des coachs de hockey?» Il rigole. Bien entendu, il sait très bien qui c’est. «Je connais mieux la mode et plus de marques qu’un ado.» Ce goût pour la mode lui vient de sa mère. Même à plus de 70 ans, cette dernière s’habille encore aujourd’hui avec élégance. Tout le contraire de son père, Normand Dubé.
Cette passion vestimentaire pourrait laisser penser que Christian Dubé est un peu dandy sur les bords. Mais ce n’est pas du tout le cas. Si son accoutrement s’accordait à son job, il devrait davantage ressembler à des vêtements de travail usés. Car le Québécois n’a pas chômé depuis son passage sans transition de joueur à directeur sportif de Gottéron à l’été 2015. Avec en prime la double casquette de coach et de directeur sportif qui est la sienne depuis le 4 octobre 2019.
Dubé est le seul à occuper cette double fonction au sein de la ligue. Personne d’autre ne s’impose la double charge de travail. Le terme «clown» semble donc un peu irrespectueux compte tenu de cet immense volume de travail.
Mais une question reste ouverte: ce travail de l’ombre n’a-t-il pas tendance à être caché sous cet amas de vêtements? Christian Dubé:
Des vêtements colorés pour un peu de couleur dans ce monde de brutes, en somme.
Et le vestiaire, comment voit-il ce patron dingue de mode? Christian Dubé explique que les joueurs s’y sont habitués. Il est possible que certains soient curieux de voir dans quel costume il débarquera dans le vestiaire, ou qu’ils partagent parfois quelques sourires ou messes basses. Mais peut-être est-ce finalement la clé de son succès, lui qui a entamé sa cinquième saison à la bande du club fribourgeois.
Pour rappel, la plupart des observateurs s’attendaient à ce qu’il ne reste que quelques semaines tout au plus après avoir viré le coach Mark French en octobre 2019. Ce qui est sûr, c’est que Dubé fait partie des rares entraîneurs à être capable d’autodérision: «Je suis le premier à rire de moi.»
Le Canadien à licence suisse était un grand joueur. En 16 ans, il a disputé 816 matchs et inscrit 839 points pour Lugano, Berne et Fribourg-Gottéron. Au moment de son déménagement de Lugano à Berne en 2002, il était le joueur le mieux payé de l’histoire de la ligue avec un salaire supérieur à 600 000 francs annuels.
Quand les meilleurs joueurs deviennent entraîneurs, ils ont tendance à être plus durs avec les joueurs moins doués. Christian Dubé ne le nie pas. Oui, il peut être «tough». Mais aujourd’hui, le ton n’est plus le même que durant sa carrière. Il le dit lui-même, le hockey sur glace reste de toute façon un jeu. Et même quand on travaille dur, il n’y a pas de succès possible sans plaisir.
De toute façon, les joueurs pourraient-ils vraiment se rebeller contre un entraîneur qui les fait transpirer sans relâche, mais qui les surprend chaque jour de match avec une nouvelle création vestimentaire? Non, probablement pas. Vous l'aurez compris, les choix vestimentaires de Christian Dubé font partie intégrante de son style de management non conventionnel.
Adaptation en français: Stéphane Combe