Le derby tessinois est sur le point de commencer. Si les supporters de Lugano prennent place dans la Cornèr Arena, les fans d’Ambri attendent devant l’entrée du stade, dans l’obscurité. Ils ont les yeux rivés sur plusieurs écrans de smartphone où ils regardent le premier tiers du derby tessinois.
Soudain, l’un d’eux crie. But pour Ambri. Les autres gardent d’abord le silence, car les retransmissions ne sont pas tout aussi rapides ce soir-là. Quand les Léventins prennent l’avantage, tout le monde exulte. Les images montrées par les écrans sont toutefois implacables: le secteur visiteurs est presque vide. Mais pourquoi tous ces gens regardent-ils le match à l’extérieur?
Certes, tous les billets du secteur visiteurs ont été annulés cinq heures avant le match en raison d’une erreur dans le processus de réservation. Mais ils ont été remis en vente et la majorité des supporters présents à l’extérieur de la patinoire ont un billet valable. Non, si les tifosi d’Ambri sont là, c’est pour une tout autre raison: ils sont en grève depuis cette saison en réaction aux prix élevés des billets dans leur propre patinoire. Et leurs protestations ne sont désormais plus vaines puisqu’ils viennent de fêter une victoire hors de la glace.
L’histoire commence il y a cinq ans. Lors d’un match contre Lausanne, de graves débordements ont lieu dans la Valascia, aujourd’hui démolie. Le conseil d’administration d’Ambri décide alors d’introduire une différence de prix entre le secteur des spectateurs à domicile et celui des visiteurs. Une différence de prix maintenue lors du déménagement à la Gottardo Arena.
Problème: le club a encore augmenté l’ensemble des tarifs cette saison. La raison invoquée par le club? L’augmentation des coûts dans et autour de la nouvelle patinoire. Au début de la saison, les billets pour les fans d’Ambri devaient coûter 35 francs et ceux du secteur visiteurs 40 francs.
Après le boycott annoncé par plusieurs groupes de supporters de clubs de National League, Ambri a décidé de baisser à nouveau les prix de trois francs (respectivement 32 et 37 francs) avant même le début de saison. Mais ces prix élevés ont continué à susciter un réel débat au sein de la ligue.
En effet, Ambri est de loin le club où les billets sont les plus chers. A titre de comparaison, il faut débourser 31 francs à Davos et 30 francs à Berne et Kloten. Dans toutes les autres patinoires, il est possible d’assister aux matchs pour moins de 30 francs. Les sésames les moins chers du championnat coûtent 25 francs.
Le fait que les billets soient si chers en Léventine irrite de nombreux supporters. Après de premières rebellions, tous les groupes de supporters ont fini par boycotter la Gottardo Arena. Un avis partagé par les propres fans d’Ambri, qui n’apprécient guère cette hausse des prix et encore moins la différence de tarif entre les secteurs.
En plus de boycotter les déplacements, ils interrompent régulièrement leurs chants dans la Gottardo Arena et expriment leur mécontentement via des banderoles. Ils récoltent également des signatures pendant les matchs pour soutenir leurs revendications: «Cela crée un dommage irrémédiable à l’image de club populaire qu’Ambri véhicule à l’extérieur», écrit le groupe de supporters tessinois.
Et voilà qu’après huit matchs, le HC Ambri-Piotta a craqué. Lundi, le club a annoncé qu’il allait baisser les prix du secteur visiteurs à 32 francs avec effet immédiat. Désormais, tous les supporters paieront le même prix. Le HCAP précise:
Le club ne fait pas mention d’un boycott ou d’une pétition. Mais il est évident que les responsables ont cédé aux exigences des fans. Ambri ne s’arrête d’ailleurs pas là. Après cinq ans de tarifs différenciés, les Tessinois veulent désormais se la jouer leader au niveau national.
«Afin d’harmoniser les tarifs pour les supporters visiteurs et locaux, le HCAP soumettra une proposition aux quelques autres clubs de National League qui appliquent actuellement des différences de prix», écrit le club. Un tour d’horizon du reste de la ligue montre toutefois que seul Fribourg-Gottéron est concerné par cette pratique.
Il semble surtout que les Tessinois veulent ainsi réparer le «dommage irrémédiable» causé à l’ image du club. Mais ce cas illustre bien que ce sont les fans qui sont aux commandes à Ambri. Une fois de plus.
Adaptation en français: Stéphane Combe