Faut-il plaindre le Qatar et les Qataris? A moins d'un mois du début de la Coupe du monde de football, l’esprit de résistance est partout à son maximum. L’émirat coalise contre lui toutes les consciences. Il est le parfait bouc émissaire de nos nobles causes. Ses excès sont les nôtres: la clim à fond, l’exploitation des travailleurs – une forme de harcèlement. C’est comme si, à travers lui, nous payions notre dette à la terre et aux opprimés. Le Qatar ou l’expiation de nos péchés.
Que n’avons-nous résisté plus tôt en refusant de jouer les matchs de qualification pour le mondial qatari! Non, c’est au dernier moment, quand les jeux sont faits, qu’apparaissent des banderoles hostiles dans les stades ou que ferment des fan-zones avant d’avoir existé.
Pourtant, l’argent qatari, nous ne crachons pas dessus. A l’image des non-dits, les dessins sans paroles sont souvent les plus parlants. Pompe à gaz et pompe à fric – celui qu’il empoche par ses ventes et redistribue par ses investissements. Ainsi voyons-nous le Qatar. Ainsi le voulons-nous. En gisement perpétuel de notre argent de poche. Comme si le bédouin, rentier par accident, n’était bon qu’à cela: payer la note.
Or voilà que le bédouin s’est piqué d’organiser une Coupe du monde et qu’il y est parvenu tant il est riche et influent. Evidemment, il a vu les choses en grand, souhaité le nec plus ultra de la technologie et du confort. Typique du nouveau riche qui cherche à en jeter plein la vue pour se faire accepter d’une aristocratie en mal de flouze. Rien de neuf sous le soleil des faux-semblants. Mais qu’est-ce qu’il dépense, le géant gazier! Des sommes innommables! A se demander si notre indécence n’abuse pas de son besoin de reconnaissance.
Au PSG, il est en train de pourrir le p’tit boudeur – Kylian Mbappé – à coups de dizaines de millions. Comment tout cela va-t-il finir? Chez nous, du côté de Genève, la gauche, celle qui gouverne la Ville, sait ce que sa politique engagée doit aux recettes fiscales du commerce des matières premières, de l'hôtellerie et de la banque. Le fonds souverain Qatar Investment Authority possède çà et là des parts. Qui ruissellent sur la vertu comme la faute sur le scrupule.
Enfin, les apparences sont sauves. A Genève comme ailleurs, il n’y aura pas de fan-zone. Ces renoncements et contorsions de dernière minute, face à un régime dont nul n’ignore rien depuis longtemps, de ses accointances avec l’idéologie des Frères musulmans, notamment, mais ce n’est pas tellement cela qui indispose notre gauche, ont quelque chose d’inconvenant, de condescendant, de petit. Quand le thé est infusé, il faut le boire.