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Marco Odermatt: «Je veux me montrer comme je suis»

Marco Odermatt a remporté deux médailles d'or aux Championnats du monde de ski alpin, en descente et en géant.
Marco Odermatt a remporté deux médailles d'or aux Championnats du monde de ski alpin, en descente et en géant.Image: sda
Interview

Marco Odermatt: «Je veux me montrer comme je suis»

Il est la grande figure des Championnats du monde de ski alpin. Marco Odermatt explique pourquoi les photos de fête ne le dérangent pas, pourquoi tout n'est pas aussi facile pour lui que beaucoup le pensent. Et il révèle pourquoi il n'a pas signé la lettre ouverte sur la protection du climat.
19.02.2023, 17:2819.02.2023, 18:05
Martin Prost
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Les journées ont été longues, intenses, et au fond de la salle, ses parents et sa copine l'attendent déjà pour rentrer à la maison. Mais au lendemain de sa victoire en géant, Marco Odermatt est toujours aussi disponible. Il prend une demi-heure pour évoquer ses Championnats du monde, qu'il quitte avec deux médailles d'or.

Nous vivons à une époque où presque tout est diffusé sur les réseaux sociaux. On vous a vu danser et tenir une bière dans un après-ski. Est-ce une image que vous aimez ou auriez-vous préféré qu'elle reste privée?
Marco Odermatt: Ni l'un ni l'autre. C'est un peu l'inconvénient de notre époque. Probablement que boire une bière était plus facile pour les athlètes il y a 20 ans (rires). Mais les réseaux sociaux existent, c'est comme ça. C'est la réalité du monde actuel et du moment que je livre la marchandise, je n'ai aucun scrupule à faire la fête après. C'est moi en tant que personne et si ça dérange quelqu'un, je m'en fiche. Cette limite-là est posée très clairement. Je veux me montrer comme je suis.

Vous n'avez jamais l'impression d'être observé?
Tout dépend du contexte. Je ne m'amuserais pas de cette façon dans un pub de Lucerne en septembre. Et je m'en ficherais beaucoup moins si tout le monde sortait son portable. Mais ici, après une médaille d'or, ce sont des situations très différentes.

Les poignées de main, les tapes dans le dos et les papouilles ne vous agacent-elles pas au bout d'un moment?
Dans le fond, tout le monde veut bien faire. Mais ça finit par devenir fatigant. Les journées sont longues. De l'extérieur, vous avez toujours l'impression que ça a l'air facile et que je vais forcément gagner. Mais ce n'est pas aussi simple. Il m'en faut beaucoup pour être capable de répéter ces performances à chaque course. C'est quelque chose que très peu de gens comprennent.

Pouvez-vous partager encore une fois avec nous la bouffée d'émotions que vous avez ressentie après la descente?
Ce sont des émotions que je n'avais jamais éprouvées auparavant. Mais je ne peux pas expliquer pourquoi. Ce n'est pas la pression qui sortait. Peut-être que c'était dû à ma quatrième place en Super-G, où ça n'avait pas marché. Ou alors ma première victoire en descente. Ou le fait d'avoir enfin battu Aleksander Kilde dans cette discipline.

Gold medalist Marco Odermatt of Switzerland celebrates with father Walter and mother Priska during the podium ceremony of the men's downhill race at the 2023 FIS Alpine Skiing World Championships ...
Avec ses parents Walter et Priska après son sacre en descente.Image: KEYSTONE

Y a-t-il eu un moment où vous avez dû refouler vos émotions et regarder devant vous?
Après avoir gagné la descente, je me suis dit que je ne m'entraînerais pas pendant deux jours. D'autres reprennent l'entraînement après une journée de repos. Je n'étais pas encore prêt. Je devais trier plein de choses a) dans ma tête, b) parmi les 100 messages que j'avais reçus. Je dois régler toutes ces choses pour pouvoir refermer un chapitre et passer au suivant. C'est pourquoi j'avais besoin de ces 48 heures.

Vous répondez à tous les messages?!
Pas à tout le monde personnellement. Il m'arrive de faire un copier-coller. Cette fois, j'ai envoyé des photos de ma médaille avec quelques smileys. Pour montrer que j'avais lu le message et en guise de remerciement.

Vous avez dit vendredi après avoir remporté la médaille d'or en géant que vous aviez hâte de vous rendre aux Etats-Unis où il y aura une course le week-end prochain. Pourquoi? Parce que là-bas tout sera plus calme?
Exactement. Aux Mondiaux, ce n'étaient que des jours pénibles. Je faisais deux heures et demie de route rien que pour le tirage au sort des dossards, la veille de la course. Tout le monde à ma place trouverait ça stupide.

Pouvez-vous influencer cela?
De manière générale, ce sont des moments sympas. Tous les athlètes sont réunis au centre d'un village pour le tirage au sort des dossards. C'est un petit effort mais on aime donner ce plaisir aux fans. Sauf qu'ici, aux Championnats du monde, la configuration était un peu plus compliquée (réd: le tirage au sort et la remise des médailles avaient lieu à Méribel, mais les courses masculines à Courchevel). Après le géant, j'aurais aimé passer à mon hôtel pour prendre une douche avant la remise des prix. Mais faute de temps, j'ai dû me rendre à l'hôtel des femmes à Méribel.

Pendant les Mondiaux, environ 140 athlètes ont écrit une lettre ouverte à la Fédération internationale de ski (FIS) dans laquelle ils demandent que votre sport en fasse plus pour le climat. Parmi les signataires, il y a des stars comme Mikaela Shiffrin. Les initiants vous ont-ils également approché?
Oui, et c'était un problème. Je ne voulais pas inscrire mon nom en tête de liste car je ne peux pas répondre à toutes les requêtes des initiants. Pour les mêmes raisons, je ne comprends pas totalement pourquoi Mikaela Shiffrin a signé. Compte tenu de sa provenance, les Etats-Unis, elle est obligée de voler un peu plus en avion. Sans oublier que nous, les sportifs de haut niveau qui nous alignons dans de nombreuses disciplines, si nous voulons être partout, nous devons parfois voyager en hélicoptère ou même en jet privé, une ou deux fois par an.

Il n'existe pas d'alternative?
Si je dispute un géant à Kranjska Gora le dimanche et que je fais un entraînement de descente à Andorre le lundi, il faut voyager en jet privé, il n'y a tout simplement pas d'autre moyen. C'est pourquoi je reste un peu plus en retrait dans ce débat sur le climat.

Alors il ne faut rien changer?
Il faut planifier les courses de manière rationnelle, c'est important. Mais je ne trouve pas particulièrement tragique que nous volions aux Etats-Unis pour la deuxième fois cette saison. Bien sûr, il faut bien commencer quelque part. Mais il existe des centaines de façons de contribuer à la lutte climatique. Nous le savons tous, nous disputons la Coupe du monde. Si nous ne voulons pas voyager aussi loin, il faut participer à la Coupe d'Europe.

Vous avez 25 ans et vous avez déjà presque tout accompli. Comment rester affamé?
Ce ne sera pas si difficile pour cette saison. Il reste quatre semaines de course. Remporter le classement général de la Coupe du monde signifie beaucoup pour moi, donc je veux à nouveau gagner le grand globe de cristal. Il est possible qu'au printemps ou en été, j'arriverais à un stade où je me demanderai: quels autres objectifs puis-je encore poursuivre? Mais je ne peux pas le jurer.

Au printemps dernier, en tant que vainqueur du classement général de la Coupe du monde, vous avez eu beaucoup d'obligations à remplir. Aurez-vous besoin d'une pause plus longue cette année?
Pour l'instant, j'en doute. Je suis encore à un âge où l'on a la force de faire beaucoup. Où l'on enchaîne et récupère rapidement. Je ne pense pas que j'agirai très différemment cet été. En plus, il serait stupide d'opérer de grands changements. Si on veut se battre pour la victoire dans presque toutes les courses, on doit recommencer à s'entraîner pendant l'été.

On dit qu'il faut perdre de temps en temps pour réapprendre à gagner. Avez-vous l'impression d'avoir cette expérience lorsque vous avez terminé quatrième du Super-G puis remporté la descente trois jours plus tard?
Il faut faire attention à la signification du mot «perdre»... Une quatrième place à un Championnat du monde n'est pas une grosse défaite. Mais je vois ce que vous voulez dire. Alors bien sûr, j'ai perdu la finale de la Coupe du monde il y a deux ans à Lenzerheide, par exemple (réd: Odermatt a raté de peu le grand globe de cristal). Ou les Championnats du monde il y a deux ans à Cortina (réd: aucune médaille). Ou ce quasi-accident à Kitzbühel. Des choses comme ça font mal sur le moment, mais elles ne laissent certainement pas de trace.

En deux semaines à Courchevel, n'avez-vous jamais souffert de l'ambiance «camp de base»?
Non, pas du tout. Nous étions très bien ici par rapport à Cortina. A l'époque, il y avait le Covid, nous logions dans un petit hôtel trois étoiles où j'avais l'impression de manger les mêmes pâtes tous les jours et, oui, j'ai pu ressentir ce spleen du «camp de base». En plus, je n'ai pas été très bien. C'est comme ça que les journées deviennent longues. Ici à Courchevel, nous avions un hôtel cool et nos propres cuisiniers. Nous avons très bien mangé et de manière très variée. Et je retrouvais de temps en temps mes parents ou ma copine.

Et quel a été le clou culinaire de ces deux semaines?
Un filet le soir après ma victoire en géant.

La victoire de Marco Odermatt vue par les TV étrangères
Video: watson
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