Quand on ne connaît rien aux règles du football américain et qu'on ne veut pas rater une miette de l'événement suivi tout de même par près de 100 millions de personnes en direct, il faut s'organiser. J'ai donc passé un coup de fil au président de l'équipe des Bandits (prononcez "BAINEdits" à l'américaine).
Le club de football américain de Morges (VD) s'est enfermé pendant quatre heures dans un bar pour voir le match. Moi? Je me suis incrustrée, évidemment. Résultat, une nuit de folie entourée de 50 mecs baraqués. Je vous raconte?
Le rendez-vous est pris, ce sera au White Horse, pub morgien où l'équipe des Bandits prend régulièrement ses quartiers après les matchs. «C'est aussi l'un de nos sponsors », me glisse Régis Moret, président du club. Je peux débarquer dès 20h30 pour le repas, mais comme le match ne commence pas avant 00h30 (eh oui, horaire de Los Angeles) et peut durer jusqu'à 4h, inutile de se presser. Lorsque j'entre dans le pub à 23h45, les Bandits sont sagement attablés et regardent déjà les écrans ici et là. Encore 30 bonnes minutes avant le coup d'envoi et mes nouveaux amis semblent déjà plongés... dans les publicités. Je demande à mon voisin de table s'il a l'habitude de regarder les pubs avec autant d'attention.
Alors, oui, c'est une pluie de stars qui tombe dans ces spots qui tentent de rivaliser d'originalité. De Halle Berry à Tommy Lee Jones en passant par Salma Hayek campant une déesse grecque avec un petit cheval ailé (non, je n'ai rien bu, il s'agissait bel et bien d'un poulain avec des ailes). Bref, tout Hollywood défile sur l'écran à vitesse grand V. Sorte de grand huit de personnalités qui nous donnerait presque le tournis. Pire: les pubs semblent entrecoupées d'extraits de match.
Impatiente de déguster mon premier Super Bowl entourée d'experts, je demande à mon guide, Régis, s'il a une équipe préférée et il répond en s'adressant à ses joueurs.
Résultat des votes: moins d'une dizaine de supporters pour les deux équipes et la majorité botte en touche (oui, elle était facile) en ne prenant pas parti.
Pendant que je discute avec le président des Bandits, j'essaie tant bien que mal de suivre le match, mais je tombe (encore) sur une coupure pub. Décidément.
J'en oublierais presque que je suis entourée de dizaines de gars qui semblent analyser chaque passe de chaque quarterbacks. Dans le bar règne une atmosphère bon enfant qui défie tous les clichés sur les joueurs considérés parfois comme de véritables brutes sur le terrain. Régis Moret explique qu'il est difficile pour ce sport méconnu en Europe de s'éloigner de cette image négative qui lui colle à la peau.
La tactique, je veux bien, mais où est passée l'action? Les volées et les chocs que nous vendent les films à tout bout de champ. Il ne se passe pas grand-chose là. Dans le match, comme dans le pub.
A peine quelques minutes (et plusieurs coupures pub) après cette remarque, le premier touchdown est réalisé par les Rams de Los Angeles. Voilà enfin le match qui commence.
Après une première mi-temps dont les coupures publicitaires m'ont semblé interminables, arrive enfin le fameux Half-Time Show. Cette pause sponsorisée par une célèbre boisson gazeuse qui est le moment le plus attendu de cette finale. Cette année ce sont les légendes du rap US comme Eminem, Dr. Dre, 50 Cent, Mary J.Blige et Snoop Dogg qui ont mis le paquet pour épater la galerie. A voir l'enthousiasme que ça suscite dans mon bar d'une nuit, c'est bien le moment le plus intéressant de la soirée.
David, le grand gaillard au bonnet rouge qui hurle son amour à Snoop, m'explique qu'il attendait le show de la mi-temps avec impatience.
Chaque star est accueillie par des cris d'enthousiasme, à Los Angeles, mais aussi à Morges. Il est 2h30 du matin et l'ambiance vient enfin de décoller. La seconde mi-temps commence et, officiellement, Il ne reste pourtant plus que 30 minutes à jouer (enfin, en comptant les pubs et les arrêts de jeu, on en a eu pour deux heures). Los Angeles a de l'avance avec deux touchdowns à son actif, mais là, coup de théâtre, Cincinatti revient dans la partie. Je me demande si quelqu'un a appuyé sur le bouton «accélération», car le match prend une nouvelle dimension, à croire qu'Eminem a réveillé les deux équipes.
Régis et son équipe n'ont pas compté le nombre de gin-tonics et de bières avalé depuis le début de la soirée. Résultat, l'atmosphère se débride (un peu) à quelques minutes de la fin du match. «Officiellement je n'ai pas de favori, mais je prends souvent les outsiders et là je suis en train de perdre», me lance le président des Bandits, «j'aurais voulu que Cincinatti gagne ce soir». Juste derrière lui, Cyril, avec son maillot de Los Angeles a le sourire aux lèvres.
Se coucher, c'est aussi ma première pensée lorsque je vois ma montre qui indique 4h. Pourtant, je n'ai pas trouvé le temps long durant cette seconde mi-temps. L'effet Pepsi probablement. Il ne reste plus qu'une minute et 26 secondes lorsque les Rams (Los Angeles) marquent leur dernier touchdown, remportant ainsi le 56 Super Bowl et le deuxième de leur histoire. Je quitte les gars tout heureux de leur soirée et leur demande s'ils ont un message particulier à faire passer à nos lecteurs.