Les skieurs dévalent les pistes. Ceux qui préfèrent le fond ont toute une vallée à disposition. Noè Ponti, lui, reste à l'écart de toutes ces activités. Depuis des années. Le risque de blessure est trop élevé. Pourtant, c'est bien dans la station mondaine de Saint-Moritz que le médaillé de bronze du 100 mètres papillon aux Jeux olympiques de Tokyo s'est installé pour trois semaines, afin de se préparer.
Le nageur loge à l'hôtel Sonne, dans une chambre de 18 mètres carrés. Il dispose d'une petite salle de bain, d'un coin salon, d'une télévision et d'une vue magnifique. Le jeune homme de 22 ans mène là une vie modeste. Il n'y a que très peu d'objets personnels.
Lorsque nous lui demandons s'il y a quelque chose qu'il emporte toujours avec lui lors de ses déplacements autour du monde, Noè Ponti répond un brin taquin: «Mon maillot de bain». Il regarde des séries, bouquine de temps en temps. Il n'a pas besoin de beaucoup plus pour être heureux.
Ponti vit également de cette manière au Tessin, à Quartino sur la commune de Gambarogno. Il y est retourné après un court passage par les Etats-Unis. Là-bas, le Tessinois nageait pour la prestigieuse université de Caroline du Nord. C'était après les Jeux, mais il ne s'est jamais véritablement senti à l'aise outre-Atlantique.
Noè Ponti ne sera pas resté longtemps chez l'Oncle Sam. Avec du recul, voici ce qu'il dit: «Je n'ai pas eu le temps de digérer la médaille et le nouvel environnement. J'étais débordé, proche du burn-out». Il rentre finalement au Tessin, retrouve le lieu qui lui offre tout ce dont il a besoin: l'encadrement de son entraîneur Massimo Meloni, sa formation en physiothérapie, les amis et la famille. A Quartino, Ponti vit chez ses parents. Il ne lui faut que cinq minutes pour se rendre à l'entraînement.
Aux USA comme au Tessin, le jeune homme a dû s'habituer à la célébrité que sa médaille olympique a suscitée.
Lorsque Noè Ponti s'entraîne ces jours-ci à Saint-Moritz, il ne passe pas inaperçu. Mais au moins, il n'est pas inquiété lorsqu'il s'arrête dans le village pour prendre un café. Sa vie en Engadine est rigoriste: deux heures dans le bassin le matin, puis une heure à la salle de musculation, et deux heures supplémentaires à nager durant l'après-midi. Il lui arrive de parcourir jusqu'à 60 kilomètres par semaine.
Peu de sports sollicitent autant le corps. Même le cyclisme ou la course de fond ne peuvent rivaliser avec la natation. La raison? La pression de l'eau crée une résistance bien plus importante que celle de l'air. De ce fait, l'ensemble du corps est sollicité. Tous les muscles travaillent, et ce, en permanence. Les nageurs sont des chaudières qui brûlent des calories. Ponti veille à son alimentation. La diététicienne ne lui aurait donné qu'un seul conseil: «Il faut surtout qu'il y en ait en grandes quantités».
A la maison, au Tessin, c'est sa mère qui cuisine. A Saint-Moritz, l'hôtel Sonne s'en charge. Des flocons d'avoine, du pain et un café le matin. Une salade, des pâtes, de la viande et des fruits à midi. Une soupe, une salade, des pâtes ou du riz, des protéines et un dessert le soir. Le rab est autorisé, encouragé. Après ses entraînements, Ponti consomme des shakes de récupération. Il est également important de dormir «au moins huit heures» par nuit.
Même en ce moment, alors qu'ont lieu les Championnats du monde à Doha et que Ponti a décidé de rester à Saint-Moritz, son quotidien est rythmé par le triptyque: entraînement, alimentation, sommeil. Le Tessinois sacrifie ses chances de médailles aux Mondiaux pour préparer un seul et unique objectif: les Jeux olympiques de Paris, du 26 juillet au 11 août 2024.
Ponti n'a plus besoin de se qualifier pour les JO. Et lors des Championnats d'Europe en petit bassin à Otopeni, en décembre dernier en Roumanie, il a pu accumuler suffisamment de confiance en lui, en remportant trois médailles d'or et une breloque en argent.
Le Tessinois s'entraîne et ne participera donc cette année qu'à quelques compétitions particulièrement bien choisies. Voici ce qu'il dit: «Au Tessin aussi, tout tourne autour de l'entraînement. Mais à Saint-Moritz, il n'y a pas de distraction, pas d'excuse». Il profite aussi des effets positifs de l'altitude, Saint-Moritz se trouvant à 1800 mètres au-dessus du niveau de la mer.
Mi-janvier, Noè Ponti a passé plusieurs examens. Il a perdu deux kilos à cause du stress et met désormais en stand-by sa formation de physiothérapeute. Sa vie ne tourne plus qu'autour de la natation. Mi-février, il participera à un camp d'entraînement de dix jours à Lanzarote. Il ne reprendra la compétition qu'au début du mois de mars.
Le fait que l'accent soit mis à ce point sur les Jeux olympiques s'explique aussi par le fait que la médiatisation des nageurs se fait principalement lors de cet événement. «Après Tokyo, nous avons envoyé 200 lettres à de potentiels sponsors dans l'espoir que quelqu'un mordrait à l'hameçon», raconte Noè Ponti. Avec un certain succès au niveau régional, tout de même. Si son nom est connu au Tessin (et en Suisse romande), ce n'est généralement pas le cas côté alémanique. Même pour un médaillé comme lui, les sponsors ne font pas la queue.
Jusqu'en octobre dernier, la famille Ponti s'occupait de tout ce qui se passait en dehors du bassin. Désormais, l'agence Abrogans, qui travaille également avec le skieur Marco Odermatt, est aux manettes. Afin que le nageur puisse se concentrer pleinement sur le sport et ses performances dans le bassin.
La décision de collaborer avec une agence s'explique peut-être par cette prise de conscience. Parfois, moins on en fait, mieux c'est. Pendant longtemps, Ponti n'a fait que progresser. Puis sont arrivés les Championnats du monde de 2023 à Fukuoka. Ses principaux adversaires, le Hongrois Kristof Milak et l'Américain Caeleb Dressel, étaient absents. Le Suisse s'est rendu au Japon en tant que favori des épreuves de papillon. Et a déçu, avec une septième place sur le 100 mètres comme meilleur résultat.
Ponti dit qu'il était en forme, mais épuisé mentalement. Il n'était plus passé par le Tessin pendant de longs mois, enchaînant les camps d'entraînement et les compétitions. La récupération a également été négligée. Et cela ne doit plus se produire. Avant les Jeux de Paris, Ponti passera ses cinq dernières semaines au Tessin.
En attendant, dans sa petite chambre d'hôtel à Saint-Moritz, il rêve de son futur et d'une médaille olympique.
Adaptation en français: Romuald Cachod.