Il l'a prise en embuscade, a frappé sa jambe droite avec une barre de fer et l'a abandonnée, hurlant de douleur. Le 6 janvier 1994, Shane Stant déclenche l'un des plus grands scandales de l'histoire du sport en blessant grièvement la patineuse artistique américaine Nancy Kerrigan.
30 ans après les faits, l'ex-délinquant a détaillé dimanche dans une interview au média allemand Bild am Sonntag l'agression qu'il a commise:
La jeune athlète, alors âgée de 24 ans, s'entraînait ce jour-là à Détroit pour les championnats américains de patinage artistique. L'enjeu de ceux-ci: déterminer les deux patineuses qui représenteraient les Etats-Unis aux Jeux olympiques d'hiver six semaines plus tard à Lillehammer. Kerrigan était en concurrence avec Tonya Harding. Mais le duel sur la glace n'aura jamais lieu.
La faute à l'acte odieux de Shane Stant. Juste après son entraînement, Nancy Kerrigan quitte la glace et disparaît dans les catacombes de la patinoire, direction les vestiaires. Stant l'a suit et la frappe. Un coup suffit. «Elle est tombée au sol. Je n'ai pas regardé derrière moi, mais je pouvais l'entendre crier», se rappelle le bourreau. Il s'enfuit sans être reconnu.
Mais huit jours plus tard, le jeune homme se rend au FBI. Il raconte avoir été engagé par Jeff Gillooly, mari de la grande rivale de Nancy Kerrigan, Tonya Harding, et son ami Shawn Eckardt.
Mais les choses ne se passent donc pas comme prévu pour le clan Harding. Le genou martyrisé de Kerrigan guérit en un temps record et, bien qu'elle ne se qualifie pas sur la glace, la jeune patineuse reçoit une invitation de la fédération américaine pour participer aux JO. Tonya Harding y prend également part, mais sans succès: la native de Portland casse le lacet de son patin à l'échauffement et ne termine que 8e du programme libre. Le karma, diront certains. Nancy Kerrigan, elle, réussit l'exploit de décrocher la médaille d'argent. En 2018, cette incroyable histoire a été adaptée au cinéma avec le biopic Moi, Tonya.
Jamais les commanditaires de l'agression n'avaient imaginé une guérison si rapide de leur victime. Shane Stant révèle dans l'interview publiée dimanche que le clan Harding avait planifié une attaque encore plus horrible:
Mais l'ancien délinquant, baignant dans la criminalité pour gagner ses sous, était lui-même d'avis «que ce n'était pas nécessaire. Si c'est juste pour qu'elle ne puisse pas concourir, il n'est pas essentiel de lui trancher le pied».
Stant ne s'attendait pas à ce que son attentat entre un jour dans l'Histoire.
Juste après avoir frappé Nancy Kerrigan, il fuit avec l'aide de son oncle, qui l'attendait en voiture devant la Cobo Arena de Détroit.
D'après Shane Stant, Eckardt avait balancé que «quelque chose d'important allait se produire sous peu. Qu'il y aurait un attentat contre une athlète de classe mondiale. Comme les autres ne le croyaient pas et se moquaient de lui, il en a rajouté».
Le tournant pour Stant? La diffusion d'images télévisées dans lesquelles on voit également son oncle. Traqué, dos au mur, l'agresseur ne peut que se rendre à la police. Il est condamné à 15 mois de prison ferme et 36 avec sursis, avec obligation d'être à la maison chaque soir à 20h00. Il n'a jamais rencontré Tonya Harding en personne.
Cette dernière a rejeté toutes les accusations portées contre elle. La patineuse jurait ne se douter de rien et être aussi choquée que tout le monde. Ce n'est que 24 ans plus tard que la «sorcière de la glace», comme elle a parfois été surnommée, a admis ne pas être si innocente que cela: elle aurait entendu une conversation entre son mari et le futur agresseur avant les événements et aurait deviné de quoi il s'agissait. Mais en 1994, rien n'a pu être prouvé.
Aujourd'hui âgée de 53 ans, Tonya Harding a été condamnée après les JO de Lillehammer à trois ans de prison avec sursis et à 500 heures de travaux d'intérêt général pour faux témoignage.
A cela s'ajoutent des amendes et son exclusion à vie de la Fédération américaine de patinage. Son image publique a également été ternie. L'ex-star du patinage racontait un jour:
Depuis, Tonya Harding s'est remariée (elle porte désormais le nom de famille Price), a eu un enfant et avait même entamé une brève carrière de boxeuse. Marquée à vie par l'affaire de 1994, ce sont ses démons qu'elle doit toujours combattre.
Adaptation en français: Yoann Graber