Lara Colturi empile les excellents résultats et brille à seulement 17 ans. Mardi soir, dans la nuit autrichienne, elle réussit même une petite prouesse en remportant la deuxième manche du slalom de Flachau, en Autriche. La jeune Italienne naturalisée Albanaise s'est aussi illustrée lors du slalom de Kranjska Gora (13e) et de Jasna (13e). Mieux, en slalom géant et slalom, elle s'élance dans les 30 meilleures mondiales.
L'Italie a perdu une pépite et l'Albanie en a gagné une. Elle est une superbe opportunité pour faire flotter l'aigle bicéphale dans le monde du ski alpin. Sauf que les différents médias albanais semblent s'en détourner et les exploits de la fille de l'ancienne skieuse Daniela Ceccarelli sont relégués en second plan.
«Si, ça intéresse et les médias sportifs en parlent», renseigne Nefail Maliqi, rédacteur en chef du média albano-suisse Le Canton27.ch. Le journaliste assure qu'«elle rend fière la nation».
A la question de savoir si la jeunesse albanaise s'identifie à une athlète de la trempe de Colturi, Vjosa Gervalla, directrice de l'association Albinfo.ch, apporte un discours plus nuancé: «L'émergence de Lara Colturi est un phénomène étonnant, nous avons plutôt l’habitude de voir des Albanais jouer sous d’autres drapeaux».
Les médias n'en parlent pas, car le ski demeure un sport réservé à une frange de la population aisée. Surtout, le pays ne s'identifie pas encore à la jeune athlète pour diverses raisons: «Si Lara Colturi était un homme et qu'elle pratiquait le football, les Albanais se seraient plus facilement identifiés», analyse Vjosa Gervalla.
Le problème est-il lié à son absence de racines albanaises? «Je ne crois pas, bien au contraire, ses racines italiennes rapprochent l’Albanie de l’Europe. Le problème réside principalement dans le fait que le ski demeure un sport mineur pour l'instant, suscitant l'admiration mais pas l'identification», complète la directrice de l'association.
Lara Colturi fait partie d'un projet de sport d'hiver pour l'Albanie, un pays qui lui a offert un passeport pour doper les sports d'hiver et attirer la diaspora albanaise qui se rend en Suisse ou dans d'autres pays européens pour skier. Vjosa Gervalla analyse la situation:
Vjosa Gervalla ajoute qu'en Albanie, «le pays prend doucement conscience du potentiel touristique lié au développement de ce sport».
Si la presse albanaise ne s'est pas encore emparée du phénomène en devenir, le maire de Tirana, Erion Veliaj, diffuse des vidéos de la jeune athlète et s'affiche même à ses côtés.
«Les Albanais découvrent progressivement le ski en tant que sport et non simplement comme un passe-temps, le succès de Colturi pourrait accélérer le développement touristique de ce secteur», se réjouit Vjosa Gervalla. Un pays qui peut, dans les prochaines années, se munir d'un réservoir à champions. Les magnifiques régions (à l'état sauvage), les montagnes (qui recouvrent près de 70% du pays et des sommets culminant à 2700 m), les stations de ski, comme par exemple celle de Brezovica, contribuent à l'essor timide des sports d'hiver, certes, mais en pleine expansion – les activités estivales ont plus la cote, comme la randonnée.
La directrice de l'association d'Albinfo apporte aussi un autre élément à l'évolution du ski en Albanie. Elle assure que «Lara Gut-Behrami contribue à populariser le ski: elle est exceptionnelle, réussit brillamment et est mariée à l'ancien footballeur Valon Behrami (d'origine albanaise)».
Selon Vjosa Gervalla, les médias albanais vont s'emparer du phénomène Colturi le jour où elle claquera une victoire de prestige. «Dans la culture albanophone, l'accueil et la reconnaissance sont prépondérants. Si cette jeune femme brille sous la bannière albanaise, elle pourrait devenir une icône.»
Pour l'Italo-albanaise, il s'agit de gravir les échelons et la gloire toquera à sa porte. Et Vjosa Gervalla d'expliquer que le pays est en train de découvrir (ou d'apprivoiser) le ski alpin: «Nous sommes en train d'apprendre à vivre cette expérience par nous-mêmes, en découvrant les joies de la glisse».