Daniel Yule a réussi un truc de fou, dimanche à Chamonix, remportant le slalom haut-savoyard après s'être élancé en 30e position lors de la seconde manche. Un authentique exploit, que le Valaisan doit à ses qualités physiques et mentales, mais aussi au choix de recouvrir ses chaussures de neige.
Ce n'est pas la première fois que l'on aperçoit un skieur ou une skieuse se comporter de la sorte avant le départ d'une seconde manche en slalom, géant ou combiné. Pourquoi une telle pratique? Quels bénéfices en tirent les athlètes? Nous avons posé la question à Didier Plaschy, ancien slalomeur de Coupe du monde, aujourd’hui consultant pour la SRF.
Il nous a expliqué que le fait d'enfouir ses chaussures sous la neige permettait de refroidir la coque. C'est d'ailleurs quand les températures extérieures sont les plus élevées que les athlètes ont recours à ce stratagème. On l'observe ainsi particulièrement lorsque les départs sont donnés à moyenne altitude et/ou en début d'après-midi, au moment le plus chaud de la journée.
Refroidir ses chaussures est très important pour un skieur. Plus ses coques seront rigides et plus il pourra mettre de force en course et obtenir de meilleures sensations. C'est pour avoir ses chaussures au plus près de ses pieds/chevilles qu'un skieur comme Henrik Kristoffersen les serre au maximum.
«Il est l'un des rares athlètes possédant des chaussures injectées (réd: dont l'intérieur est moulé selon la morphologie du skieur), renseigne Plaschy. Kristoffersen a besoin de ressentir une connexion directe entre le cerveau et les skis. A l'inverse, certains descendeurs ont besoin d'un peu plus d'espace dans leurs chaussures pour bien glisser sur les portions de plat. Or, si elles sont trop serrées, donc trop directes, elles ne permettent pas de laisser flotter les skis.»
Henrik Kristoffersen comprime tellement ses coques qu'il desserre ses boucles sitôt après avoir franchi la ligne.
Les chaussures sombres des skieurs sont évidemment plus sensibles aux effets de la chaleur. «Les coques foncées absorbent beaucoup de lumière. Le plastique chauffe davantage et il est alors nécessaire d'enfouir ses chaussures dans la neige», relève Didier Plaschy, qui attribue aussi cette technique à une forme de mimétisme, voire de superstition.
Ramon Zenhäusern, lui, a de bonnes raisons de le faire. Plaschy: «Ramon doit changer le collier de sa chaussure chaque trois semaines.»
«Il skie en effet si serré que la carre de son ski intérieur vient frotter contre la partie haute de sa chaussure. Le plastique s'effrite et la coque devient moins rigide, si bien qu'il devient nécessaire pour lui de la refroidir avec de la neige.»
Le collier s'enlève très facilement. «C'est quatre vis: deux sur les côtés et deux derrières», dit Plaschy.
La partie basse de la coque, elle, ne change jamais. Elle doit donc garder le même flex (il s'agit de l'indice de rigidité de la chaussure). «On est à 150, même 170, nous apprend l'ancien slalomeur valaisan. Plus un athlète peut skier avec un flex élevé et moins il perdra d'énergie. Marco Odermatt, par exemple, possède des Salomon carbone tellement durs qu'il est le seul à pouvoir les utiliser.»
Il n'est pas étonnant dès lors que ses adversaires ne soient pas capables de laisser la même empreinte que le Nidwaldien en compétition.
Cet article a été adapté d'une première version publiée sur notre site en février 2023.