Pendant que Marco Odermatt écrase le géant d'Adelboden, d'autres skieurs bataillent dans l'ombre pour se faire une place dans la moisson infernale du Nidwaldien. C'est le cas de Stefan Luitz (31 ans), dont certains lui ont même accolé la réputation du «skieur le plus malheureux du monde». L'Allemand, peut-être l'un des géantistes les plus doués de sa génération, a collectionné les coups du sort et les pépins. L'ardoise est salée.
On se remémore cette mésaventure aux Jeux olympiques de 2014, à Sotchi, quand son ski droite dévie légèrement et il enfourche la dernière porte du tracé. L'Allemand, disqualifié, pointait alors au deuxième rang de ce premier run.
La malchance lui a alors collé aux spatules. Il s'est retrouvé au centre d'une affaire rocambolesque après sa première victoire en Coupe du monde, à Beaver Creek, le 2 décembre 2018. Un succès qui lui a été retiré après l'usage d'un masque à oxygène entre les deux manches. Une utilisation interdite par la FIS. Mais comme dit le dicton: rendre à César ce qui est à César; le TAS a tranché et lui a rendu sa victoire en mars 2019.
Outre cette affaire qui lui a causé des tourments, l'Allemand a aussi aligné de nombreuses blessures, se déchirant par deux fois le ligament croisé. Sa carrière est truffée de trous, malgré une victoire et sept podiums au plus haut niveau. Luitz aurait sans doute fait mieux sans ses pépins qui l'ont souvent mis de côté. Comme cette saison de 2018, où il appartenait aux meilleurs géantistes mondiaux avant que son ligament croisé ne cède, entraînant son forfait pour les Jeux de PyeongChang.
En octobre 2023, il accordait un entretien à la Kronen Zeitung et avouait connaître de gros soucis avec son ski.
L'ancien leader de la Mannschaft avait perdu «la sensation d'un virage rapide»; il avait surtout perdu de son instinct sur les lattes.
Luitz a dégringolé dans la hiérarchie mondiale et démarrait ses manches avec de gros dossards. Lors de la récente préparation estivale, comme il ne remplissait plus les critères de l'équipe d'Allemagne, il a été écarté et perdait les avantages financiers liés à son statut de membre de l'équipe nationale - même s'il avait la possibilité de poursuivre la collaboration avec la fédération (DSV).
La nouvelle saison 2023/2024 ne se présentait pas sous les meilleurs auspices. En délicatesse et en recherche d'un nouveau souffle, il s'est alors tourné vers la cellule privée Global Racing Team, dans laquelle se trouve le Suisse Daniele Sette. Dans la foulée, il change de marque de ski et passe de Head, «un matériel qui ne lui convenait pas vraiment», à Völkl.
Place au renouveau; une dernière chance alors qu'il avait longuement songé à raccrocher.
Un nouvel élan qui sera interrompu par la poisse, une nouvelle fois. Mi-octobre, le skieur s'est fracturé la cheville droite et subi une déchirure de la syndesmose lors d'un entraînement à la mi-octobre. A nouveau freiné, Luitz ne désespère pas et cravache dans l'ombre pour retrouver sa place dans le cabanon de départ.
A Noël, sur son compte Instagram, il annonce que sa guérison a été (très) rapide: «Je me suis offert un cadeau de Noël». Pour preuve, le 4 janvier, la DSV divulgue la liste des coureurs qui allaient défendre les couleurs de l'Allemagne dans le brouillard bernois. Stefan Luitz y figurait.
Et samedi 6 janvier, jour de course, l'Allemand lance sa saison. Avec l'avant-dernier dossard, le numéro 70, il fait trembler Fredrik Moeller, le 30e et dernier qualifié de la première manche. Pour 4 centièmes, Luitz n'a pas réussi à s'inviter en manche finale. Le come-back a failli être parfait, mais la suite semble sur de bons rails.