Passer de la descente et du super-G au slalom géant, l'équation paraît simple, mais elle demande une foule de réajustements. Demandez à Justin Murisier, qui s'est montré à son affaire sur la Saslong de Val Gardena, alors que le lendemain, il a perdu le fil de son ski dans la Mecque du géant, une piste (la Gran Risa d'Alta Badia) qui pourtant sied à ses qualités. Il n'est pas aisé de trouver la bonne carburation tout de suite et l'adaptation demande un peu de temps pour appréhender le changement de matériel.
Un changement de longueur de skis, des rayons différents et une charge physique plus forte dans une course sont une addition de détails pour briller sur le Lauberhorn, à Wengen, ou la mythique Streif de Kitzbühel.
Pourtant, derrière cette première liste, il y a d'autres spécificités: une répartition des forces différente, l'angle en vitesse est par ailleurs moins marqué qu'en slalom géant, plus doux aussi (il y a un peu plus de poids sur le ski intérieur qu'en technique) et plus long, avant que le skieur ne remette le ski à plat pour glisser plus vite.
Du super-G à la descente, la vitesse est une science. «Il est surtout question d'adaptation dans l'engagement du virage», renseigne Julien Vuignier, entraîneur des slalomeurs suisses et coach personnel de Loïc Meillard. «Quand tu enclenches un virage de géant, la distance est de 25 à 28 mètres. En super-G, c’est 55 à 70 mètres. Il y a une notion de proportion d'équilibre entre vitesse et longueur.»
Les différences peuvent paraître infimes pour le public, mais cette longueur se traduit aussi par une vitesse plus conséquente. «En géant, c'est 60 à 90 km/h, contre 90 à 130 km/h en super-G», cadre le coach Swiss Ski.
Dans la discipline reine, la descente, les vitesses peuvent atteindre 160 km/h. Les virages deviennent aussi plus longs, le feeling est différent, avec ces longues courbes allongées, qui demandent beaucoup de patience.
Le super-G demande plus d'instinct que la descente. C'est une épreuve délicate, où les vitesses sont affolantes et les athlètes n'ont pas droit à une manche d'entraînement. Il faut tout de suite être dans le rythme et affronter des parcours exigeants.
Et la transition demeure délicate pour les géantistes. Ils sont à la peine sur des parcours typés pour les descendeurs (Kvitfjell ou encore Val Gardena) et sont plus à leur avantage sur des manches plus empilées (Bormio, Beaver Creek). «Loïc affectionne Bormio et Beaver Creek», nous souffle son coach.
Il enchaîne:
Le changement de discipline passe même par une vision différente: «En super-G, tu ne regardes pas deux portes devant toi», rappelle Julien Vuignier. A contrario, en géant, le regard doit se porter le plus loin possible.
L'écart entre les pieds est aussi un facteur invisible et à prendre en considération. Michelle Gisin nous expliquait qu'elle cherchait à trouver rapidement «la balance» et modifier «sa largeur de pieds» entre les disciplines techniques et de vitesse.
Si en slalom l'écart entre les pieds est de plus en plus serré pour gommer les centimètres qui séparent le pied intérieur de la base du piquet, en vitesse, des changements interviennent aussi pour mieux équilibrer le bassin - les pieds se positionnent automatiquement comme le bassin est placé, clarifie Julien Vuignier.
Des subtilités qui se trouvent aussi au déclenchement: en vitesse, les skis doivent être plaqués et en slalom géant, il y a quelques modifications. Par exemple, Marco Odermatt a remis une méthode «vintage» au goût du jour. «On revient presque à la Alberto Tomba, rigole Julien Vuignier, mais le transfert de force est plus rapide en levant le ski intérieur.»
«C’est pour basculer le plus vite possible sur le ski extérieur à la sortie de la porte. C’est une aide pour repartir sur le futur ski extérieur», nous éclaire l'entraîneur de Swiss Ski. Pour cela, qu'importe la discipline, l'athlète doit ressortir le plus vite possible des portes, avec puissance, pour emmagasiner de la vitesse et enchaîner sur le prochain virage. Si l'athlète se fait descendre dans une courbe, il sera en retard sur la ligne adéquate et continuera à travailler sous la porte - il perdra automatiquement de la vitesse et de précieux centièmes.
Même refrain pour le matériel, où les détails font la différence. «Loïc skie par exemple une chaussure plus molle en vitesse. Les réglages sont moins agressifs», glisse Julien Vuignier. Le skieur valaisan, en chaussant une chaussure avec un plastique plus mou, cherche «un meilleur levier de travail» pour ses manches en super-G.
Des petits réglages et une multitude de spécificités qui rappellent la sagesse du maître italien Léonard de Vinci: «Les détails font la perfection et la perfection n'est pas un détail.»