Les premiers coups de carre ont été donnés mercredi sur le tracé de la Gran Becca, à l'occasion du premier entraînement des descentes masculines de Zermatt prévues ce week-end. C'est un skieur autrichien (Otmar Striedinger) qui a imposé sa loi et réussi le meilleur temps de la première séance, ce qui n'a pas empêché son camp de se plaindre et de souligner les avantages dont aurait bénéficié l'équipe de Suisse en amont de l'évènement.
Marko Pfeifer, entraîneur principal de la Fédération autrichienne de ski (ÖSV), a déclaré dans les colonnes de la Kronen Zeitung:
Concrètement, les Autrichiens suspectent leurs voisins d'avoir pu bénéficier de séances d'entraînement sur la piste zermattoise bien avant la journée officielle de mercredi. Pfeifer en est tellement convaincu qu'il prédit même que les Helvètes se battront entre eux pour les places sur le podium ce week-end. Sauf que ses accusations sont inexactes: les Suisses n'ont pas pu s'entraîner sur la piste entière, sachant que les conditions n'étaient pas réunies pour la parcourir entièrement.
Cette petite pique rappelle une vieille rhétorique propre aux Autrichiens. Ils avaient aussi souligné, lors des Mondiaux de Saint-Moritz (ils n'étaient pas les seuls, cette fois-ci), l'avantage dont avait bénéficié l'équipe de Suisse, qui s'était entraînée sur la piste de course avant tout le monde.
Or, il est bon de rappeler que le favoritisme est de coutume dans le ski alpin. Il se vérifie déjà lors des entraînements estivaux: Swiss-Ski a ainsi la priorité sur «ses» pistes d'entraînement sur les glaciers de Zermatt et Saas-Fee.
Marko Pfeifer, peut-être, a-t-il oublié que l'un de ses protégés avait bénéficié d'un passe-droit lors des épreuves bernoises de Wengen en 2021? Vincent Kriechmayr avait profité d'un départ spécial (ou fictif) organisé par la Fédération internationale de ski (FIS) pour pouvoir s'aligner sur la course.
Le règlement stipule qu'un coureur doit impérativement prendre part à un entraînement pour concourir. Grâce à cette petite pirouette validée par la fédé, Kriechmayr est venu damer le pion à Beat Feuz sur ses terres. Pas rancunier pour un sou et surtout très beau joueur, Feuz avait souligné la grande performance de son rival.
Ces complaintes des dirigeants autrichiens rappellent et ravivent cette vieille rivalité helvético-autrichienne, si ancrée dans le milieu du ski alpin. On se remémore, par exemple, les grognements de Didier Cuche, dans le film Le Doute de Serge-Alain Simasotchi, quand il apprend que la piste est rendue plus tard que prévu par les Benjamin Raich et consorts - quelques noms d'oiseaux sont par ailleurs ruminés par le Neuchâtelois.
On se souvient aussi, si nous remontons le temps, l'épisode du 12 février 1968, lors du slalom géant des Jeux olympiques de Grenoble. L'Ormonan Willy Favre remporte la médaille d'argent, se classant juste derrière la légende Jean-Claude Killy, mais devant l'Autrichien Heinrich Messner. Remontés comme des coucous, les Autrichiens déposent protêt et accusent le champion des Ormonts d'avoir raté une porte. Mauvaise foi? Mauvais perdants? Le Vaudois assure dans l'aire d'arrivée avoir passé à 100% toutes les portes. Sa parole est entendue et le titre de vice champion olympique est validé par les commissaires.
La récente pique (mineure) des cadres autrichiens cette semaine en Valais vient nourrir cet antagonisme, ce folklore du ski alpin qui mêle rivalité légendaire et favoritisme. La puissante «Wunderteam», avec le caractère qu'on lui connaît, est toujours prompt à la critique, surtout quand le voisin suisse apparaît avantagé. La Gran Becca fera office de juge de paix ce week-end.