Crier pendant le service d'un joueur? Autorisé. Bénéficier d'un deuxième service? Fini. Quoi d'autre? Des micros sur les tennismen. Ce sont des règles qui ont déjà cours dans l'Ultimate Tennis Showdown (UTS), une invention du coach culte Patrick Mouratoglou qui pourrait révolutionner le tennis dans son ensemble.
Inventée pendant la pandémie de coronavirus, cette série de tournois vivra au total quatre événements en 2023, à Los Angeles, Francfort, Séoul et Londres. Deux d'entre eux ont déjà eu lieu. Yibing Wu (ATP 115) et Andrey Rublev (ATP 5) sont les vainqueurs de ces éditions très bien dotées, qui distribuent chacune 1,6 million de dollars de prize money. C'est à peine moins que ce que versent les événements ATP 500 comme les Swiss Indoors de Bâle.
Mouratoglou vante son concept ainsi:
Du coup, les règles de l'UTS – qui veut donc rendre le tennis moins rébarbatif pour le public – sont adaptées en fonction.
Voici ce que ça donne. Les matchs se jouent en quatre manches de huit minutes, avec un maximum de 15 secondes de pause entre les échanges. Le score final est celui à la fin du compte à rebours des huit minutes. Le joueur qui remporte trois quarts gagne. A 2-2, il y a une mort subite: celui qui inscrit deux points consécutifs en premier l'emporte.
Vous suivez jusque-là? Pour créer une tension supplémentaire, les joueurs et les entraîneurs sont équipés de micros et ne peuvent communiquer qu'en anglais. Entre les quarts, il y a des interviews au cours desquelles les tennismen ont l'occasion de se lancer des petites piques. A une condition: ils ne doivent s'appeler que par leur surnom défini avant le tournoi. Sinon, ils perdent des points. Des exemples: Daniil Medvedev se renomme «The Chessmaster», Alexander Bublik devient «The Bublik Enemy» ou Casper Ruud «The Ice Man».
Et à l'UTS, il est expressément permis de déranger les joueurs pendant les échanges. Du coup, le public n'est pas obligé de rester immobile et silencieux, comme c'est le cas dans le tennis traditionnel. Il peut crier, se déplacer et prendre des photos avec flash à tout moment. Il arrive même que le DJ du stade diffuse de la musique dans les haut-parleurs pendant les échanges.
Et comme si tout ça ne suffisait pas, chaque tennisman dispose d'une carte bonus par manche qu'il peut sortir. Son utilité? Le point suivant compte triple. Mais seulement s'il revient au joueur qui a joué son joker.
Ce nouveau format est bien accueilli par les joueurs qui ont participé aux événements UTS. Interrogé sur le sujet cette semaine à Bâle, Casper Ruud a par exemple déclaré:
Ruud trouve surtout judicieux que les joueurs n'aient plus qu'un seul service. «Si je devais changer immédiatement une règle sur le circuit ATP, ce serait celle-ci. Pourquoi avoir un deuxième service? On n'a pas non plus de deuxième coup droit», tranche le Norvégien.
Les fans semblent également apprécier les règles proposées par l'UTS. A Francfort, mi-septembre, 12'500 spectateurs se sont rendus dans la halle pendant les trois jours du tournoi.
Par événement UTS, huit joueurs se disputent le titre sur trois jours. Comme pour le Masters ATP de fin d'année, il y a deux groupes de quatre puis des demi-finales et une finale. La semaine avant Noël, la grande finale de la saison se déroulera à Londres, où les trois vainqueurs, les trois premiers du classement UTS et deux invités sur wild-cards s'affronteront pour le sacre ultime.
L'ATP a elle aussi déjà réfléchi à la manière de rendre plus attrayant (et donc plus durable) le tennis, un sport souvent long et fastidieux, où la balle n'est en jeu que pendant 20% de la durée du match. Lors des finales «Next Gen», les sets ne se jouent déjà plus qu'en quatre jeux et il y a systématiquement un point décisif en cas d'égalité à 40-40. De quoi raccourcir les rencontres.
Mais vous l'aurez compris, l'UTS va beaucoup plus loin dans les changements. En 2024, un événement féminin devrait également voir le jour. Difficile de prédire si ce nouveau format prendra un jour le dessus sur le tennis traditionnel. Mais la rapidité avec laquelle l'UTS est devenu un événement majeur montre que l'ATP et la WTA devraient également se poser des questions.
Adaptation en français: Yoann Graber