Des triomphes, des larmes, mais aussi de la douleur, de l'impuissance et du désespoir. Voilà de quoi est faite la série Netflix Break Point, dont les cinq premiers épisodes (sur dix) sont disponibles depuis vendredi.
Roger Federer et Serena Williams ont quitté la grande scène l'année dernière, Rafael Nadal et Novak Djokovic devraient eux aussi connaître ce jour dans un avenir pas si lointain. Le tennis est arrivé à la fin d'un âge d'or et a soif de nouveaux héros.
Ce sport veut s'adresser à un nouveau public cible plus jeune. Et aucun partenaire n'est plus approprié pour ça que Netflix: le service de streaming compte 223 millions d'abonnés payants dans plus de 190 pays. La production de Break Point a été confiée aux créateurs de la série F1: Drive to Survive, qui a permis à la catégorie reine du sport automobile de gagner en popularité.
Lors du Grand Prix des Etats-Unis au Texas, le nombre de spectateurs a augmenté de 40 %. Comme l'a montré une évaluation, 73 millions de fans supplémentaires ont pu être gagnés. Près de 80 % de ces nouveaux adeptes ont entre 16 et 35 ans. La Formule 1 a ainsi non seulement réussi à abaisser de quatre ans l'âge moyen des spectateurs, mais aussi à se développer fortement sur les réseaux sociaux.
L'accent mis sur l'avenir et un public jeune a un prix: Novak Djokovic, Rafael Nadal, Serena Williams et Roger Federer, qui sont pourtant les quatre figures les plus marquantes du tennis de ce siècle, ne jouent aucun rôle actif dans Break Point. Même l'expulsion de Novak Djokovic d'Australie il y a un an, parce qu'il n'était pas vacciné contre le Covid-19, n'est qu'anecdotique.
Mais l'absence de place pour le Serbe dans Break Point est aussi due à une autre raison: Djokovic a son propre projet de documentaire. Il devrait sortir cet été. La situation est similaire pour Roger Federer. Comme on le sait, il n'est revenu que pour la Laver Cup en septembre et pour un dernier double avec Rafael Nadal. Netflix n'a pas encore acquis les droits pour raconter ce moment. Et Federer a fait documenter ses dernières semaines en tant que joueur pro par une équipe de tournage.
Et quid de Rafael Nadal et Serena Williams? Ils n'ont même pas été pris sous contrat. Les cinq premiers épisodes sont centrés sur ceux qui doivent suivre leurs traces: Nick Kyrgios, Maria Sakkari, Ons Jabeur, Matteo Berrettini, Paula Badosa et Félix Auger-Aliassime. Break Point mélange scènes de jeu, interviews, images d'enfance et aperçus des coulisses. Les petites copines, les grands-parents et les parents des joueurs y jouent également un rôle.
Ce n'est pas un hasard si le premier épisode est focalisé sur Nick Kyrgios. L'Australien est le «bad boy» du circuit. Il était prédestiné à être le premier personnage de cette série: il insulte les adversaires, les arbitres et les spectateurs, il casse des raquettes, a un comportement de morveux. Andy Roddick qualifie Kyrgios de joueur de tennis à temps partiel, mais avoue qu'il aurait aimé avoir autant de talent que l'Australien. Roddick a été numéro 1 mondial et a remporté un tournoi du Grand Chelem en simple (US Open 2003), ce qui n'est pas le cas de Kyrgios.
Break Point ne montre toutefois pas Nick Kyrgios et les autres protagonistes uniquement comme des gladiateurs sur le court, mais aussi comme des personnes avec des doutes, des peurs et des abîmes. Kyrgios raconte à quel point il était dépassé par le buzz autour de sa personne après avoir battu Rafael Nadal à Wimbledon en 2014, alors qu'il n'avait que 17 ans:
Depuis, il a trouvé sa propre façon de gérer les attentes, d'être «The Next Big Thing», comme il dit.
Les exemples de Paula Badosa ou de Maria Sakkari montrent aussi à quel point la vie de star du tennis peut être solitaire, austère et épuisante. La Grecque avoue:
A plusieurs reprises, elle voulait arrêter le tennis pour se soustraire à la pression. C'est seulement grâce à quelques jours de vacances sur une île grecque qu'elle a à nouveau succombé aux chants des sirènes du circuit.
Un conflit interne que connaît également Paula Badosa. «Ce sport est une drogue, l'adrénaline d'une victoire rend dépendant», témoigne l'Espagnole, qui parle ouvertement de dépression et d'anxiété. Quand elle se sent bien, il n'y a pas d'endroit où elle préfère être que sur un court de tennis.
Break Point dresse le portrait de nombreux sportifs issus de milieux sociaux et de régions du monde différents, mais qui sont tous confrontés aux mêmes défis: la solitude, la défaite, la peur de l'échec ou encore l'échec face aux attentes.
Mais la série ne répond pas aux questions de savoir comment Kyrgios a réussi à maîtriser son agressivité ou comment Ons Jabeur, issue d'une Tunisie conservatrice et d'un milieu modeste, est parvenue à se hisser au plus haut niveau mondial. En revanche, le documentaire transmet un message plein de vérité: dans le sport de haut niveau, toutes les belles histoires ne se terminent pas forcément par un triomphe. Et il n'y a pas que les vainqueurs qui comptent.
Adaptation en français: Yoann Graber