Nick Kyrgios a l'habitude de pimenter le tennis avec ses nombreuses frasques lors de ses matchs. Mais même quand il est éloigné des terrains (blessé au genou puis au poignet, il a disputé sa dernière rencontre en juin 2023), l'Australien parvient à mettre le feu au circuit.
Il l'a à nouveau fait mercredi. Et comme souvent, le finaliste de Wimbledon 2022 a utilisé le réseau social X en guise de lance-flammes.
Son message?
Le natif de Canberra est ainsi venu à la rescousse du numéro 1 mondial, battu quelques heures plus tôt par l'Australien Alex De Minaur (6-4 6-4) à la United Cup. «Les personnes qui pensent que les balles ne sont pas un facteur suffisamment important pour blesser un athlète sont des patates», a-t-il complété avec sa prose singulière.
Si Kyrgios se démarque par l'acidité de son message et son canal de diffusion, il ne fait que relancer une vive polémique que les tennismen alimentent depuis plusieurs mois. Beaucoup d'entre eux ont exprimé colère, lassitude et inquiétude quant aux balles utilisées dans les tournois ATP. Ils les jugent responsables de leurs blessures. Deux raisons sont mises en avant: les changements trop fréquents de marque et modèle entre les tournois – ce que relève Kyrgios dans son tweet – et la qualité des sphères jaunes.
Stan Wawrinka déplorait par exemple dans L'Equipe lors du tournoi de Paris-Bercy en novembre:
Résultat: les matchs durent potentiellement plus longtemps (parce que ça devient plus difficile de conclure l'échange avec un point gagnant) et, surtout, les joueurs doivent cogner encore plus fort pour espérer battre l'adversaire. Avec des conséquences sur l'organisme. «L'investissement et l'intensité physique à la frappe vont monter hyper haut et ton corps se crispe petit à petit. Le poignet, le coude et tous les muscles autour vont se tendre», témoignait le Français Benjamin Bonzi (ATP 42) dans L'Equipe.
Or, justement, ce sont des pépins au poignet (Taylor Fritz, Novak Djokovic), coude (Vasek Pospisil, Pablo Carreño Busta) et épaule (Stefanos Tsitsipas) dont souffrent les tennismen qui incriminent les balles. A l'Open d'Australie (14 au 28 janvier), c'est un modèle de la marque Dunlop qui sera utilisé, le même que l'année dernière qui n'avait d'ailleurs pas du tout plu à Daniil Medvedev, notamment.
Des solutions ont été évoquées, comme par exemple changer plus souvent les balles (tous les sept jeux à la place de neuf actuellement) ou en utiliser davantage par rencontre. Pas sûr, toutefois, que ces suggestions collent aux préoccupations écologiques de l'époque, le tennis étant de surcroît déjà un gros pollueur.
De son côté, l'ATP ne s'est pas exprimée quant à une potentielle détérioration de la qualité des sphères jaunes et a affirmé, dans des propos repris par la BBC, qu'il n'y avait pas davantage de blessures à un endroit du corps en particulier que les années précédentes.
L'instance qui chapeaute le tennis masculin se préoccupe davantage de la (trop forte?) diversité des marques et modèles (poids, taille, épaisseur du feutre), le deuxième problème souligné par les tennismen. «L'ATP a récemment lancé des discussions pour tendre à plus d'homogénéisation», confie à watson Jean-François Collet, directeur du tournoi de Gstaad.
De quoi faire plaisir aux tennismen qui se sont plaints des changements fréquents. Parmi eux, le Canadien Vasek Pospisil a par exemple planifié son calendrier cette saison en fonction du type de balles utilisé dans les tournois et non pas, comme d'habitude, en regardant les surfaces ou la localisation.
La démarche de l'ATP donne aussi le sourire à Marc Juvenspan, chirurgien spécialiste de la main et de l'épaule. L'expert détaillait dans L'Equipe comment ces nombreuses permutations affectaient les organismes:
Mais voilà, homogénéiser les modèles de balles n'est pas si facile. Premièrement, à cause des contrats commerciaux que chaque tournoi a le droit de conclure avec des fabricants différents. Si l'ATP a bel et bien un fournisseur officiel (Dunlop), chaque événement est libre de s'associer avec la marque qu'il souhaite. Sur toute la saison 2023, 11 marques différentes (et 16 modèles) ont été utilisées. L'Equipe dresse la liste: Dunlop (25 tournois), Wilson (16), Slazenger (7), Head (5), Tecnifibre (4, dont Gstaad), Robin Söderling (2), Penn (2), Yonex (1), Babolat (1), Tretorn (1) et Artengo (1).
Or, des contrats portant sur plusieurs années sont toujours en cours, d'où l'impossibilité pour l'ATP d'imposer prochainement une seule et unique marque.
Si jouer avec le même modèle lors de tournois similaires (même surface et conditions météo proches, comme par exemple les tournées australienne, sud-américaine et nord-américaine) semble logique et constitue l'objectif de l'instance faîtière, il est compliqué de trouver un type de balle qui convienne à tous les événements. «Les modèles sont conçus pour neutraliser le plus possible les caractéristiques spécifiques de chaque surface et de chaque lieu», rappelle Benjamin Dracos, directeur du Elle Spirit Open de Montreux.
Homogénéiser, c'est donc aussi prendre le risque d'avoir des balles totalement inadaptées pour certains tournois et faire d'autres déçus (ou blessés).
Ces prochains mois ont donc encore de quoi donner des maux de tête aux dirigeants de l'ATP et un peu de distraction à Nick Kyrgios derrière son écran.