Après quelques dizaines de mètres à marcher dans une allée, on débouche directement sur un court en terre battue. Autour, quelques rangées de chaises orange en plastique. Les badauds passent leur route, certains curieux s’arrêtent. Le tout dans un brouhaha auquel vient s’ajouter, au loin, la sono du court central.
Sur ce terrain numéro deux, à l’atmosphère inhabituelle pour un tournoi ATP, l’Espagnol Albert Ramos-Viñolas et l’Australien Christopher O'Connell bataillent pour une qualification en huitième de finale. Zoom sur le cordage de leur raquette: aucun des deux n’est pincé par un antivibrateur.
«Quésaco?», doivent se dire les non-initiés. Non, cet objet n'a aucune vocation à restreindre le plaisir sexuel, comme son nom pourrait le laisser croire aux esprits les plus tordus. Un antivibrateur, également appelé «amortisseur», c’est ce bout de plastique placé au bas du tamis de la raquette. Souvent, il consiste en une petite pastille ronde avec une fente sur tout son pourtour, qu’on fixe sur les cordes. Il peut aussi avoir une forme rectangulaire ou même celle d'un large spaghetti.
Son objectif? Eviter que les cordes vibrent au moment de l'impact avec la balle. «Les vibrations ne sont pas un gros problème, on ne les sent quasiment pas dans le bras», pose d'entrée Marc Siegfried, gérant du magasin Sport Import à Genève, spécialisé en sports de raquettes.
Et justement, l'antivibrateur, en pinçant les cordes, étouffe le son et évite le fameux et pas très sympathique «zing» au moment de l'impact, également connu dans le jargon sous l'appellation barbare de «bruit de casserole».
Les raquettes de la grande majorité des joueurs du dimanche arborent le petit bout de plastique. «Sur 100 clients, seuls cinq me demandent de l'enlever quand ils veulent tester une nouvelle raquette», chiffre Marc Siegfried. Chez les pros, le pourcentage des adeptes de l'antivibrateur baisse drastiquement. Y a-t-il de nombreux fans de heavy metal parmi eux, qui a rendu leurs oreilles moins sensibles? Sont-ils plus nostalgiques des cours de cuisine?
Rien de tout ça. C'est plutôt la quête de perfection qui pousse certains tennismen à ne pas utiliser d'antivibrateurs. «Ils veulent entendre le bruit de leurs cordes pour savoir si la frappe a été bien centrée ou non», explique Thomas Pauchard, cordeur professionnel basé à Vevey, qui travaille sur le circuit ATP.
En revanche, niveau efficacité, la différence entre une frappe propre ou décentrée est énorme. D'où l'importance de savoir si on est dans la justesse technique ou non.
Pour arriver à leurs fins, les pros mettent les moyens. «Ils jouent toujours sur des cordages d'excellente qualité, qui viennent d'être posés. Chez eux, un cordage a une durée de vie de 20 à 30 minutes», resitue Marc Siegfried.
Si le tennis est considéré par beaucoup comme un art, il s'oppose ici complètement à la musique. «Les cordes d'un instrument doivent vibrer pour obtenir un son, et c'est justement ce qu'on souhaite éviter avec une raquette de tennis», rappelle l'expert genevois.
Il voit une autre raison à la plus rare utilisation d'un antivibrateur chez les pros, cette fois liée à un règlement de l'International Tennis Federation (ITF):
Mais Marc Siegfried tient à rassurer: «Jusqu'au niveau R3-R4, vous n'allez pas être embêté par ce règlement, qui n'est pas vraiment appliqué.»
La majorité des lecteurs (et l'intégralité des journalistes) de watson peut donc mettre sans aucun scrupule le fameux petit bout de plastique sur sa raquette.
D'ailleurs, que conseille Marc Siegfried? «Pour ma part, j'en ai toujours mis un. Je préconise les longs du style spaghetti, qui ont des crochets à leurs extrémités. Ils amortissent les vibrations sur une plus grande zone du cordage et tiennent mieux que les petits ronds, que vous devez souvent aller ramasser quand ils giclent, surtout si vous frappez fort et avec beaucoup d'effets.»
Votre défi pendant ce Geneva Open, dans les gradins ou derrière votre TV: calculez le pourcentage des tennismen avec et sans antivibrateurs. On attend vos réponses dans les commentaires de cet article, histoire de voir si on a des lecteurs attentifs! 😉