Carlos Alcaraz n'est pas connu pour ses exubérances stylistiques. Alors non, si le vainqueur de Roland-Garros 2024 a porté un manchon de compression blanc sur son bras droit durant tout le tournoi, ce n'est pas une question de look.
Pour le jeune Espagnol (21 ans), vainqueur d'Alexander Zverev dimanche en finale en cinq manches, il s'agissait de protéger son avant-bras, fragilisé par des douleurs ces derniers mois, comme le fait savoir Le Parisien. Elles l'avaient notamment contraint à déclarer forfait à Rome début mai. Quelques jours plus tôt, l'actuel numéro 2 mondial expliquait lors du tournoi de Madrid:
Djokovic, Kyrgios, Raonic et désormais Alcaraz: de nombreux tennismen portent ou ont porté des manchons de compression durant leurs matchs. Les spectateurs du tournoi de Gstaad 2022 avaient, par exemple, aussi vu jouer le Néerlandais Robin Haase et l'Italien Andrea Vavassori avec des manchons de compression.
Comme leur nom l'indique, ces tissus synthétiques élastiques exercent une pression sur les parties du corps qu'ils entourent. Objectif? Stimuler la circulation sanguine. «Il s'agit d'amener davantage d'oxygène dans les muscles pour optimiser le fonctionnement de ceux-ci et repousser la fatigue», explique Vincent Gremeaux, médecin du sport au Centre hospitalier universitaire vaudois (Chuv). Autrement dit, exactement ce qu'il faut pour des athlètes en plein effort. Les différents fabricants ne ratent d'ailleurs pas l'occasion de vanter leur produit miracle sur leur site internet.
Mais l'efficacité de ces manchons est-elle prouvée? Non. En tout cas pas pendant la pratique sportive. «En laboratoire, on n'arrive pas à reproduire les conditions de vrais matchs», argumente Vincent Gremeaux. «Les études ne montrent pas d’effets sur le flux sanguin, la fréquence cardiaque ou le ressenti de la difficulté de l’effort», complète son confrère Maxime Moreillon, de l'hôpital de La Tour à Meyrin (GE).
S'ils sont sceptiques quant aux bienfaits cardiovasculaires de ces équipements sportifs, les deux spécialistes leur reconnaissent toutefois une utilité. Et elle est d'abord mentale. «Certains sportifs se sentent bien grâce à l'effet sensoriel que peut avoir la compression, voire même au look que ces vêtements leur confèrent», observe Maxime Moreillon.
On peut aisément imaginer que l'extravagant Nick Kyrgios, récent finaliste de Wimbledon, appartient à cette dernière catégorie. Lors de l'Open d'Australie 2016, il avait foulé les courts avec un style on ne peut plus tape-à-l'œil et excentrique: des manchons pour bras jaune fluo et un débardeur rouge pétant.
Et puis, il y a le fameux effet placebo: même si la technologie n'a aucun impact positif, il suffit parfois d'être convaincu du contraire pour se sentir pousser des ailes.
Mais les manchons de compression ont bel et bien une utilité physiologique. Elle est d'ordre biomécanique. «En serrant les membres, ils diminuent les vibrations musculaires issues de l'impact sur le sol des pieds lors des courses et quand la balle frappe le cordage. Ainsi, les manchons réduisent les petites douleurs et augmentent le confort», analyse Vincent Gremeaux.
Le professeur du Chuv attribue encore une autre fonction à ces tissus, après une blessure:
Novak Djokovic, par exemple, en portait un sur tout son bras au début de la saison 2018, histoire de soulager ses douleurs au coude.
Cependant, pour les deux experts, les manchons de compression trouvent leur utilité surtout dans la phase de récupération. «Ils améliorent le drainage des déchets dans le sang et favorisent le retour veineux des muscles vers le cœur», applaudit Vincent Gremeaux. Du coup, les courbatures se font moins cruelles et l'enchaînement des matchs d'un jour à l'autre moins pénible. Logiquement, l'expert préconise leur port à ce moment-là. «Très peu d'athlètes le font», regrette son confrère Maxime Moreillon.
Accessoirement, c'est aussi le moment où les caméras sont rivées sur les athlètes – contrairement aux salles de repos –, un timing pas anodin au niveau du marketing pour les fabricants. Dans une perspective commerciale, l'allongement des tissus représente aussi un espace publicitaire supplémentaire, potentiel (pour de nouveaux sponsors) ou réel (une virgule floquée en plus pour Nike, par exemple).
Reste à savoir si Carlos Alcaraz, déjà très présent sur les publicités en Espagne, lancera une nouvelle mode auprès des jeunes joueurs de son pays. Après les claquettes-chaussettes, on est prêt à tout.
Cet article est adapté d'une première version publiée le 26 juillet 2022 sur notre site.