«Au Maroc, nous sommes patriotes, pas nationalistes!» Derrière son comptoir de kiosque archi-chargé de bonbons, chocolats et autres chips, Karim est inépuisable sur la demi-finale du Maroc face à la France. Comme tout le monde à Casablanca, il voit l’épopée des Lions de l’Atlas avant tout comme une fierté pour le monde arabo-musulman. Et aussi pour l’Afrique. Mais il tient à nuancer:
«En fait, on est même le porte-drapeau de tous les petits pays, peu importe la région», surenchérit Mohammed, administrateur du SC Mohammedia.
Ce mercredi matin, l’ambiance à l’entraînement de cette équipe de première division reflète ce qu’il se passe partout à Casablanca. Un calme apparent, alors que les esprits bouillonnent. La formation du SC Mohammedia, qui ne compte aucun international, s’entraîne comme si c’était un jour normal. Et pourtant: «Tous les joueurs ne parlent que de ce match contre la France», sourit l’administrateur du club.
Dans les rues, c’est la même impression de faux calme. Certes, il y a les nombreuses affiches publicitaires avec la photo de la sélection, les panneaux lumineux des bus dont les noms d’arrêts ont été remplacés par un «Tous avec nos lions» ou quelques vendeurs ambulants de goodies aux couleurs du Maroc.
Mais en débarquant à Casablanca, on s’attendait à voir beaucoup plus de maillots des Lions de l’Atlas sur les épaules et de drapeaux dans les rues.
Mais il ne faut pas se tromper: la passion des Marocains pour le foot est grande. Comme Yassine, 21 ans, qui a vendu sa voiture pour tenter d’acheter un billet pour le Qatar. Ou ces jeunes filles qui débattent passionnément du parcours des Lions de l’Atlas un jour avant le match en déambulant sur un boulevard de la ville.
Et quid de ce match spécial politiquement contre l’ancien colonisateur français ? «Que le meilleur gagne sur le terrain, il faut séparer le foot de la politique», tranche Youssef, posé à une table du café qui se remplit gentiment deux heures et demi avant le coup d’envoi. Karim, le buraliste, est un peu plus vindicatif:
Au-delà de ce match, que pourrait changer un éventuel sacre des Lions de l’Atlas dans le quotidien des Marocains? «Pour moi, rien», assure le kiosquier. «Les Marocains ne sont pas naïfs: le foot ne permet pas d’oublier les difficultés du quotidien. Ça permettra juste d’avoir un peu plus de reconnaissance au niveau mondial.»
Du côté du SC Mohammedia, Mohammed voit lui un gros potentiel de développement pour le football marocain:
Alors que le coup d'envoi de ce match historique approche, l'orage s’est arrêté dans les rues de «Casa». Mais si le Maroc bat la France, la prochaine tempête n'aura rien à voir avec la météo et déferlera sur tout le monde arabo-musulman.