L'hydrogène est le carburant du futur. Ce gaz invisible, inodore et non toxique, permet de stocker l'énergie produite par le soleil et le vent. Sans ce stockage, le tournant énergétique et l'abandon des carburants fossiles ne seront pas possibles.
Le procédé est en fait simple: l'électrolyse permet de décomposer l'eau (H2O) en oxygène (O) et en hydrogène (H2). Mais seul l'hydrogène vert est demandé. Vert signifie que l'on utilise exclusivement de l'énergie renouvelable pour sa production. Ce n'est pas le cas aujourd'hui: dans le monde, l'hydrogène est encore produit à plus de 90% avec l'énergie du charbon, du pétrole et du gaz naturel.
Et comme l'énergie n'est malheureusement pas utilisée là où elle est produite, elle doit être acheminée. Or, en Europe, l'énergie est transportée à environ 75% sous forme d'énergie fossile. Plus de la moitié de cette énergie est utilisée sous forme de pétrole et de gaz. Cela devrait cesser dans les prochaines décennies.
Mais où trouver l'hydrogène dont on a tant besoin? Il y a deux semaines, le deuxième site de production d'hydrogène de Suisse a été inauguré à Saint-Gall, près de la centrale hydroélectrique de Kubel. Deux mégawatts d'électricité y sont transformés en hydrogène.
Mais la Suisse ne produira jamais elle-même de grandes quantités d'hydrogène, comme le constate Christian Bach, chef du département Technique d'entraînement de l'institut de recherche du Laboratoire fédéral d'essai des matériaux et de recherche (Empa). Les quantités nécessaires pour remplacer les carburants fossiles, pour faire décoller les avions, pour faire sortir les bateaux du port et pour remplir les réservoirs des camions sont bien trop importantes.
Aujourd'hui, une cinquantaine de camions H2 circulent dans notre pays, et d'ici 2025, Hyundai prévoit de livrer 1600 camions Full Cell en Suisse. C'est un pas vers la société de l'hydrogène qui devrait devenir une réalité en 2040. H2 fait partie de la stratégie énergétique et climatique suisse et mondiale.
L'hydrogène devrait être produit en particulier là où l'on produit beaucoup d'électricité excédentaire. Par exemple, dans les grandes installations solaires situées dans la zone entre le Maroc à l'Arabie Saoudite, ce qu'on appelle la ceinture solaire. Cela tombe bien pour les Emirats arabes unis qui ont besoin d'un nouveau modèle commercial après l'ère du pétrole.
Selon lui, tous les déserts et toutes les régions ne sont pas adaptés. Le sable pose des problèmes à la technologie solaire. Mais malgré cela, il y a suffisamment de surfaces pour les installations solaires. «Oman a annoncé il y a quelques semaines vouloir mettre à disposition 50 000 km2 de surfaces désertiques pour la production d'hydrogène et de sources d'énergie synthétiques», explique Bach.
Non seulement à Oman, mais dans toute la ceinture solaire, l'ensoleillement est environ deux fois supérieur à celui de l'Europe centrale. Le rendement des installations photovoltaïques y est certes un peu plus faible en raison des températures plus élevées. «Mais pour chaque kilomètre carré de surface photovoltaïque, on peut produire dans la ceinture solaire 200 gigawattheures de courant vert par an, qui peut ensuite être transformé en 100 gigawattheures de méthane synthétique par méthanisation de l'hydrogène.»
La liquéfaction de l'hydrogène et son transport vers la Suisse entraîneraient toutefois des pertes.
C'est beaucoup. D'ici 2050, dans ses perspectives énergétiques, la Confédération souhaite disposer d'environ 50 térawattheures (TWh) de carburants synthétiques par an pour la décarbonisation du trafic routier, ainsi que pour l'industrie et le trafic aérien. «Cette énergie devra définitivement être importée», déclare Bach. Pour ce besoin annuel de 50 TWh pour la Suisse, il ne faudrait donc «que» quelque 625 km2 de surface photovoltaïque. Cela représente 2 à 3% de la surface solaire mise à disposition par Oman.
Cela semble séduisant, même si certains critiqueront une dépendance énergétique accrue vis-à-vis de ces pays. Toutefois, le transport de l'énergie depuis le Moyen-Orient ou l'Afrique est loin d'être simple. «Il n'existe pas de lignes permettant d'acheminer l'électricité directement de la ceinture solaire vers l'Europe centrale. Il est possible qu'elles n'existent jamais, car nous constatons actuellement que l'approvisionnement peut être fragile», explique Christian Bach. En revanche, il semble possible de transporter de l'énergie renouvelable sous forme de carburants synthétiques vers l'Europe centrale.
Mais comment l'énergie du désert parviendrait-elle jusqu'à nous? L'hydrogène peut être stocké dans des réservoirs mobiles sous forme de conteneurs ou transporté par pipeline comme le gaz naturel.
L'entreprise suisse a déjà de l'expérience en la matière. Elle participe à une installation d'hydrogène d'un gigawatt au Danemark, à partir de laquelle l'hydrogène est distribué via un réseau de pipelines, même bien au-delà des frontières du Danemark. L'installation doit couvrir une grande partie du potentiel électrique des parcs éoliens offshore. En effet, selon M. Huber, les éoliennes tournent à 80% dans le vide, car l'électricité ne peut pas être utilisée.
Non seulement parce que les lignes électriques sont surchargées, mais aussi parce que les stations de transformation le sont. L'hydrogène ne sert donc pas seulement de moyen de stockage, mais aussi à permettre la stabilité du réseau.
«L'hydrogène doit donc être considéré comme un complément au réseau électrique.» Et en 2050, également comme principal moyen de transport de l'énergie. Selon H2 Energy, 45% des transports d'énergie en Europe se feront alors par l'hydrogène, 30% par les lignes électriques, 17% sous forme de biomasse et 8% sous forme de chaleur. La Suisse a l'avantage de faire partie du gazoduc vers l'Italie. L'hydrogène y circulera peut-être un jour.