Sonnez clairons. Le second tour de l'élection à son Conseil d'Etat neuchâtelois approche. Six candidats – le Vert Roby Tschopp, les socialistes Laurent Kurth et Florence Nater, ainsi que les libéraux-radicaux Alain Ribaux, Crystel Graf et Laurent Favre – se livrent bataille pour cinq sièges. Cette élection, qui aura lieu ce dimanche 9 mai, n'est pas anodine. Voici pourquoi.
Presque partout en Suisse romande, la tendance est à la droite qui s'effondre au profit de la gauche, et en particulier des Verts. A Neuchâtel, la gauche est majoritaire au gouvernement depuis 2013. Or, cette donnée pourrait changer, car au premier tour, le PLR a créé la surprise en arrivant avec ses trois candidats dans le top 5: ses deux sortants Alain Ribaux et Laurent Favre, mais aussi sa nouvelle arrivée Crystel Graf, représentante d'une jeune droite décomplexée.
Pour ce second tour des élections neuchâteloises, les Verts et le PS se sont rassemblés autour d'un ticket commun rose-vert et le PLR s'est relancé dans la course avec ses trois candidats. L'UDC s'est retiré pour soutenir le PLR, jugeant qu'il y a là l'occasion de réussir à faire élire un collège de droite.
Le fait que la gauche ait appelé ses électeurs à voter compact pourrait mettre fin à la situation de bipartisme (la présence de seulement deux partis différents à l'exécutif cantonal), que connaît Neuchâtel depuis des années. Le ticket de la gauche plurielle contient en effet un écologiste. «Et actuellement, les Verts peuvent légitimement prétendre à avoir un siège», juge le politologue René Knüsel.
En outre, au Grand Conseil, le PLR détient moins d'un tiers de la part du gâteau. «Si l'électorat est proportionnaliste, il va sans doute estimer que le PLR est trop gourmand», estime le professeur de l'Université de Lausanne. Or, rien ne dit que les citoyens soient réellement attachés au pluralisme. Sans oublier que beaucoup d'autres facteurs interviennent lors d'une élection de personnes, comme le charisme ou l'ancrage géographique.
Un autre axe de lecture, transversal en Suisse romande, peut être appliqué à ce scrutin: le genre. De plus en plus considéré par certains électorats, dans les motivations de leurs votes, il pourrait faire élire dans de mêmes tickets les femmes Florence Nater (PS) et de Crystel Graf (PLR). Mais à quel prix pour leurs partis respectifs?
Une éventualité qui aurait pour conséquence le «vol» d'un siège masculin à gauche ou à droite. Si c'est à droite, ce serait la non-réélection d'un ministre sortant, ce qui paraît le scénario le moins probable, Alain Ribaux et Laurent Favre étant arrivés en tête au premier tour.
«C'est une erreur d'essayer de comprendre ces élections sous le seul prisme gauche-droite», avance René Knüsel. «Il a tout de suite été dit au lendemain du premier tourm par les observateurs locaux, que le nouveau Grand Conseil était à droite. C'est faux, car on peut considérer que le groupement du centre, formé par le parti Le Centre (anciennement PDC) et les Vert'libéraux, n'est pas à droite, du moins pas toujours.»
Au premier tour, les centristes ont comptabilisé ensemble 10,3% des votes au premier tour. Or, le Centre n'a donné aucune consigne de vote pour le second tour. Quant aux Vert'libéraux, ils ont appelé à voter pour le Vert Roby Tschopp et non pour les PLR. Les électeurs du centre feront donc certainement pencher la balance ce dimanche.
«L'issue de cette stratégie aura potentiellement une incidence sur la manière dont travaillera le Grand Conseil à l'avenir», juge René Knüsel. Et sur l'image que reflète la famille centriste, qui essaie de plus en plus de s'affirmer en tant que force indépendante. Le cas de Neuchâtel sera suivi avec attention par les autres cantons romands.