L’acquittement de Tariq Ramadan, mercredi 24 mai, devant la justice suisse, est une secousse. De quelle intensité? On ne peut le dire encore. La décision du tribunal correctionnel genevois provoquera des remous, peut-être un tsunami. L’affaire n’est certes pas totalement jugée, suite à la décision de la plaignante de faire appel. Un deuxième procès pourrait avoir lieu dans un délai d’un minimum de six mois.
Si l’on s’en tient aux motivations orales d'un jugement faisant peu de cas des démonstrations de la partie civile, il apparaît qu’il n’y avait pas photo: Tariq Ramadan devait être acquitté au bénéfice du doute, d’un gros doute, même.
Remous? Tsunami? L’affaire, qu'on le veuille ou non, est politique. Tariq Ramadan, ses soutiens avec lui, ont toujours affirmé que les accusations de viol à son encontre n’avaient qu’un but: le faire tomber sinon judiciairement, du moins moralement, en le poussant à reconnaître ses infidélités conjugales, ce qu’il a fini par faire. Lui couper les pattes en le confondant tel un Tartufe auprès des musulmans, son public, tel était l’objectif des plaintes pour viol déposées contre lui, selon ce même récit.
Objectif en partie rempli, puisque, bien plus que les accusations de viol lorsqu’elles sont apparues dès octobre 2017, mais que beaucoup de musulmans ont alors considérées comme des manœuvres pour le détruire, c’est la reconnaissance des adultères qui lui a causé le plus de tort auprès des fidèles. Le prédicateur était surpris dans le placard de la chambre à coucher: mauvaise posture, quand on prétend transmettre les valeurs de l'islam, sévère avec les «fornicateurs».
Mais ce qui, désormais, pourra être perçu comme une injustice, les accusations de viol, en raison même de son acquittement à ce propos dans le volet suisse de l’affaire, servira peut-être sa rédemption, qui sait, son retour sur le devant de la scène musulmane, le tort que des personnes malveillantes auraient cherché à lui porter faisant de lui un martyr doublé d’un pénitent. Le pardon est important en islam aussi.
Venue avec Malik de France voisine assister au jugement, Hannae, une jeune femme coiffée d’un foulard, se disait «plutôt satisfaite» de la décision rendue par le tribunal. A propos de Tariq Ramadan, elle confie:
Pénitent et martyr, cela se confirme.
Pour sûr, la partie de la presse française qui croyait «Brigitte» sincère, ne manquera pas de rappeler ce qu’elle a déjà écrit au cours du procès qui vient de s’achever, à savoir que le tribunal n’a pas été tendre avec la plaignante, quand Tariq Ramadan avait eu avant elle les coudées franches pour donner sa vérité.
Mais ce que le jugement suisse instille à présent, sans préjuger de la décision en appel, c’est le doute quant aux quatre autres accusations de viol pendantes en France. Un quadruple acquittement, en cas de procès, serait bien sûr une victoire pour le suspect, mais surtout un profond désaveu pour la justice française, sans parler des dédommagements qu’elle aurait à verser.
Parmi les musulmans, de même, chez des compagnons de route situés à gauche ayant fait jusqu'ici profil bas, des procès en islamophobie seraient intentés contre l’Etat, contre des militants laïques, lesquels seraient accusés d'avoir voulu abattre un musulman gênant.
Voilà en tout cas Tariq Ramadan momentanément remis en selle. Comme Hannae et son ami Malik, nombreux sont ceux qui le suivent encore sur Internet, où il organise des conférences et des tchats. Ses interventions ne se font pas qu’en ligne. Assigné à résidence en France, mais pouvant se mouvoir librement dans le pays, il est attendu le 4 juin à Nice pour une «Conférence, dîner, boisson et dessert compris», le tout facturé 35 euros, dans un lieu pour l’heure tenu secret.
Une contre-mobilisation féministe est envisagée. «En janvier 2022, l’islamologue devait réunir 400 personnes à Carros (réd: une commune française située dans le département des Alpes-Maritimes), mais ils étaient finalement 3000 à l’attendre pour la dédicace de son livre», probablement «Devoir de vérité», rapporte le journal Nice-Matin.
Son acquittement genevois – «un soulagement qui devrait l’être pour tous, pas seulement pour Tariq Ramadan, une erreur judiciaire a été évitée», estime son avocate Yaël Hayat, qui triomphe – ne nuira pas à son audience.