Deux millions de francs: c'est l'argent que va dépenser la Confédération pour inciter les Suisses à réduire leur consommation d'électricité. Lancement de la campagne cet automne. Le plan de bataille ne se limite pas à cette mesure: le Conseil fédéral prévoit, comme Simonetta Sommaruga en a évoqué la possibilité, de débrancher, si nécessaire, les installations gourmandes en énergie.
Selon Blick, les grands équipements des stations de ski sont concernés. Les canons à neige et les remontées mécaniques pourraient être arrêtés partiellement ou complètement. La consommation électrique nécessaire aux télécabines et canons à neige du pays équivaut à celle de 40 000 ménages, soit 183 gigawattheures par an.
Un tel scénario équivaudrait probablement à un désastre pour les exploitants de remontées mécaniques, qui ont déjà connu deux hivers Covid et qui s'apprêtent à augmenter les prix des abonnements journaliers pour compenser la hausse du coût de l'énergie. Ce secteur menacé d'arrêt représente, pour le Valais, 3500 emplois, selon les Remontées mécaniques valaisannes (RMV), qui signent, en ce moment, même les contrats de saison pour l'hiver 2022-23.
Les stations de ski pourraient ne pas être les seules activités concernées par une possible fermeture. En effet, si les remontées mécaniques ferment, pourquoi d'autres loisirs consommateurs d'énergie seraient-ils épargnés? On pense aux bains thermaux: ceux de Lavaux annonçaient, en 2019, avoir réalisé une économie d'énergie de 1 698 693 kWh (soit 480 ménages moyens) dans une démarche pour plus d'efficience.
Mais encore: patinoires, projecteurs dans les stades de football... Le Conseil fédéral, en pointant du doigt les remontées mécaniques, aurait-il ouvert la boîte de pandore? Les 29 et 30 août prochains, la commission de l'énergie du Conseil national planchera sur le sujet. Son président Jacques Bourgeois (PLR/FR) explique, au bout du fil, qu'il s'agira de savoir quelles économies d'énergie pourraient être réalisées, et ce dans quels secteurs. Pour lui, cependant, il est important que cette option ne soit saisie qu'en dernier recours:
La presse alémanique révélait, le 14 août, que le Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (Detec) envisagerait de recourir à des centrales électriques fonctionnant au pétrole. La proposition réjouit Jacques Bourgeois. De même que son collègue de commission, Pierre-André Page (UDC/VD), qui s'est dit choqué que le Conseil fédéral annonce son plan «en quatre phrases» sans consulter la commission ad hoc. Sur le fond, il redoute aussi les contingentements:
L'arrêt de certaines activités dites non essentielles, outre la perte économique engendrée, pourrait mettre en colère tout ou partie de leurs usagers. Pour le politologue René Knüsel, contacté par watson, «la discussion sur ce qui est nécessaire et ce qui relève du superflu relève de la foire d’empoigne». Parce qu'il s'agit, dit-il, d’une «hiérarchisation que chacun fait dans sa tête». Le pouvoir politique doit certes fonder ses décisions sur des critères tendant le plus possible vers l'objectivité, il n'en demeure pas moins qu'ils seront accueillis de façon subjective:
Comment anticiper un tel épisode, voire l'éviter? «La question principale reste de savoir si nous sommes capables d’accepter collectivement l'idée selon laquelle un grand effort doit être fait.» Ce qui suppose: un, de la bonne volonté de la part de la population, deux, une bonne communication du Conseil fédéral.
Mais, comme le relève René Knüsel, il y a des faits tangibles qui, s'ils se vérifient, faciliteront la prise de décision chez les autorités: «Un centre de bains thermaux pourrait, par exemple, ne pas avoir suffisamment d’énergie (électricité, gaz) pour tourner cet hiver, et donc être contraint de fermer.» Cela aurait l'avantage d'éviter que la décision vienne «de Berne». Un effort consenti par les citoyens et les entreprises sans injonction politique, voilà une solution qui pourrait être la plus acceptable pour tous.