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Analyse

Genève: la droite s'est-elle alliée avec l'extrême droite?

Les candidats en lice pour le second tour du 30 avril. Au centre, l'affiche de l'alliance de droite.
Les candidats en lice pour le second tour du 30 avril. Au centre, l'affiche de l'alliance de droite.image: capture d'écran léman bleu
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Genève: le centre et la droite se sont-ils alliés avec l'extrême droite?

L'alliance de la droite et du centre en vue du second tour de l'élection genevoise au Conseil d'Etat a-t-elle une composante d'extrême droite? La gauche dit oui, l'UDC dit non.
22.04.2023, 16:2005.05.2023, 12:59
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«En Suisse, on a des pudeurs», constate le politologue Pascal Sciarini, professeur de science politique à l’Université de Genève. On rechigne, on hésite, parfois on tremble à l’idée de qualifier un parti d’extrême droite. Comme si le faire était incompatible avec le système de concordance, synonyme de cohabitation permanente. Insistons: peut-on, doit-on, est-il inconvenant, voire totalement idiot de considérer que l’alliance de la droite et du centre en lice pour le second tour de l’élection genevoise au Conseil d’Etat du 30 avril contient une part d’extrême droite?

Dans un débat opposant la Verte Fabienne Fischer à la PLR Anne Hiltpold, paru le 19 avril dans la Tribune de Genève, la première parle poliment d’«alliance de bric et de broc» pour désigner les cinq membres de l'attelage bourgeois. «Alliance contre nature», lit-on aussi, sur les réseaux sociaux. On se croirait dans un salon de la bonne société, où les insinuations sauvent les apparences.

Honteuse, l’entente bourgeoise? Honteuse pour qui? Supposément pour le PLR et Le Centre, unis dans l’aventure au Mouvement des citoyens genevois (MCG), qui passe pour populiste, mais surtout à l’UDC, qu’on tient pour une formation marchant par moments dans les pas de l'extrême droite.

«La rhétorique du bouc émissaire est un marqueur d’extrême droite», pose le président du Parti socialiste genevois (PSG), Thomas Wenger.

«Pour le MCG, les boucs émissaires sont les frontaliers, pour l’UDC, ce sont les étrangers»
Thomas Wenger

«Cela ne veut pas dire que ces partis ou que leurs programmes sont d’extrême droite, cela signifie qu’il y a chez eux, davantage à l’UDC, des aspects d’extrême droite», reprend le président du PSG. Thomas Wenger se souvient de l’affiche choc élaborée par l'UDC pour la votation de 2007 sur le renvoi des criminels étrangers. On y voyait un mouton blanc chasser du territoire suisse à coups de sabot, un mouton noir, une représentation à l’époque jugée raciste par les associations antiracistes.👇

L'affiche en question.
L'affiche en question.

«Pour la présente élection et pour donner une bonne image de l’entente, l’UDC et le MCG ont lissé leurs discours», estime Thomas Wenger. Comme si une victoire de la droite valait bien la mise en sourdine de ce qui fâche et divise au sein de cette coalition de circonstance. Personne, dans les partis de l’alliance, ne parle d’ailleurs de programme commun. «C’est un accord électoral nécessaire pour reprendre la majorité au Conseil d’Etat», précise Bertrand Reich, le président des libéraux-radicaux genevois. Bref, à ce stade, une entente plus conjoncturelle que structurelle.

De fait, sur les plateaux télé, le MCG, d’habitude tout à «son welfare chauvinism», cette propension à réserver les bienfaits de l’Etat social aux nationaux, rappelle Pascal Sciarini, promeut une sage coopération transfrontalière, quand l’UDC, pragmatique, met l’accent sur le pouvoir d’achat.

«Une dynamique xénophobe assez marquée»

«Les discours sont une chose. Il faut jeter un œil aux programmes», invite Christian Dandrès. Le député socialiste genevois au Conseil national a repéré une «dynamique xénophobe assez marquée» dans celui de l’UDC, en lien avec la «préférence nationale», note-t-il. «L’UDC demande que les bénéficiaires étrangers de logements sociaux aient un casier judiciaire vierge au moment de l’attribution», relève-t-il.

Cela suffit-il à faire de ce parti un représentant de l'extrême droite? Christian Dandrès:

«Si l’on considère que l’extrême droite renvoie au fascisme et au nazisme, alors, non, clairement, l’UDC n’est pas d’extrême droite. Mais l’extrême droite, aujourd’hui, celle élue dans les parlements en Europe, évoque autre chose, des discriminations fondées sur la non-appartenance nationale, et l’UDC fait partie de cette tendance.»

Une peau de banane nommée Bertinat

Lorsqu’a surgi, le 3 avril, sur Facebook, une publication d’Eric Bertinat, conseiller municipal UDC à la Ville de Genève, certains se sont demandé si l’alliance de la droite et du centre – deux PLR, une centriste, un UDC et un MCG, Pierre Maudet faisant cavalier seul – allait tenir jusqu’au second tour.

Ce catholique conservateur, ex-président de Vigilance, un parti genevois xénophobe disparu dans les années 1990, y appelait à «barrer la route aux politiciens les plus éloignés (réd: la gauche étant ici visée) de notre conception d’une société en bonne santé», tout en se résolvant à une alliance de moindre mal. Eric Bertinat concluait d'une diatribe qu'aurait pu signer un zélateur de Poutine:

«Ce qui signifie qu’il nous faut composer avec des personnalités qui prônent l’avortement, l’euthanasie, l’homosexualité, le transhumanisme, l’immigration, le féminisme, j’en passe et des meilleurs.»

Restée plusieurs jours en ligne malgré des protestations outrées, cette prose tout en délicatesse a depuis été retirée par son auteur. Elle a eu le mérite de liguer contre cet ingérable la droite genevoise horrifiée par ses propos. Si bien que l’extrême droite, c’était lui et seulement lui. Il aura, en quelque sorte, rendu service à son «camp». «Bertinat, c’est qui, c'est quoi? C’est personne, c'est rien», s’énervait un ponte du PLR.

Yves Nidegger, conseiller national genevois de l’UDC, rejette les procès en extrême-droitisation de son parti, «avec tous les sous-entendus historiques que cela comporte». Il développe:

«C’est une insulte et c’est absurde. Absurde de traiter d’extrême droite des gens qui, comme nous, font voter le peuple le plus souvent possible. L’extrême droite, c’est la confiscation du pouvoir par quelques-uns. Nous sommes tout le contraire. Ce n'est pas nous qui empêchons les gens de parler, à l'Université de Genève, par exemple.»

Et les moutons noirs?

Et les moutons noirs de l’affiche représentant les étrangers? «La gauche victimophile nous les a reprochés. Ces affiches n’étaient en rien une bouc-émissairisation de populations, mais une manière provocante de désigner un problème spécifique, en l’occurrence les criminels étrangers. C’est à partir de ces campagnes de votations que nous avons doublé nos scores électoraux. Nous avons réussi à imposer ces thèmes sécuritaires dans le débat public. Ce type d’affiche a d’ailleurs disparu», fait observer le conseiller national.

Certains diront que ce sont les idées d'extrême droite qui se sont imposées. D'autres, que la gauche a failli en se payant de mots.

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