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«Pas de mecs cis»: deux étudiants UDC attaquent l’Université de Genève

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Image: watson

«Pas de mecs cis»: deux étudiants UDC attaquent l’Université de Genève

Considérant la tenue de réunions en «mixité choisie» à l'Université de Genève contraires à l'égalité de traitement entre les personnes, deux étudiants en droit membres de l'UDC portent l'affaire en justice. Enquête sur une offensive de la droite identitaire contre la gauche woke.
24.03.2023, 05:5524.03.2023, 20:46
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Ça ferait une bonne série Netflix. Pas de milliards en jeu comme dans «The Social Network», le film de David Fincher retraçant les débuts de Facebook, mais une trame juridique haletante sur fond de culture woke et de contre-offensive droitière. Cette histoire est en cours. La voici.

«Pas de mecs cis»

Le 17 février 2022, le Groupe de travail Genre (GT Genre) envoie un courriel à l’ensemble de la communauté étudiante de l’Université de Genève (UNIGE). Il y annonce la tenue prochaine d’une réunion «en mixité choisie», interdite aux «mecs cis». Comprendre: les hétérosexuels et homosexuels à l’aise dans leur identité d’homme ne sont pas les bienvenus à cette assemblée, qui sera suivie d’autres, de même nature, à un rythme mensuel, est-il précisé. GT Genre est une émanation de la CUAE, l’association faitière étudiante de l’UNIGE, dont le positionnement wokiste, à la gauche de la gauche, n’est un secret pour personne.

Le 6 octobre, nouvel e-mail de GT Genre, même formulation. L’invitation est à nouveau adressée à la totalité des étudiants de l’UNIGE, via Uniliste. Cet outil de communication interne de l’université revêt ici une importance certaine, comme on le verra.

La mangouste et le cobra

Deux étudiants en droit entrent alors en jeu. Précision utile: ils sont membres de l’UDC. Le parti conservateur parfois qualifié d’extrême droite est à la CUAE ce que la mangouste est au cobra. A moins que ce ne soit l’inverse.

L’un de deux étudiants, Arnaud Mangano, 23 ans à l’époque, avait déjà écrit au rectorat à la suite du premier envoi de GT Genre, celui du 17 février. Il protestait contre ce qu’il considérait être une atteinte à l’égalité de traitement entre individus. Le rectorat lui avait répondu que, sans cautionner les réunions en mixité choisie, il les tolère au nom de la liberté associative – un cas analogue s’était posé en 2021, auquel l’UNIGE avait répondu de la même manière.

L'offensive

En cet automne 2022, Arnaud Mangano et son camarade passent à l’offensive. Ils demandent au rectorat d’interdire la réunion annoncée dans le courriel du 6 octobre et de prendre pour ce faire des «mesures préprovisionnelles», disposition légale permettant de suspendre la tenue d'un événement afin d’empêcher la commission d’un «dommage irréparable». Ils prient en outre le rectorat de se dissocier des courriels de GT Genre.

Voulant mettre tous les atouts de leur côté, nos justiciers se rendent accompagnés de deux témoins à la réunion dite en mixité choisie. A peine se sont-ils assis dans la salle – «une salle de l’Université de Genève», précise Arnaud Mangano –, qu’on leur demande de sortir. «Mecs» d’apparence, peut-être repérés par l'«ennemi», ils ne font pas «queers» ou «non-binaires». Ils s’exécutent. Leurs témoins pourront certifier d’une rupture d’égalité dans le traitement des personnes, pensent-ils.

L'UNIGE sous la pression d'activistes

Les semaines passent. L’UNIGE est depuis quelques mois sous le feu des critiques d’une partie des médias pour son inaction face à des menées de type wokiste, du nom de ce courant qui entend redéfinir ce qu’il est permis de dire et de ne pas dire au nom de la défense des minorités. Jugées transphobes, deux conférences organisées dans l’enceinte de l’UNIGE, l’une en avril, l’autre en mai, ont été interrompues par des transactivistes à peine avaient-elles commencé. Le rectorat, qui entendait porter plainte contre inconnus, renonçait à poursuivre après avoir passé un pacte de non-agression avec la CUAE.

Le 22 décembre, l’UNIGE répond à Arnaud Mangano et son ami. Ironie de la situation: la veille au soir, la conseillère nationale genevoise de l’UDC Céline Amaudruz, qui participait à une joute oratoire dans l’enceinte de l’université genevoise à l’invitation d’une association étudiante, était visée par une tentative d’entartage très peu pacifique de la part d’activistes d’extrême gauche en voulant au parti de la droite identitaire. Céline Amaudruz, suivie quelques semaines plus tard par l'UNIGE, déposait plainte contre ses agresseurs.

L'arrêt «Zofingue» du Tribunal fédéral

Reprenons. Dans sa réponse du 22 décembre aux deux étudiants en droit, l’UNIGE réitère son point de vue: n’approuvant pas les réunions en mixité choisie (dans les faits, en non-mixité), elle les accepte en vertu de la liberté associative. Elle invoque l’arrêt «Zofingue» prononcé en 2014 par le Tribunal fédéral. La plus haute juridiction du pays avait à statuer sur cette association étudiante de l’Université de Lausanne refusant d’inscrire des femmes en son sein. Elle avait donné raison à Zofingue, au nom, justement, de la liberté associative, jugeant que celle-ci l’emportait sur un autre droit fondamental, l’égalité de traitement des individus, autrement dit, leur non-discrimination.

«Actes illicites subis»

Face à ce qu’ils estiment être un refus d’entrer en matière, les deux étudiants en droit (leurs études sont sur le point de prendre fin) font recours. Ils saisissent la chambre administrative de la cour de justice du canton de Genève. Nous sommes le 13 janvier. Leur argument: les réunions en mixité choisie sont des actes illicites subis. Ils demandent à l’UNIGE: 1) la suppression de tels actes, 2) leur interdiction, 3) la reconnaissance de leur caractère illicite a posteriori.

L’histoire en est là, dans l'attente d'une décision de justice. Elle a un coût financier, qui prendra l’ascenseur si l’affaire devait aller au Tribunal fédéral. L’UDC pourrait alors mettre la main à la poche.

Changement majeur dans la politique des courriels

Mais les duettistes du parti conservateur peuvent se targuer d'une première avancée conforme à une partie de leurs souhaits. Le 12 décembre, l’UNIGE a modifié les conditions d’utilisation d’Uniliste, l’outil de communication interne. Celles et ceux qui le veulent peuvent désormais filtrer les événements tagués «mixité choisie», de façon à ne pas recevoir les courriels contenant cette thématique.

L’UNIGE paraît vouloir reprendre la main sur les groupes activistes et syndicaux. Le 12 toujours, elle signalait en effet, dans un langage plein de prudence, «le besoin de clarifier que les messages émanant des associations étudiantes ou des syndicats ne proviennent pas de l’Université et ne reflètent pas nécessairement ses positions».

«L’UNIGE ne se prononce pas sur une action en cours»

Joint par watson, le porte-parole de l’université, Marco Cattaneo, apporte quelques commentaires: «S’agissant du recours en justice des deux étudiants, l’UNIGE ne se prononce pas sur une action en cours. Sur la question du filtrage de certaines thématiques dans l’outil de communication Uniliste, nous nous sommes positionnés bien avant le démarrage de cette action. Le 12 décembre, nous avons en effet ajouté la thématique "mixité choisie" à la liste des tags permettant de ne pas recevoir certains courriels internes.»

La CUAE n’a pas répondu à nos sollicitations. La vitrine de son local est recouverte d’affiches portant l’inscription «Tout le monde déteste l’UDC». Vous la voyez, la série Netflix ?

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