Nemo a réalisé ce que seules Lyss Assia et Céline Dion avaient accompli avant lui: remporter le Concours Eurovision de la chanson pour la Suisse. Alors que l'artiste célébrait sa victoire, la SSR était directement confrontée à de nouveaux défis. Selon les règles de l'Eurovision, la chaîne de télévision du pays vainqueur est chargée d'organiser le concours l'année suivante.
Les villes de Zurich, Berne, Genève et Bâle ont été évoquées pour l'accueillir. Yves Schifferle, responsable de la délégation suisse à l'Eurovision, a mentionné ces lieux dotés de grandes salles et d'une bonne infrastructure sur la RTS début avril.
Pourtant, le contexte risque d'être tendu. En 2025 débutera aussi la campagne de votation sur l'initiative de la redevance portée par l'UDC. Cette dernière vise à diminuer la redevance radio et télévision de 335 francs par ménage et par an à 200 francs. Il est probable que cette initiative soit soumise au vote du peuple soit au cours du deuxième semestre 2025, soit en 2026.
Si le budget de la SSR est réduit, ce sont principalement les «grandes manifestations populaires» qui seraient impactées par les mesures d'économie, comme indiqué dans une prise de position de la SSR.
L'Eurovision constitue donc un défi pour la SSR. Matthias Müller, interrogé début avril, co-président de l'initiative de réduction de moitié, déclare notamment que «dans le cas de l'Eurovision, la question se pose déjà de savoir si la SSR, en tant que média public, doit contribuer financièrement à ce programme de divertissement commercial avec les fonds issus de la redevance».
Selon lui, la mission du service public consiste «à fournir à la population des informations compréhensibles et soigneusement préparées».
Ce grand événement pourrait-il devenir le point central de la campagne de votation? L'initiative de la redevance soulève également des questions sur l'orientation politique de la SSR et sur la culture en général. L'UDC, en particulier, critique la tendance jugée trop à gauche et trop «woke» de la télévision publique.
Mais l'UDC manquerait là un peu sa cible. En effet, si l'Eurovision jouit d'un statut culte dans la scène LGBTQ+, il ne s'agit pas d'un événement de niche, mais bien d'un show tout ce qu'il y a de plus populaire, suivi par toutes les générations ou presque.
Pour Anna Rosenwasser, conseillère nationale du PS et experte LGBTQ+, il est évident que «l'organisation de l'Eurovision par la SSR serait bénéfique pour tous». Le show n'est pas seulement intrinsèquement queer, mais compte également des communautés de fans dans toutes les strates de la société.
La participation de Nemo – non-binaire – a eu un «effet merveilleux» sur la représentation des personnes queer, en particulier des personnes non-binaires. «Il est temps que l'on discute publiquement non seulement des personnes non-binaires, mais aussi avec elles», déclare-t-elle. Le fait que Nemo puisse être authentique dans la culture pop réjouit particulièrement Anna Rosenwasser, qui est fan de l'artiste.
La SRF ne réagissait pas, début avril, aux critiques selon lesquelles l'Eurovision serait un gaspillage de redevance. Elle ne répond pas à cette question. Quant au coût concret de cet événement, Yves Schifferle, chef de la délégation SRF, déclare: «L'organisation du Concours Eurovision est un défi pour chaque chaîne». Interrogé à ce sujet, il ne fournit aucun chiffre précis, mais déclare simplement: «Produire le plus grand show musical du monde a un impact important sur le budget et les ressources».
Des discussions sont en cours avec les Pays-Bas, le Portugal et l'Italie, entre autres, afin de déterminer le coût du concours. D'autres diffuseurs en Europe ont été confrontés à des défis similaires et ont trouvé des moyens de financer cet événement d'envergure.
L'organisateur, l'European Broadcasting Union, reste également discret sur les chiffres. Selon les spéculations, les coûts de l'organisation de l'édition 2023 à Liverpool se situaient entre 27 et 36 millions de livres (30 à 40 millions de francs). La ville, la British Broadcasting Corporation (BBC), le gouvernement et les autres pays participants s'étaient partagé la somme.
En 2015, l'Autriche, et donc l'ORF, a accueilli l'ESC après la victoire de Conchita Wurst — et a donné un bilan positif sur demande. Les coûts se seraient élevés à 14,1 millions d'euros pour l'ORF, restant ainsi en dessous des 15 millions d'euros prévus au budget. Le jour de la finale seulement, plus de 3000 collaborateurs, partenaires et bénévoles ont été mobilisés. La ville de Vienne a également débloqué 17 millions d'euros supplémentaires.
L'édition à Liverpool a permis de créer de nouveaux emplois et de booster le tourisme, également sur le long terme, montre une étude de l'Université de Liverpool. Et, lorsque le concours musical s'est déroulé à Vienne en 2015, la ville a généré un plus de plus de 27 millions de francs. Les analyses montreraient que l'économie britannique aurait généré 62 millions de francs de recettes supplémentaires pendant la semaine de l'Eurovision, notamment grâce aux spectateurs de l'événement.
De quoi balayer les arguments de l'UDC ou lancer une bataille des chiffres? Affaire à suivre.
Textes original: Anna Kappeler / Adaptation: jah