L'année passée, la Suisse a exporté du matériel de guerre pour une valeur de 955 millions de francs. Jamais ce montant n'a été aussi élevé: il dépasse de 6% le précédent record, établi en 2020. C'est ce qu'a annoncé mardi le Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco).
Les catégories de produits les plus vendus ont été, dans l'ordre, les véhicules blindés, les munitions, les armes et les systèmes de conduite de tir. Soixante pays ont bénéficié au total du matériel militaire helvétique en 2022. Pas tous les destinataires, c'est bien connu, sont des Etats démocratiques.
C'est ce qui montre également une comparaison avec l'indice de démocratie 2022, une évaluation annuelle dressée par le groupe de presse The Economist Group. En fonction de plusieurs variables analysées, l'indice classe les Etats du monde dans quatre catégories: «démocratie complète» (dont la Suisse fait partie), «démocratie imparfaite», «régime hybride» et «régime autoritaire».
Les 60 pays importateurs de matériel de guerre suisse se classent comme suit:
Le Kosovo et le Vatican ne sont pas inclus dans les calculs de l'indice de démocratie.
Plus de la moitié des pays de destination (46 sur 60) sont donc des Etats démocratiques au sens large, la «démocratie imparfaite» caractérisant des pays occidentaux tels que l'Italie, les Etats-Unis, la Pologne ou encore la Belgique.
On retrouve par ailleurs quatre «démocraties complètes» dans le top dix, dont le Danemark et l'Allemagne, qui occupent respectivement la deuxième et la troisième marche du podium des pays importateurs.
Sur la première marche du podium, on retrouve le Qatar, pays qui a importé du matériel de guerre pour une valeur de plus de 213 millions de francs, soit plus du 22% du total. Il s'agissait principalement de systèmes antiaériens, destinés à renforcer la protection de la Coupe du monde 2022, rapporte la NZZ.
L'indice de démocratie 2022 qualifie le Qatar de régime autoritaire. Sur une échelle de 0 à 10 mesurant le niveau de la démocratie, le pays a obtenu un score de 3,65 l'an passé, contre par exemple 9,14 pour la Suisse.
Oman (3,12), les Emirats arabes unis (2,9), le Bahreïn (2,52) et l'Arabie saoudite (2,08) ont fait encore pires. Or tous ces Etats ont importé des armements suisses l'année passée, tout comme le Koweït (3,83) et le Mali (3,23).
Se positionnant à mi-chemin entre les démocraties imparfaites et les pays autoritaires, les régimes hybrides sont également présents dans la liste des Etats importateurs. Il s'agit du Pakistan, du Bangladesh, de la Tunisie, de la Côte d'Ivoire et de Hong Kong.
Le cas de l'Arabie saoudite soulève régulièrement des critiques. Quatrième importateur d'armements suisses (plus de 111 millions de francs en 2022), le pays est directement impliqué dans la guerre civile yéménite, qui a fait plus de 377 000 victimes.
La Confédération affirme ne plus autoriser d'exportations vers Riyad depuis 2016, à l'exception de pièces de rechange et de munitions pour des biens livrés auparavant, selon la NZZ. Pour le Seco, ce choix sert à protéger la confiance: les acheteurs de matériel de guerre suisse doivent pouvoir partir du principe qu'ils ne se verront pas refuser l'accès aux pièces de rechange et aux munitions.
Au total, huit pays ayant acheté des armements suisses en 2022 étaient impliqués dans des conflits, un nombre qui passe à dix si on considère les affrontements mineurs. A côté de l'Arabie saoudite, on retrouve notamment Israël, le Pakistan, Ie Bangladesh et le Mali.