L'utilisation d'images de conseillers fédéraux ou d'autres personnalités pour faire de la publicité pour des offres douteuses sur Internet est un phénomène récurrent. Guy Parmelin, ainsi qu'Ueli Maurer ou Alain Berset, ont été récemment concernés par cela. Dans le cas de la ministre des Finances Karin Keller-Sutter, la criminalité va nettement au-delà de l'utilisation de son image.
Les escrocs utilisent le nom de Karin Keller-Sutter pour faire de la publicité pour une plateforme qui promet de gagner de l'argent rapidement et facilement. Il y est dit de manière très prometteuse que tous les résidents de Suisse ont la possibilité de rembourser toutes leurs dettes en un mois. Selon l'arnaque, le Conseil fédéral aurait développé une plateforme spéciale à cet effet, accessible à tous.
Ces déclarations — fausses — sont étayées par des photos de la ministre des Finances Karin Keller-Sutter ainsi que par une prétendue interview que la conseillère fédérale aurait accordée aux journaux Blick et 20 Minutes ainsi qu'à la RTS. Elle y fait des déclarations sur le commerce international du gaz.
Mais ce n'est pas tout. Elle fait également la promotion d'une plateforme étatique appelée «Gas Ertrag» (réd: Rendement du gaz), qui offrirait aux particuliers de superbes possibilités d'investissement. Selon les escrocs, chaque citoyen qui investit 250 francs gagnerait plus de 7000 francs par jour. Et ce, sans risque de perte et en contournant les sanctions internationales. En outre, la conseillère fédérale utiliserait elle-même la plateforme pour se constituer un capital.
Tout est bien sûr inventé de toutes pièces. Le Département fédéral des finances (DFF) a donc déposé une plainte pénale contre inconnu le 8 septembre auprès du ministère public fédéral pour soupçon de fraude. A ce jour, celui-ci n'a pas encore décidé s'il ouvrait une procédure pénale, classait l'affaire ou la transmettait aux autorités judiciaires cantonales compétentes.
Pendant ce temps, les sites Internet frauduleux restent accessibles et, selon le DFF, il existe un risque que des personnes tombent dans le piège de ces activités criminelles. La conseillère fédérale a donc décidé d'intenter une deuxième action en justice, cette fois-ci en tant que personne privée, ce qui est plutôt inhabituel pour les ministres en exercice.
Le ministère public de Saint-Gall a confirmé la réception d'une plainte auprès du bureau d’enquête de sécurité de Gossau, compétent pour la résidence de Karin Keller-Sutter à Wil (SG). La conseillère fédérale porte plainte contre inconnu pour usurpation d'identité et diffamation. Le premier délit peut être puni d'une peine d'emprisonnement allant jusqu'à un an, le second d'une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à trois ans.
L'affirmation selon laquelle la ministre des Finances utiliserait la plateforme mentionnée est également fausse. Les photos auraient aussi été utilisées à son insu ou sans son consentement. Elle poursuit: au vu de la conception des sites web, il faut «partir du principe que les auteurs agissent dans l'intention soit de me nuire, soit de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, en incitant les personnes qui visitent ces sites web à effectuer un virement en faveur de cette plateforme».
Les chances de retrouver les auteurs et de les poursuivre pénalement sont généralement faibles pour ce type de délits sur Internet. C'est ce que montrent de nombreux autres cas impliquant des célébrités. Les plateformes telles que Facebook ou Instagram, où ces publicités apparaissent souvent, ne font pas grand-chose pour y remédier, parce qu'elles gagnent de l'argent avec elles. A cela s'ajoute le fait que ces escrocs opèrent habituellement depuis l'étranger en changeant d'adresse Internet.
Selon les informations de son département, il s'agit pour Karin Keller-Sutter de se défendre et de donner ainsi un signal. C'est pour cette raison qu'elle ne demande pas de dédommagement dans sa plainte pénale. Elle a déposé cette plainte en premier lieu pour défendre les intérêts financiers des victimes potentielles de la fraude et pour préserver la réputation du Conseil fédéral.
Traduit et adapté par Noëline Flippe